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C’est le plus grand défi logistique de ma carrière », déclare Christiane LeBlanc, directrice générale et artistique du Concours musical international de Montréal, à propos de la perspective d’organiser un concours de la fin avril à la mi-mai. Cette déclaration peut sembler curieuse, puisqu’après tout aucun des candidats ou des jurés ne doit être transporté par avion à Montréal et convenablement logé. Il n’est pas non plus nécessaire de réserver la Maison symphonique ou l’Orchestre symphonique de Montréal. Le concours de cette année, consacré au piano, est entièrement solo et entièrement en ligne. Il est aussi accessible gratuitement pour les passionnés de partout dans le monde.
Les 26 candidats, dont certains étaient sur la liste d’attente, sont les mêmes qui avaient été sélectionnés pour l’édition 2020 du CMIM, qui ne s’est finalement pas concrétisée pour les raisons qu’on connaît.
« Nous ne pouvions pas reporter une deuxième fois, assure LeBlanc. Je pense qu’il était de notre responsabilité d’essayer d’être innovants et de sortir de notre zone de confort. »
La distance par rapport à la zone de confort est considérable. Pour chaque agrément qu’apporte le format en ligne, il y a une complication.
Une de ces complications consistait à trouver des lieux de spectacle. Plutôt que de se contenter d’une poignée de villes et de demander aux candidats de s’y rendre, le CMIM a réservé 14 salles à travers le monde, amenant le concours jusqu’à eux. « On ne sait jamais quand les frontières vont fermer », explique LeBlanc, faisant allusion à la nature instable des réglementations gouvernementales à l’ère COVID-19.
Cinq des 26 candidats (de 11 pays) joueront à New York; quatre à Londres, trois à Paris; deux joueront à Bâle, Berlin et Séoul; et un candidat jouera à Ann Arbor, Bielle (Italie), Kansas City, Montréal, Moscou, Tokyo, Vienne et Varsovie.
Dans de nombreux cas, la ville reflète le lieu de résidence du candidat plutôt que le pays qu’il représente. Trois des concurrents chinois joueront à New York. Un des candidats établis à Berlin est sud-coréen. L’autre est japonais.
Les salles de concert ayant une forte résonance ont été préférées aux studios dépourvus d’âme. « Nous voulions qu’ils aient l’impression de se trouver dans un espace merveilleux où ils se sentent à l’aise et où le son est bon, même s’il n’y a pas de public », dit LeBlanc.
Les représentations new-yorkaises ont lieu au Merkin Hall, près de l’école Juilliard. Les autres lieux sont la Royal Academy of Music de Londres, la salle Cortot à Paris, le Koerner Hall à Toronto et le légendaire Conservatoire de Moscou, même si ce n’est pas la fameuse salle principale du Concours Tchaïkovski.
Les candidats seront présentés dans une séquence aléatoire, comme dans les éditions habituelles du concours. Tous les récitals sont enregistrés à l’avance. La différence de fuseaux horaires rend la diffusion en direct irréalisable.
Steinway assurera un lot d’instruments en bon état. Les protocoles d’enregistrement doivent être uniformes. « Nous devons assurer que les équipes d’enregistrement travaillent sur une base commune, avec le même nombre de microphones, d’angles de vue et de caméras », précise-t-elle.
Aucun montage, telle est la règle d’or. Les musiciens doivent jouer de mémoire en une seule prise. En cette ère de virtualité universelle, les problèmes de connexion et les dérapages sont rares, mais si quelque chose tourne mal, il n’y aura pas de seconde chance.
Les normes doivent être les mêmes du côté des destinataires de la transmission. Les responsables du concours voient à ce que les juges disposent de l’équipement de lecture approprié.
L’interdiction de communiquer devrait être moins préoccupante que d’habitude puisque les juges travaillent de la maison, ajoute LeBlanc. « Est-ce qu’un membre du jury décrochera son téléphone pour demander à un autre ce qu’il a pensé de tel ou tel candidat ? Je n’ai pas de contrôle là-dessus, mais le livre de procédures est là et nous leur rappelons toujours que nous ne souhaitons pas qu’ils s’entretiennent des concurrents. » Enfin, Zarin Mehta sera de retour en tant que président du jury.
Même si on peut affirmer qu’il n’y a rien de tel que d’entendre un candidat en personne, l’option virtuelle présente des avantages. Les juges seront isolés non seulement les uns des autres, mais de toute influence subtile qui pourrait résulter, par exemple, d’applaudissements plus ou moins enthousiastes.
Un autre avantage potentiel est la semaine d’intervalle qui offre aux juges et aux amateurs une chance de se dégourdir les jambes entre la demi-finale (26 récitals de 45 minutes du 26 au 30 avril) et la finale (huit récitals d’une heure du 10 au 13 mai). Les gagnants seront annoncés le matin du 14 mai.
Les juges Charles Richard-Hamelin et Mari Kodama (qui se trouvaient tous deux à Montréal) ont donné des cours de maître avec distanciation à la salle Bourgie le 12 mars. Ces cours seront présentés en webdiffusion dans la semaine du 3 mai.
Il n’y a pas de répertoire obligatoire, à part Bach (un prérequis évident pour le prix du Festival Bach Montréal) et l’œuvre canadienne imposée (prérequis pour le prix André Bachand). L’œuvre imposée cette année sera constituée de trois préludes tirés de 24 compositions principalement postromantiques achevées en 2015 par le compositeur de l’Université Queen, John Burge. Pour cette œuvre uniquement, les candidats sont autorisés à lire la musique.
L’approche de la carte blanche reflète une tendance mondiale. Si des candidats souhaitent se démarquer avec Janáček, Hindemith et Boulez plutôt que Beethoven, Chopin et Prokofiev, libre à eux de le faire. « Ils n’ont que deux tours, alors on doit leur donner une chance d’exprimer leur personnalité », nuance LeBlanc.
Les prix, d’une valeur de 235 000 $, incluent l’ajout récent d’un enregistrement sous l’étiquette Steinway pour le gagnant du premier prix. Tous les prix sont financés par des dons.
« J’ai été très touchée par la solidarité et la générosité de nos commanditaires, dit LeBlanc. Ils ont accepté de soutenir quelqu’un qu’ils ne rencontreront probablement jamais et qui ne viendra peut-être jamais à Montréal. » Exception faite, probablement, du gagnant du premier prix que l’OSM a accepté de présenter dans une prochaine saison.
Un concours montréalais se déroulant presque entièrement hors de Montréal ? Paradoxe courant à l’ère post-COVID. Une autre particularité notable est l’absence de spectateurs en personne applaudissant leurs préférés… un constituant classique des concours.
« Ce sera bien sûr différent, dit LeBlanc. Mais nous verrons comment les candidats se débrouilleront pour établir une connexion avec le public même s’il n’est pas devant eux. Nous sommes conscients que c’est un défi de taille. »
Traduction par Andréanne Venne
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