En temps de guerre, il n’y a pas que le malheur et le bruit des balles qui sifflent sur les têtes des civils. S’il y a du réconfort et quelques sourires d’enfants décrochés ici et là au cœur de la misère du monde, c’est en partie grâce à Clowns sans frontières (CSF), dont la mission est de panser les plaies des âmes meurtries. Un sourire à la fois.
« L’aide matérielle est essentielle, mais l’écoute qu’on porte aux gens et l’art qu’on diffuse sont aussi une nécessité pour passer à travers les difficultés. Les injustices sociales me touchent énormément. C’est pourquoi je veux faire partie de la solution. Le travail que j’ai fait pendant dix mois au Cameroun en 2008 a été la bougie d’allumage », explique Katel Le Fustec, aujourd’hui directrice générale et artistique de l’organisme au Canada.
Objectif de 9 000 $
Comme un cadeau de Noël tombé du ciel, CSF Canada est né le 22 décembre 1994, deux ans après l’idée originale formulée par le clown catalan Tortell Poltrona. « Tortell et sa compagnie sont encore très populaires. Après qu’il a lancé un appel aux artistes internationaux, le mouvement s’est créé, avec un code d’éthique. On est maintenant quinze pays membres. Et depuis 2005, il existe une fédération de Clowns sans frontières pour mettre en commun nos ressources et nos actions », poursuit Mme Le Fustec. De plus, CSF travaille de pair avec Médecins du monde, Médecins sans frontières et Terre des hommes. « Nous voulons apporter du rêve aux enfants devenus adultes trop vite, parce qu’ils sont en mode survie et cherchent un lieu pour dormir le soir. On veut leur donner du réconfort, des émotions positives. »
Novembre est un mois important pour Clowns sans frontières Canada. Le 20 novembre est la Journée internationale des droits de l’enfant. Mais en novembre se tient aussi la campagne annuelle de financement de l’organisme, qui souhaite amasser 9 000 $ (sur un budget annuel de 75 000 $), par la vente de nez de clown, fabriqués par une coopérative à Saint-Jean-Port-Joli, et l’appel au don à la population.
Soulignons que le travail des artistes professionnels qui s’engagent dans des missions de 21 jours est bénévole. « Est-ce qu’on fait de l’aide humanitaire, volontaire, artistes ? De l’humour ? Il nous reste encore du travail à faire pour faire comprendre et justifier notre action auprès du gouvernement », estime-t-elle.
Haïti, action phare de CSF Canada
L’un des projets phares de CSF Canada a eu lieu en Haïti (2002-2007). « Il y a beaucoup d’Haïtiens à Montréal. On a développé une complicité naturelle avec de nombreux partenaires, dit Mme Le Fustec. Dans notre mission, outre les spectacles gratuits qu’on propose, on offre aussi de la formation et des ateliers. Et parmi les enfants qui ont bénéficié de la formation, de jeunes garçons ont créé un groupe, Cirque local. La troupe a pu venir à Montréal et recevoir du perfectionnement, à l’École nationale de cirque, avec le Cirque du Soleil, à la TOHU. On en est fiers ! On a décidé de retourner en Haïti en 2014; c’était naturel pour nous de continuer. Par extension, on pourrait bâtir des écoles de clowns, mais les immobilisations, ce n’est pas notre mandat. On vise plutôt à mettre sur pied un solide réseau d’artistes locaux et faire connaître entre elles les ONG. »
Beaucoup d’imprévus au menu
Pendant les missions de 21 jours de CSF Canada, le rythme est bien soutenu. Les membres de l’équipe prennent le temps de se préparer avant le voyage, sur la culture du lieu d’accueil, les couleurs du pays, le drapeau, etc. « Il faut surtout posséder un bagage professionnel et humain, être capable de transmettre ses compétences, écouter les besoins des gens sur le terrain et être prêt à s’ajuster. On est une petite équipe. Physiquement et émotionnellement, on vit beaucoup de choses. Une fois sur place, il y a 15 % de prévu, mais le reste est imprévu. Notre horaire peut être chamboulé par une manifestation nationale, une catastrophe naturelle ou même le gouvernement; on doit être prêt à réagir rapidement », témoigne Katel Le Fustec.
Une fois sur place, l’équipe rencontre les partenaires locaux et réévalue au besoin la programmation et les mesures de sécurité. « On fait de 2 à 3 activités par jour, poursuit-elle. On se déplace en petite équipe d’un lieu à l’autre, dans une voiture qui n’est pas blindée. Mais on fait tout pour ne pas mettre notre équipe en danger. On a dû déjà écourter nos spectacles ou être évacués parce que nous étions dans une zone à risque. Mais on n’est jamais seuls; on a des gardes et on suit un protocole de sécurité avec nos partenaires. On collabore aussi avec la police nationale et l’ambassade du Canada. On est hébergés chez nos partenaires, des gens au grand cœur. »
Mme Le Fustec croit que l’organisme a fait sa marque dans les pays où il se pose, ne serait-ce que pour la pression et la tension qui tombent à la suite de son passage. « On n’est pas là pour remplacer ce que l’État devrait faire. Je pense qu’on peut être en effet une réponse au cynisme ambiant. »
Pour soutenir Clowns sans frontières, il est possible de se procurer un article à sa boutique web ou simplement de faire un don. www.clownssansfrontieres.ca