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Deutsche Grammophon4
Le deuxième concerto pour piano de Sergei Prokofiev était le moins joué des cinq jusqu’à ce qu’Evgeny Kissin ne démontre, il y a une dizaine d’années, qu’il était non seulement jouable mais aussi agréable à entendre. À ce stade précoce de son émergence – le numéro de l’opus est dans la petite adolescence – Prokofiev était plus enclin à être rebelle qu’agréable. Depuis que Kissin a fait découvrir l’oeuvre au public, un centre doux sous-jacent a été révélé et d’autres pianistes se sont précipités pour faire de ce concerto autrefois mis de côté une attraction pour le public. L’Orchestre philharmonique de Vienne l’a fait tourner au Japon cette semaine seulement.
Parmi la demi-douzaine d’interprétations que j’ai entendues, celle de Trifonov est la plus séduisante, à la fois pour son refus nonchalant de la difficulté et pour quelque chose que l’on pourrait presque confondre avec de la sentimentalité. Trifonov, qui n’a pas encore 30 ans et qui vient de devenir père pour la première fois, grandit en engagement émotionnel et en maturité à chaque représentation successive. Cet enregistrement, accompagné par l’Orchestre Mariinsky avec Valery Gergiev (qui a dirigé le Concours Tchaïkovski que Trifonov a gagné), est un must, un des sommets de cette année difficile.
Le concerto en fa mineur d’Alexander Scriabine n’atteint pas ces sommets. Mollet où Prokofiev est militant, tintant où le jeune homme est terrifiant, ce concerto est un matériau de remplissage plutôt qu’une fibre alimentaire et la lecture de Trifonov comme un hommage sub-Tchakovsky laisse le cerveau en manque d’une idée à mâcher.
Les autres œuvres de ce double album sont plus ou moins intéressantes, notamment la huitième sonate de Prokofiev, dont la première a été contestée par Emil Gilels et Sviatoslav Richter et que Trifonov cherche maintenant à réinterpréter comme un commentaire sur l’implication de Prokofiev dans le cinéma soviétique de guerre de Sergei Eisnestein. Il s’agit d’une approche merveilleuse du 21e siècle, à environ un million de kilomètres lumière de Gilels, et peut-être le signal le plus clair à ce jour de ce que ce pianiste encore en développement peut ajouter à notre expérience d’écoute dans les années à venir. Ce sont là deux incontournables.
NL
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