Un-nevering : dépasser le deuil

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Comment, dans notre culture où la mort reste souvent cachée, l’art peut-il aider à surmonter un deuil ? En réponse, le merveilleux Un-nevering de la chorégraphe Thea Patterson esquisse une œuvre forte et inventive. À l’Espace Libre, du 30 mai au 3 juin, dans le cadre du Festival TransAmériques.

Peu après le meurtre en Colombie Britannique de son époux et collaborateur de longue date, l’artiste multimédia Jeremy Gordaneer, Thea Patterson rentre se réfugier auprès de sa communauté artistique montréalaise. Son amie et chorégraphe Rachel Harris lui propose alors de retourner en studio afin la soutenir dans son processus de deuilLa lecture de Performing Mourning, du dramaturge belge Guy Cools, qui traite du pouvoir les arts performatifs à métaboliser le deuil, achève d’enclencher la création de Un-nevering (Défaire le jamais).

Thea Patterson en action dans Un-nevering.Crédit photo:Kinga Michalska.

Thea Patterson en action dans Un-nevering.Crédit photo:Kinga Michalska.

Le duo de créatrices s’adjoint la danseuse Elinor Fueter. Ensemble, sur une scène jonchée de différents artéfacts – des morceaux de bois, de grosses sphères noires des cordes, des poulies, une balle, un magnétophone et des vieilles cassettes, un micro – elles convoquent la présence de l’absence et scrutent l’absence de la présence. De nombreux objets sont liés au défunt. Le public entend d’ailleurs au début de la performance un morceau de piano que Jeremy Gordaneer avait improvisé et enregistré. L’environnement sonore du spectacle, qui est très varié, inclut des harmonies vocales, inspirées du keening (une tradition celtique pratiquée par les femmes pour les morts) de la musique opératique ou celle de The Cure, un groupe que le défunt affectionnait.

Dans sa pratique, inspirée par la philosophie néo-matérialiste, Thea Patterson dialogue avec les objets. La manipulation de ceux-ci est lente, calculée, gracieuse. Certaines actions sont particulièrement frappantes. Toutes les performeuses agissent ensemble et ont leur moment solo. Une cagoule souple et cloutée masquant son visage, Thea Patterson enfile des gants de boxe et se suspend.à des cordes La scène est puissante et symbolique. Le passage où Elinor Fueter traverse l’Espace libre, un collant noir enfilé sur la tête, trainant deux poids au bout de bout de chaque extrémité, est lui aussi mémorable. Les tableaux s’enchainent parfaitement et une vidéo d’animation se greffe naturellement au reste de la représentation.

Elinor Fueter traine le poids du deuil et des habitudes.Crédit photo:Kinga Michalska.

Elinor Fueter traine le poids du deuil et des habitudes.Crédit photo:Kinga Michalska.

L’équipe de création de Un-nevering  invente un langage clair pour exprimer et aborder la perte. Née du deuil, du chagrin mais aussi de l’amitié et du besoin de créer de nouvelles connections, la pièce Un-nevering dépasse l’hommage. C’est une œuvre multiple – parfois violente, parfois mélancolique, souvent douce et tendre, dans laquelle le public se reconnait et qui l’invite à entrer en conversation avec sa propre relation au deuil.

Un-nevering est une expérience précieuse,à partager à l’Espace Libre, du 30 mai au 3 juin, dans le cadre du Festival TransAmériques.

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