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L’artiste international Luc Courchesne, grand pionnier des arts numériques, vient de recevoir la plus grande récompense en arts visuels au Québec, le prix Paul-Émile-Borduas.
Luc Courchesne mène depuis toujours une démarche artistique inspirée et avant-gardiste. Professeur honoraire à l’Université de Montréal, membre de l’Académie royale des arts du Canada et membre fondateur de la célèbre Société des arts technologiques (SAT) dont il a dirigé (2004-2014) puis codirigé (2014-2017) le laboratoire de recherche Metalab, le créateur montréalais est le premier artiste numérique à remporter le prix Paul-Émile-Borduas. Un tel honneur est rendu possible par la toute récente révision des critères d’évaluation de la plus prestigieuse des distinctions en arts visuels, qui récompense maintenant une contribution exceptionnelle aux domaines des arts visuels, des métiers d’arts ou des arts numériques au Québec. L’utilisation des technologies de communication et de l’information est désormais reconnue par l’institution, ce qui a permis de poser des candidatures issues de domaines qui n’étaient pas reconnus auparavant.
Luc Courchesne s’intéresse principalement au domaine des arts médiatiques et interactifs et le créateur a assimilé les nouveaux savoirs nécessaires à l’invention et à la réalisation de ses dispositifs, comme la théâtralisation spatiale. Il a aussi conçu le système de signalisation des parcs du Québec, toujours en usage après plus de 40 ans, de même que le fameux sac Boule (1976) dont la production (québécoise !) n’a jamais cessé. « J’ai toujours trouvé une façon de poursuivre ma démarche créatrice et de suivre le fil de ma curiosité; mon approche reste la même – l’art doit toucher », dit le créateur. Il évoque volontiers l’étincelle ressentie pendant l’Expo 67, lors de la visite du mémorable Pavillon du téléphone et de son écran cylindrique qui recréait le principe des panoramas, très en vogue à la fin du XIXe siècle. Quand il voit l’expérience, il pense qu’elle va devenir très commune, sans soupçonner le niveau de difficulté technique que cette réalisation implique ni l’importance du point de vue qu’elle sous-tend. Luc Courchesne étudie au College of Art and Design de Nouvelle-Écosse, qui a une posture plastique assez marquée et où il rencontre Michael Snow. Il gagne ensuite un cercle confidentiel qui gravite entre Halifax et New York, puis le légendaire laboratoire du Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Cambridge, voué à la rencontre des arts et des technologies. Il croise notamment le sculpteur Christo, l’artiste plasticienne française Catherine Ikam, entrevoit des pistes de création inédites.
Le grand défi artistique
La démarche de Luc Courchesne se démarque par son intérêt pour la photographie panoramique et sphérique. « J’ai conservé l’approche des arts visuels même si le cadre est devenu une fenêtre d’une forme quelconque, à cause de la fragmentation des écrans – le grand défi artistique, c’est de convertir ce cadre en porte et de faire en sorte que le regardeur la passe avec nous », reprend-il. Et il est beaucoup plus question ici de terrain d’expérience que de représentation. « Le passage de la culture analogique à l’art numérique a donné de nouveaux accès aux artistes, qui ont pu inventer d’autres outils de création et amorcer autrement des réflexions originales. » La difficulté est de trouver un point d’équilibre entre la recherche formelle très sérieuse et un peu aride et l’aspect narratif, aussi appelé storytelling dans le milieu.
Dans ses films, son ami de longue date François Girard contrôle le rythme et l’attention du spectateur; ce qu’il ne montre pas est souvent plus important que ce qu’il montre. Alors qu’en immersif, on crée des mondes dans lequel le foyer de l’attention du participant échappe au créateur, explique l’artiste numérique. Nous devenons des architectes, nous créons des mondes et ce passage de la deuxième dimension à la troisième, en temps réel, est ce qui caractérise les pratiques numériques, se réjouit le Québécois. Son œuvre de fiction Portrait n° 1 (1990) est une rencontre déterminée avec un personnage qui a fait école dans les programmes universitaires du monde entier, après avoir obtenu le Grand prix de la première biennale du NTT InterCommunication Center de Tokyo (1997) et le prix de distinction dans la catégorie Interactive art des prix Ars Electronica (1999) à Linz, en Autriche (voir photo). Maintenant que la technologie est intégrée et anecdotique, on parle maintenant d’art et c’est ce qui compte, renchérit le Montréalais.
L’attribution du prix Paul-Émile-Borduas surprend Luc Courchesne, qui n’y pensait certainement pas. « Ce médium est encore furtif, il n’a ni public ni économie; nous sommes presque tous des professeurs », explique l’artiste numérique qui a été le premier à mener ses recherches tout en établissant sa titularisation, selon un processus équivalent à celui qui est institué à la faculté des sciences. « J’ai rencontré des étudiants extraordinaires et si j’ai quitté l’Université de Montréal en 2013, après avoir y avoir enseigné le design pendant vingt-sept ans, c’est pour donner tout le temps qui me reste à ma pratique. » Mais ce contact avec les jeunes qui en savent toujours plus que vous, Luc Courchesne ne veut pas le perdre. Il continuera donc à donner des conférences et s’engager dans des projets – pour se tenir à jour, comme il dit. « Je suis aussi grand-papa et au spectre de mes créations s’ajoute dorénavant la construction de cabanes. »
Curieux ? Visitez le www.courchel.net ou profitez de Nu au Paradis, une exposition dynamique et exportable qui expose en rappel la vie et le travail de Luc Courchesne, à la galerie Pierre-François Ouellette Art Contemporain. Du 9 novembre au 21 décembre 2019. www.pfoac.com
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