Catarina et la beauté: le pouvoir du théâtre

0

Maintenant directeur du Festival d’Avignon, l’auteur et metteur en scène portugais Tiago Rodrigues revient avec Catarina et la beauté de tuer des fascistes, une expérience frappante et des plus polarisantes. À vivre absolument. Duceppe,26 -28 juin https://fta.ca/

Tiago Rodrigues est un habitué du Festival TransAmériques. Il y est venu avec By Heart (2015) et Antoine et Cléopâtre (2017). Avec Catarina et la beauté de tuer des fascistes, il propose un débat plutôt brechtien qui oppose deux visions, les personnages restant sur leur position tout au long de la représentation, comme dans toute bonne pièce dialectique.

La démocratie doit-elle lutter contre ce qui la menace ? Doit-on tolérer les intolérants ou les exterminer? C’est le dilemme que pose Catarina et la beauté de tuer des fascistes. La pièce campe une famille qui a pour tradition de tuer, une fois l’an, un fasciste. Rassemblée ce jour-là dans leur maison de campagne, au milieu de chênes lièges, la famille se réjouit de voir sa cadette s’initier au rituel, qui honore depuis 70 ans la mémoire de Catarina Eufémia, une ouvrière agricole assassinée brutalement sous la dictature de Salazar.

Le député fasciste au milieu du clan des Catarina. Crédit photo : Joseph-Banderet

Le député fasciste au milieu du clan des Catarina. Crédit photo : Joseph-Banderet

Pourtant préparée à ce rituel depuis son enfance, la cadette est assaillie par le doute et refuse de tirer sur le député fasciste, misogyne et homophobe kidnappé pour l’occasion et les personnages antagonistes restent finalement sur leurs positions.

Le décor est une maison de bois dont les pans, sur des roulettes, se défont. Une grande table est plus loin, brodée d’un slogan politique. Tous et toutes les interprètes portent des jupes longues et s’appellent Catarina. Ils chantent un air de fado, un air nostalgique typique du Portugal dont le nom découle du verbe «  prédestiner », qui chante la nostalgie des morts et du passé, Le fado était élevé au rang de chant national à l’époque du dictateur Salazar. Le reste de la musique du spectacle est varié, présent, contemporain et Catarina – le fils enfile ses écouteurs à chaque fois qu’elle retentit, comme un code.

Le décor de Catarina et la beauté de tuer des fascistes se défait comme une maison de poupée, Crédit photo : Joseph-Banderet

Le décor de Catarina et la beauté de tuer des fascistes se défait comme une maison de poupée, Crédit photo : Joseph-Banderet

Le texte, fort poétique, scrute notre époque, ses politiques populistes en vogue. Après une foule de petits moments amusants, le prisonnier, qui, apeuré, avait été muet pendant tout le spectacle, livre finalement un discours-fleuve d’une insoutenable rectitude politique, qui fait réagir toute la salle, complètement polarisée. Aux rares « bravos » (oui, il y en a eu) répondent des dizaines d’insultes criées. Il n’y a plus de différence entre réel et fiction, certains choisissent de quitter la salle, ulcérés, ne supportant plus ce discours intolérable. C’est le chaos généralisé dans la salle du théâtre Duceppe. Les lumières de la salle s’allument, le spectacle devient total.

Il faut saluer le comédien Romeu Costa qui reste imperturbable durant la longue logorrhée qui clôt la pièce. Il se fait insulter, jeter des choses à la tête et continue à jouer son rôle d’odieux personnage sans broncher. La sécurité a été appelée en renfort, pour la sécurité des comédiens. Est-il moral qu’un spectacle soit aussi polarisant demande un spectateur, outré? Une autre rappelle que des membres de l’audience sont venus aux mains en Allemagne, lors des représentations. Catarina et la beauté de tuer des fascistes ne laisse donc personne indifférent.

Intrigué.e? Catarina et la beauté de tuer des fascistes de Tiago Rodrigues.Un théâtre  qu’il faut expérimenter. Catarina et la beauté de tuer des fascistes. Duceppe,26 -28 juin https://fta.ca/

Partager:

A propos de l'auteur

Les commentaires sont fermés.