Batty boy : performance sauvage

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Le performeur et chorégraphe jamaïco-norvégien Harald Beharie présente en première nord-américaine le solo Batty boy, qui a remporté le prix norvégien Hedda de la meilleure performance de danse en 2023. Au Studio Hydro-Québec du Monument-National, dans le cadre du Festival TransAmériques, du 28 au 31 mai.

Basé à Oslo, Harald Beharie explore dans son travail des modes alternatifs d’exister, d’être et de danser ensemble, tout en remettant en question les notions de normativité. La pièce Batty Bwoy se réapproprie  l’expression offensante « batty bwoy » (garçon de cul) qui désigne en argot jamaïcain une personne queer. Le solo puise dans le climat d’homophobie latent qui plane encore dans l’île et dans certaines formes de musique jamaïcaine qui incluent des thèmes homophobes extrêmement violents, comme le succès dancehall Boom Bye Bye de Buju Banton dont les paroles appellent littéralement au meurtre des membres de la communauté queer. Elle s’inspire aussi de la résilience de nombreux homosexuels du pays qui, après avoir été rejetés par leur famille, ont survécu en trouvant refuge dans les égouts de Kingston – les gully.

Harald Beharie performe totalement nu, totalement nu, seulement chaussé et les jambes protégées par des bas noirs. Crédit photo:Tale Hendnes.

Harald Beharie performe totalement nu, portant uniquement des genouillères et des chaussures. Crédit photo:Tale Hendnes.

Dans le silence total et dans le plus simple appareil, portant uniquement des genouillères et des chaussures, Harald Beharie commence sa performance. Toutes les lumières de la salle sont allumées, iel a le visage caché par de longues tresses blond platine. Installé sur une sorte de base rouge, iel avale de l’huile qu’iel recrache sur son sexe pour s’en enduire les parties intimes.

Prenant appui sur ses genoux et sur ses mains, Harald Beharie se penche, quittant son promontoire pour faire le tour de la salle et s’offrir au regard du public, presque en rampant. Les spectateurs sont curieux, certains affichent un regard réjoui, grivois ou intimidé. Certains rougissent. Dès le début, le public s’investit dans l’espace que crée la performance. La musique de la formation norvégienne Ring Van Möbius, un groupe de rock qui se décrit comme du rock retro-progressif tout droit sorti de 1971 mais produit aujourd’hui, se fait entendre d’abord doucement puis avec force de guitares, claviers, batteries et synthétiseurs.

Le performeur fait de très nombreuses et violentes rotations avec son cou et sa tête et ses longs cheveux qui vont dans tous les sens font penser à une anémone dans un océan agité. Harald Beharie parcourt toute la surface du Studio, joue sur les rares silences de la musique, ne dévoile presque jamais son visage jusqu’à ce qu’iel enlève sa perruque. C’est là qu’iel se redresse, révèle ses traits et fixe les spectateurs dans les yeux. Ce moment est très fort. L’audience est sous son emprise.

Dans Batty boy Harald Beharie assume la représentation stéréotypée de l'homosexuel. Crédit photo:Julie Hrncirova.

Dans Batty boy Harald Beharie joue avec la représentation stéréotypée de l’homosexuel. Crédit photo:Julie Hrncirova.

Les actions qui composent le spectacle s’enchainent. Le corps de Harald Beharie se fait pathétique, animal, érotique, frénétique. Il se déchire, se désarticule. Le performeur disparait pour revenir la tête haute, le pas ferme et assuré. Il y a quelque chose de rebelle, de ludique et de cathartique dans cette performance très, très physique qui s’attaque, à mains et à corps nu, à la violence homophobe et à ses stéréotypes.

Batty boy, une performance à l’énergie sauvage pour spectateurs très avertis. À voir au Studio Hydro-Québec du Monument-National, dans le cadre du Festival Trans Amériques, du 28 au 31 mai.

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