Marc-André Hamelin: jongler avec aisance entre le connu et l’inconnu

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Bach, Schumann, Debussy et Chopin : autant de compositeurs phares bien connus qui figureront au programme de Marc-André Hamelin le 30 septembre au Ladies’ Morning Musical Club (LMMC). Se distinguant par ses nombreux enregistrements d’œuvres d’Alkan et de Sorabji, compositeurs du 19e siècle, Hamelin possède un large et éclectique répertoire allant des compositeurs illustres à ceux qui sont moins connus.
« Ce sont tous de vieux amis et je suis heureux de présenter leurs œuvres », a déclaré Hamelin lors d’une entrevue téléphonique, quelques heures avant son vol vers le Royaume-Uni où il participera au Festival international d’Édimbourg.
À son dire, Bach est « probablement le plus grand compositeur qui ait jamais vécu, la combinaison parfaite de l’émotion et de l’intellect, une inspiration pour un nombre incalculable de compositeurs au fil des époques. » Au LMMC, il interprétera la transcription de Busoni de la Chaconne de Bach.
La Fantaisie de Schumann, qu’il joue depuis des années, est à ses yeux mystérieuse. « Elle recèle tant de choses dont nous ne sommes pas pleinement conscients. Lettre d’amour à Clara, cette œuvre, destinée à rendre hommage à Beethoven, était dédiée à Franz Liszt. »
Hamelin se souvient du temps où il ne saisissait pas la musique de Debussy. « Ce n’est qu’après avoir plongé dans l’étude de ses œuvres que [j’ai découvert] non seulement qu’il est l’un des plus grands compositeurs du 20e siècle, mais tout comme Bach, il est une source d’inspiration pour tant de gens. Il avait une telle compréhension du piano et de ses possibilités. »
Dans le documentaire de 2008 intitulé Legato, le monde du piano, Hamelin note que « rarement, Debussy souhaite que le piano sonne comme un piano; il préfère donner l’impression qu’il sonne comme n’importe quoi d’autre ».
« C’est à la base de ce que je fais… Je m’attache à faire oublier au public que je joue d’un instrument. Je fais de la musique, voilà ! »
Peu d’artistes oseraient lancer leur carrière en jouant de la musique peu connue, mais au début des années 1990, Hamelin s’est permis de faire ce qui lui venait naturellement. « Je doute que c’était du courage, c’était plutôt de l’ignorance, évoque Hamelin. Je n’ai pas reçu beaucoup de conseils. Je faisais ce qui me plaisait. J’aurais dû m’en tenir un peu plus au répertoire traditionnel. »
Rétrospectivement, il affirme que ses premiers choix de programmation ont retardé son succès. « Ce n’est qu’après 2001 que ma carrière a vraiment décollé. » Représenté par Colbert Artists Management depuis, il inclut dans ses programmes des œuvres connues et ses propres compositions.
Contrairement à la plupart des pianistes, Hamelin a grandi dans un environnement où la musique n’était pas omniprésente. Il l’a découverte avec son père, Gilles Hamelin, pharmacien de profession et pianiste talentueux.
« Les enregistrements de la musique d’Alkan étaient rarissimes dans les années 1960. Un jour, mon père a trouvé un long jeu de Raymond Lewenthal, un pianiste américain. Il avait également mis la main sur une anthologie d’œuvres pour piano d’Alkan préparée par Lewenthal pour l’éditeur Schirmer. Aussi, un soir, nous l’avons écoutée ensemble. Cela a été notre initiation à l’œuvre d’Alkan. »
Alors âgé de sept ans, Hamelin était déjà habitué à suivre les partitions et à écouter le répertoire traditionnel. « Je n’aurais pas alors pu jouer cela; nous avons fait tous deux une découverte. »
À 13 ans, Hamelin achète de sa poche son premier long jeu, la Concord Sonata, pour 7,98 $, après avoir vu le numéro spécial de la revue Clavier honorant le centenaire de la naissance de Charles Ives.
Il a attiré inévitablement l’attention du public par sa virtuosité phénoménale et sa maîtrise intellectuelle du piano. D’ailleurs, lors d’un récital à New York, ébahis par sa maestria, les gens changeaient de siège pour s’asseoir du côté gauche de la salle afin de mieux voir ses mains.
Le pianiste québécois avoue ne pas être impressionné par le simple doigté pyrotechnique. « J’ai lu un article dans lequel Horowitz disait que le mot “technique” était mal choisi; à son avis, nous devrions plutôt parler de
“mécanique”. [Pour moi], la technique signifie incorporer à la mécanique son interprétation – par n’importe quel moyen artistique, émotionnel et corporel – pour traduire le message émotionnel de la pièce. »
Hamelin a toujours fait de l’improvisation et de la composition musicale, mais il se considère comme « un pianiste, d’abord et avant tout ».
« Je n’y gagne pas ma vie [avec la composition], mais c’est quelque chose que je trouve nécessaire. Au début, ma principale motivation était de composer une pièce que je pouvais jouer. À présent, j’espère que d’autres reprendront ce que j’ai écrit. »
En 2010 chez Peters, Hamelin a publié sa première œuvre, une série de 12 études dans tous les tons mineurs, composées sur une période de 25 ans. Depuis 2011, plus de 10 œuvres ont suivi, dont la plus récente est une transcription de la quatrième étude de cette collection pour quatuor de saxophones par Matt Evans.
Sur le site des Éditions Peters, on peut lire la note du pianiste : « L’une des surprises les plus agréables que j’ai eues comme compositeur a été de découvrir par hasard l’arrangement de cette étude par le Zzyzx Quartet. Je n’aurais jamais pensé que ma pièce pouvait être adaptée à un quatuor de saxophones ! Je suis si heureux de ma modeste contribution à la littérature du quatuor de saxophones ! »
Hamelin enregistre exclusivement pour Hyperion Records. Depuis son premier album consacré à la musique d’Alkan en 1994, il a réalisé plus de 70 enregistrements. Son plus récent revêt une signification toute particulière. On y trouve la Sonate en si bémol majeur D. 960 ainsi que les Quatre impromptus op. 142 de Schubert. Certes, la sonate figure à son programme depuis plus de vingt ans, mais il s’agissait là de son premier enregistrement.
« Si elle figurait à chaque récital pour le reste de ma vie, je n’en serais pas malheureux, ajoute-t-il. Chaque fois que je la joue, je glisse dans un monde douillet et amical et je ressens le lien avec le compositeur. »
Hamelin reviendra à Schubert, mais il continue d’explorer et de faire connaître la musique des compositeurs qu’il juge méconnus. Il se réjouit de voir la musique de Nikolai Medtner faire de plus en plus partie du répertoire, lui qui a enregistré 14 sonates du compositeur russe en 1998.
« Je ne le fais pas pour moi, mais pour le public et aussi pour d’autres pianistes, pour leur insuffler le courage d’explorer ces œuvres. »
 Traduction par Lina Scarpellini
Marc-André Hamelin se produira le 30 septembre à la salle Pollack pour le Ladies’ Morning Musical Club (www.lmmc.ca). Pour connaître la programmation des concerts de Marc-André Hamelin, visitez le www.marcandrehamelin.com.

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