Jordi Savall: Toujours en quête de nouveaux répertoires

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Jordi Savall revient au Canada. Après une tournée nord-américaine avec son ensemble le Concert des Nations qui l’a mené à Ottawa en février dernier, le célèbre gambiste catalan reprend la route, cette fois avec Hespèrion XXI.

Pour cette nouvelle tournée, intitulée The Golden Age of Consort Music, Jordi Savall a fait appel à l’ensemble des violes et au théorbe d’Hespèrion XXI, un groupe avec lequel il aborde exclusivement le répertoire de musique de chambre de la Renaissance jusqu’à la période baroque. Parmi les compositeurs au programme en sol canadien, mentionnons John Dowland (1563-1626), connu par ailleurs pour ses nombreuses chansons sur le thème de la douleur. Dans le répertoire instrumental, celui-ci a fait paraître un recueil de sept pavanes et autres pièces intitulé Lachrimae. De ce recueil, Jordi Savall et son ensemble interpréteront Semper Dowland, semper Dolens, une ultime pavane en forme d’autoportrait. « C’est une œuvre extraordinaire. Beaucoup de compositeurs ont aussi écrit pour la voix, comme Henry Purcell [1659-1695], mais Dowland reste l’un des plus importants en Angleterre, avant la fin de l’époque de la viole de gambe. » De Purcell, justement, Jordi Savall jouera la Fantasia Upon One Note. À cela s’ajoutent des œuvres de compositeurs allemands, italiens et espagnols, mais aussi Cinq fantaisies sur une jeune fillette d’un auteur français méconnu, Eustache du Caurroy (1549-1609).

Une vocation précoce

« J’ai beaucoup travaillé durant ma jeunesse sur le répertoire de consort. J’ai passé de nombreuses heures au British Museum, à la Bibliothèque nationale de France. Il en résulte une vingtaine d’enregistrements, depuis l’époque élisabéthaine jusqu’à celle de Purcell. Aujourd’hui, j’ai l’embarras du choix. Je pourrais faire dix concerts différents. »

C’est avec la même assiduité que le jeune Jordi Savall a d’abord découvert, puis endisqué des pans entiers du répertoire français, notamment les musiques de Monsieur de Sainte-Colombe (~1640-1700) et de Marin Marais (1656-1728) qui ont plus tard servi d’inspiration à Alain Corneau pour son film tant célébré Tous les matins du monde (1991). « J’ai toujours eu cet intérêt. J’ai trouvé tant de belles musiques complètement oubliées. Cela m’a incité à abandonner le violoncelle pour me dédier à la viole de gambe et à son répertoire. Grâce au film, non seulement le grand public, mais aussi des musiciens qui jouaient sur des instruments modernes et se spécialisaient dans le répertoire moderne ont été touchés. C’est peut-être la plus belle chose du projet », se souvient Jordi Savall.

Aujourd’hui, la quête de nouveaux répertoires continue. « Je suis en train de fouiller dans l’histoire des premiers voyages vers le Nouveau Monde. J’ai avec moi une quinzaine de chercheurs qui travaillent sur la musique des Caraïbes, composée à Cuba ou en Haïti. D’autres équipes ont retranscrit des manuscrits trouvés à la cathédrale de Las Palmas, dans les îles Canaries. C’est de là que les bateaux partaient. Parmi les matelots venus de toute l’Europe, et même du monde arabe, il y avait des musiciens, des compositeurs, qui écrivaient pendant le temps qu’ils étaient retenus à quai, parfois jusqu’à deux mois en fonction du climat maritime. »

Quand la musique vous parle

Au contact de la musique, Jordi Savall a aussi développé une philosophie propre à l’interprétation : « J’ai appris à jouer de la viole de gambe grâce à la musique même. Quand vous jouez une pièce, à mesure que vous la travaillez et que vous la maîtrisez, vous vous rendez compte que c’est la musique elle-même qui vous dit ce qu’il faut faire. Elle vous donne des instructions sur la manière dont elle doit sonner. C’est aussi pour cette raison que j’ai passé dix ans de ma vie à travailler huit heures par jour avant d’enregistrer pour la première fois. À partir du moment où vous la connaissez vraiment, il y a un rapport qui s’établit avec la musique comme entre deux personnes qui s’aiment. Ce n’est pas un rapport à sens unique. Vous dédiez votre temps à quelqu’un que vous aimez et cette personne vous rendra aussi de belles choses. C’est très humain, en fait. Et pour y arriver, il faut être sensible. »

Jordi Savall et Hespèrion XXI Il en concert au Palais Montcalm de Québec le 6 novembre, à la Maison symphonique de Montréal le 7 novembre et au Centre Carleton Dominion-Chalmers d’Ottawa le 8 novembre. www.alia-vox.com

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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