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Boussole
Mathias Énard
Actes Sud, 378 p.
La première phrase de Boussole est un long délire de près de trois cents mots. C’est ainsi que le lauréat du prix Goncourt 2015 donne le ton d’un chef-d’œuvre dont la lecture est exigeante, mais combien savoureuse. Les amoureux des mots prendront plaisir à recommencer une phrase rien que pour sa beauté.
Tandis que la maladie le ronge dans sa chambre de Vienne, Franz Ritter, musicologue féru d’orientalisme, ressasse ses souvenirs de voyages en Orient, souvenirs hantés par sa relation avec l’insaisissable Sarah, amour impossible qui l’a marqué pour toujours. Entre les nuits dans le désert en Syrie et les bazars d’Istanbul, il évoque les orientalistes du passé, archéologues, historiens, écrivains, peintres et compositeurs fascinés par l’univers des Mille et une nuits.
Boussole est une œuvre originale, éblouissante d’érudition et dans laquelle l’auteur marie le talent d’un orfèvre à la passion du collectionneur d’anecdotes passionnantes. À l’opposé d’un polar ou d’un thriller dont on tourne les pages avec anxiété pour connaître la suite, ce roman plaira davantage aux lecteurs lents et patients qui aiment prendre leur temps et déguster un livre à petites doses.
EXTRAIT
J’ai soif. Combien de temps me reste-t-il à vivre ? Qu’est-ce que j’ai raté pour me retrouver seul dans la nuit le cœur battant les muscles tremblants les yeux brûlants, je pourrais me lever, mettre mon casque sur mes oreilles et écouter de la musique, chercher la consolation dans la musique, dans l’oud de Nadim, par exemple, ou dans un quatuor de Beethoven, un des derniers – quelle heure est-il au Sarawak, si j’avais osé embrasser Sarah ce matin-là à Palmyre au lieu de lâchement me retourner tout aurait peut-être été différent; parfois un baiser change une vie entière, le destin s’infléchit, se courbe, fait un détour.
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