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«Cela facilite un peu les choses si l’on y pense » , dit Rafael Payare à propos des déplacements qu’implique son nouveau poste de directeur musical de l’Orchestre symphonique de Montréal. « Maintenant, au lieu de huit semaines à San Diego et 35 dans ¬différentes villes, je ¬passerai mes huit semaines à San Diego et 14 semaines à Montréal. »
Soyons clairs : le chef vénézuélien – également directeur musical de l’Orchestre symphonique de San Diego – sera à Montréal pendant sept semaines en 2021-22 et doublera son engagement en 2022-23. Avec un peu de chance, la COVID-19 sera alors vaincue ou contrôlée.
Selon les clauses contractuelles, il est « directeur musical désigné » en 2021-22, bien que le service de marketing de l’OSM ait jugé ce titre sans signification pour le grand public. L’essentiel est qu’à partir du 9 septembre, lorsqu’il donnera le signal de départ au Parc olympique de Montréal, Payare sera aux commandes.
Ce qui soulève de nombreuses questions auxquelles seules les saisons à venir pourront répondre. Les préférences de Payare en matière de répertoire semblent être indubitablement grand public. À cet égard, il diffère de Charles Dutoit, qui a cultivé la variété (combien d’entre nous se souviennent du parcours des poèmes symphoniques de Liszt dans les années 1990 ?) dans un contexte qui reconnaissait les besoins franco-russes de la maison Decca.
Rien à voir non plus avec Kent Nagano, qui a oscillé entre une fascination pour les classiques austro-allemands et une autorité incontestée dans les œuvres du XXe siècle telles que celles de Leonard Bernstein et d’Olivier Messiaen.
La musique baroque ? « Je ne peux pas prétendre être un spécialiste », répond Payare lorsqu’on l’interroge sur le mouvement de la pratique historique. Il est intéressant qu’un chef d’orchestre invité, Paul McCreesh, prenne en charge deux représentations de la semaine sainte de la Passion selon saint Matthieu de Bach. Nagano n’aurait jamais cédé la direction d’un tel chef-d’œuvre. La faille n’est peut-être pas fatale dans une ville amplement desservie par les professionnels de la musique ancienne.
L’engagement de Payare envers la musique contemporaine reste à établir. La seule œuvre canadienne qu’il dirige cette saison, dans le programme d’ouverture à la Maison symphonique, est le très prudent et stravinskien Kaléidoscope de Pierre Mercure de 1948. La seule partition plus tardive qu’il dirige est le Concerto pour piano et orchestre à cordes d’Alfred Schnittke de 1979. Les quatre premières canadiennes sont confiées à des chefs invités.
À certains égards, Payare, 41 ans, est un maestro parfaitement moderne. Comme de nombreux chefs d’orchestre de sa génération, il dirige généralement de mémoire. « Il est préférable d’avoir la partition dans la tête et non la tête dans la partition », dit-il, citant un principe appris de José Antonio Abreu, fondateur du programme El Sistema au Venezuela, dont il est un représentant notable.
Toujours en accord avec les préférences contemporaines, Payare opte pour des premiers et seconds violons séparés, du moins dans les partitions austro-allemandes. « Mahler utilise cette sorte de son stéréo, commente-t-il. On retrouve un diminuendo d’un côté et un crescendo de l’autre. Cela risque de se perdre si les premiers et les seconds sont côte à côte. »
Certains détails de placement dépendront de la sonorité de la salle et des besoins particuliers d’un orchestre limité (du moins tant que dureront les restrictions sanitaires) à 70 musiciens. Quant à la Maison symphonique, Payare en est un grand admirateur.
« Les musiciens peuvent vraiment s’entendre, dit-il. Ce qui leur permet de prendre des risques musicaux. Peut-être répétons-nous de telle ou telle façon, mais nous pouvons prendre un virage [lors de la représentation]et le jouer autrement. Grâce à l’acoustique de la Maison symphonique, chacun des musiciens en sera conscient. Chaque concert peut devenir absolument vivant. »
Payare couvre d’éloges prévisibles son nouvel orchestre pour sa virtuosité et son raffinement, mais identifie également une volonté plus rare de fonctionner en dehors des limites établies. « C’est l’une des particularités que j’aime à l’OSM, dit-il. Je l’ai ressentie dès la première répétition. »
Des enregistrements sont prévus. « Il ne m’est pas permis de divulguer quoi que ce soit, mais l’OSM ne serait pas l’OSM sans enregistrements », disait-il en août. Comparez cette observation avec l’étonnement qu’il a exprimé en janvier dernier devant l’inexistence d’un cycle Mahler de l’OSM et vous comprendrez aisément ce qu’il a en tête.
Payare sera certainement comparé à son compatriote et ancien élève d’El Sistema, Gustavo Dudamel, directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles. À Montréal, Payare pourrait être comparé à Yannick Nézet-Séguin, 46 ans, directeur musical à vie de l’Orchestre Métropolitain.
L’arrivée de Payare bouscule la dynamique établie. Si l’OSM demeure le plus ancien et le plus grand des deux orchestres – sans mentionner le plus productif quant au nombre de concerts donnés –, Payare est sans contredit le moins connu des deux maestros. Alors, qui est désormais le vétéran et qui est le petit nouveau ? Lequel des deux maestros enthousiasmera davantage le public lorsque les concerts reprendront ?
La perspective d’une rivalité ne trouble aucunement Payare. Sans connaître personnellement Yannick Nézet-Séguin, il le tient en haute estime.
« Cela témoigne de la merveilleuse polyvalence de Montréal en tant que ville. Prenez Berlin par exemple. La ville compte neuf orchestres, dont le Philharmonique de Berlin, dirigé par Kirill Petrenko, et le Staatsoper de Berlin sous la baguette de Daniel Barenboim. Il n’y a pas de concurrence en musique. C’est une question de choix. Et le public peut tout simplement en profiter. »
Traduction par Mélissa Brien
Les classiques dominent la première saison de Payare à l’OSM
Rafael Payare sera en mode chef-d’œuvre pour sa saison inaugurale à la tête de l’Orchestre symphonique de Montréal.
Le premier concert en salle du chef vénézuélien, le 14 septembre, comprend la Cinquième de Chostakovitch, considérée comme la plus populaire des symphonies de l’après-Mahler; La Valse de Ravel, vénérable pièce maîtresse de l’OSM; et Kaléidoscope de Pierre Mercure, une œuvre favorite des Canadiens depuis sa première par l’OSM en 1948.
Les concerts de clôture en mai et juin mettront en vedette la Neuvième de Beethoven.
« Je ne dirais pas le contraire », répond l’homme de 41 ans lorsqu’on lui demande si une liste de lecture qui inclut Brahms, Bruckner, Debussy et Sibelius reflète un penchant pour les grands classiques.
Les Montréalais peuvent s’attendre à plus de programmes du genre. « Cette première saison a pour but de donner un avant-goût de ce que nous planifions pour les cinq prochaines années », dit M. Payare.
Malgré son aspect robuste, la saison 2021-22 est relativement réduite. Le total de 62 concerts à la Maison symphonique est en hausse par rapport aux 26 de la saison 2020-21, dévastée par la COVID, mais reste bien en deçà de la centaine de concerts d’une saison typique de l’OSM.
La pandémie qui perdure a d’autres effets. Les concerts du soir commencent à 19 h 30 au lieu de 20 h. Les concerts jusqu’en février sont donnés sans entracte et la plupart du temps sans programme imprimé. Quant au nombre de spectateurs, les mesures actuelles permettent la vente d’un maximum de 958 billets dans une salle de 2100 places en l’absence de chœur.
« Lors de la programmation de la saison, nous ignorions quelle serait la situation », explique Marianne Perron, directrice de la programmation musicale de l’OSM.
Les 19 concerts principaux de Payare, répartis sur sept semaines – une charge de travail qui doublera en 2022-23 – laissent la place à 16 chefs invités, dont quelques-uns qui ont été pressentis comme des concurrents pour le poste de directeur musical. Le Russo-Britanique Vasily Petrenko et le Français Lionel Bringuier monteront sur le podium en octobre.
En janvier, l’Espagnol Juanjo Mena se chargera de la seule œuvre de Mahler, les Kindertotenlieder, avec la mezzo-soprano écossaise Karen Cargill. Payare promet davantage de Mahler dans les saisons à venir.
Les amateurs de maestros expérimentés ont le choix. L’ancien directeur musical de l’Orchestre symphonique de San Francisco, Michael Tilson Thomas, qui se remet actuellement d’une intervention chirurgicale visant à enlever une tumeur au cerveau, revient en mars pour une résidence de deux programmes et cinq concerts comprenant la Neuvième symphonie de Schubert, la Deuxième de Tchaïkovski et sa propre composition, Poems of Emily Dickinson, avec la soprano canadienne Measha Brueggergosman comme soliste. Thomas fêtera ses 77 ans le 21 décembre.
Zubin Mehta, 85 ans, est un autre invité distingué. Il dirigera un programme Wagner le 5 février avec la soprano américaine Christine Goerke. Ce concert marquera le 60e anniversaire de la première tournée internationale de l’OSM, dirigée par Mehta, ancien directeur musical.
En novembre, l’Américain David Zinman, également âgé de 85 ans, dirigera deux concerts consacrés à la Symphonie n° 15 de Chostakovitch. Il s’agit de l’un des trois programmes de 2021 proposés – quelques semaines après les représentations en direct – sous forme de webdiffusions à 20 $.
Curieusement, Kent Nagano, qui célébrera ses 70 ans le 22 novembre, ne participera qu’aux concerts de Noël avec le conteur francophone Fred Pellerin. Nagano, comme Mehta, détient le titre de chef d’orchestre émérite de l’OSM.
L’enfance du Christ de Berlioz, avec le Français Hervé Niquet au pupitre, est également au programme de décembre, en compagnie du chœur de l’OSM. En avril, deux représentations célébreront Pâques avec la Passion selon saint Matthieu de Bach sous la direction du spécialiste britannique de la musique ancienne Paul McCreesh.
Parmi les jeunes chefs d’orchestre figurent Gemma New, Mélanie Léonard et Jordan de Souza. Ces deux derniers sont des Canadiens qui font leurs débuts à l’OSM. Le programme de Léonard, ancré par la symphonie « Du Nouveau Monde » de Dvořák, comprend des œuvres de Samuel Coleridge-Taylor (1874-12) et Hannah Kendall (née en 1984), deux compositeurs de couleur.
En dépit de la pandémie, l’orchestre présente un équilibre entre solistes nationaux et étrangers. La violoniste Hilary Hahn et le pianiste Daniil Trifanov font partie des invités internationaux.
Quatre nouvelles œuvres canadiennes seront entendues, signées Gabriel Thibaudeau, Dorothy Chang, Simon Bertrand et Ana Sokolović (qui, comme Tilson Thomas, porte le titre d’artiste en résidence). La contribution de Thibaudeau en avril sera une nouvelle partition pour le film muet de 1923 Le Bossu de Notre-Dame, interprétée par un ensemble de musiciens de l’OSM accompagné de Jean-Willy Kunz, organiste résident de l’OSM.
Si la priorité de M. Payare est certainement de laisser une bonne impression au public, un directeur musical a d’autres responsabilités. De nombreux postes vacants au sein de l’orchestre doivent être pourvus. Six auditions sont prévues pour le seul mois de septembre.
« De la personnalité, répond Payare lorsqu’on lui demande ce qu’il recherche. Le facteur wow, que nous savons que l’OSM possède. »
Six concerts de chambre sont prévus à la salle Bourgie à partir du 29 septembre, sous la direction de Payare. La série OSM Pop, dirigée par l’ancienne cheffe d’orchestre adjointe de l’OSM, Dina Gilbert, consiste en deux programmes et six concerts, tous en 2022 et tous comprenant des groupes de rap. La programmation jeunesse comprend un événement destiné aux enfants atteints de troubles du spectre autistique.
Les options d’abonnement prévoient un forfait de concerts avec Payare et un forfait « Chostakovitch et Cie » axé sur la musique russe. Les abonnements et les diffusions sur le web sont déjà en vente. La billetterie pour les entrées individuelles ouvre le 7 septembre à midi.
www.osm.ca
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