Vancouver Inter-Cultural Orchestra

0
Advertisement / Publicité

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Comme bien des événements musicaux en 2021, la 10e édition de Montréal/Nouvelles Musiques sortira de l’ordinaire. Le festival biennal organisé par la Société de musique contemporaine du Québec offrira presque certainement toute sa programmation en ligne. Rien d’exceptionnel à l’époque de la COVID-19.
Mais contrairement à la plupart des organisations liées par leur nom à Montréal – probablement comme aucune autre – Montréal/Nouvelles Musiques débutera à Vancouver. Ensuite, elle voyagera, musicalement, à Istanbul, en Iran, au Tadjikistan, au Japon et à Bali, grâce au Vancouver Inter-Cultural Orchestra (VICO).
« Cela fait plus d’un an que nous n’avons pas joué tous ensemble, dit Mark Armanini, directeur artistique de l’orchestre. C’est plutôt exceptionnel. »

Aussi incroyablement innovant que puisse paraître la diffusion en ligne en termes de contenu et de transmission, le VICO lui-même est bien établi. Fondé en 2001 et composé en grande partie de musiciens d’origine chinoise et persane, l’ensemble a reçu en 2012 le prix de l’harmonie culturelle de la ville de Vancouver.

Normalement, le VICO présente surtout des concerts de musique de chambre, notamment dans le cadre du Global Soundscapes Festival, qui se déroule au Waterfront Theatre sur l’île Granville. Lorsque le nombre de musiciens et la complexité des concerts le justifient, une cheffe d’orchestre est engagée, en l’occurrence Janna Sailor, originaire de la Saskatchewan et bien connue à Vancouver pour son travail novateur dans de multiples genres.

Photo: Alistair Eagle

Le 18 février, 19 musiciens participeront à l’orchestre, y compris Sailor, mais les musiciens ne seront pas tous déployés dans chacune des pièces. Ce n’est pas tant la quantité que la variété qui suscite l’émerveillement. Outre les suspects habituels – flûte, hautbois, clarinette, violon, alto, violoncelle et contrebasse –, on retrouve des instruments non européens tels que l’ehru, le sanxian, le santour, le setâr, le târ et l’oud. Tous parlent le langage universel de la musique dans un parlement interculturel.

Contrairement à la plupart des ensembles d’instruments traditionnels, le VICO est ouvert à la musique contemporaine écrite pour tirer le meilleur parti de ces instruments.

« Notre philosophie est de commencer par le traditionnel, dit Armanini. Ce sont les sonorités que nos musiciens connaissent. Mais nous voulons qu’ils soient capables de s’adapter à la musique contemporaine et d’essayer ces idées. »

L’équilibre peut être délicat. Les instruments du monde ne sont pas tous conçus pour produire des gammes chromatiques et des harmonies complexes, tout comme de nombreux sons autrefois considérés comme « exotiques » en Occident dépassent le champ d’application des instruments et de la pratique occidentale.

« Il faut apprendre à connaître les instruments et les musiciens, dit Armanini. Ils ont des parcours très différents. Quand on leur propose trop de difficultés, ça ne fonctionne pas. Même suivre un chef d’orchestre demande beaucoup de concentration. »

« C’est ce que nous faisons depuis 20 ans au VICO, nous connaissons donc les limites et aussi les capacités des musiciens. »

En ouverture du programme du MNM, les Gypsy Chronicles de John Oliver (2010) retracent l’évolution vers l’ouest de la musique rom de l’Inde. La Suite concertante de Farshid Samandari (2016) imagine les 150 dernières années de l’histoire de l’Iran comme une sélection de beaux tapis. Comme dans la pièce écrite par Oliver, le târ, le setâr et le santour persans partageront le paysage sonore avec des instruments chinois.

« C’est incroyable comme ils se complètent bien, dit Armanini, même si les techniques et les aspirations sont différentes. Les instruments chinois font beaucoup de mélanges et de glissandos, alors que les instruments perses ajoutent des ornements et jouent dans un style décoratif. »

Pareidolia, une pièce commandée au compositeur tadjik-canadien Farangis Nurulla-Khoja, utilise le sheng, un orgue à bouche chinois qui existe depuis 5000 ans, ainsi que l’oud, un luth du Moyen-Orient qui n’est pas non plus un nouveau venu.

« Le défi pour les compositeurs est d’adapter leur écriture à ces instruments, note Armanini. Farangis a plongé en plein dedans. »

L’une des œuvres les plus difficiles à rendre fidèlement dans une diffusion en ligne sera celle de Rita Ueda, intitulée As the first spring blossoms awaken through the snow. Cette Vancouvéroise d’origine japonaise utilise des partitions graphiques et demande aux musiciens de bouger pendant l’interprétation.

« Du minimalisme japonais en quelque sorte, dit Armanini à propos de l’œuvre, qui recevait sa touche finale au moment de la mise sous presse. Des lignes et des textures délicatement travaillées et beaucoup de moments plus calmes, qui se marient bien avec les autres pièces. »

Enfin, le VICO offrira une nouvelle version de Pulau Dewata, la célébration de la syncope de Claude Vivier (1977). Le défunt maître de Montréal ne précisait pas les instruments, ce qui a donné lieu à de nombreux arrangements.

« J’ai été surpris quand Walter nous a fait cette demande », avoue Armanini, en référence au directeur artistique de la SMCQ, Walter Boudreau. Créer une version pour orchestre interculturel est un défi, étant donné la complexité des signatures temporelles de Vivier. Mais son écriture implique aussi les sonorités dont Armanini dispose.

« Je savais comment utiliser l’orchestration, quels instruments attribuer à chaque ligne », dit-il. La possibilité d’attribuer les « éléments chromatiques et angulaires » aux instruments occidentaux a aidé. La couleur vient de l’Orient, notamment la suona, un croisement chinois à double anche entre le hautbois et la trompette. Le mélange, selon lui, crée une réalisation de Pulau Dewata « plus brute, plus naturelle » qu’un ensemble purement occidental ne pourrait produire.

On entend beaucoup parler dernièrement d’appropriation culturelle. Il est difficile, au sein du VICO, de déterminer qui s’approprie quoi.

« On m’a accusé de cela il y a de nombreuses années, au début des années 1990, dit Armanini, qui enseigne également la composition à l’université de Capilano et travaille avec le B.C. Chinese Music Ensemble. Je n’en ai pas entendu parler depuis. »

« Le principe de base du VICO est que nous construisons la technique et le répertoire en collaboration avec les musiciens. Nous ne leur disons pas ce qu’ils doivent faire. Cela a permis de résoudre une grande partie du problème. »

Il est intéressant de se questionner sur l’évolution de l’idéal interculturel que représente le VICO. Si les styles se croisent librement, perdront-ils leur individualité et leur identité culturelle ?

« Peut-être que dans cinq ou dix ans, nous ne parlerons plus de musique interculturelle, a dit le compositeur Farshid Samandari dans une entrevue vidéo. Nous parlerons de différents styles de musique et si l’élément interculturel devient une partie du tissu social, [cela signifiera]que l’humanité évolue de la vie dans un petit village à une société plus mondialisée. »

Traduction par Mélissa Brien

L’ouverture du Festival Montréal/Nouvelles Musiques sera diffusée en ligne le 18 février à partir de 19 h 30. www.smcq.qc.ca

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Partager:

A propos de l'auteur

Arthur Kaptainis has been a classical music critic since 1986. His articles have appeared in Classical Voice North America and La Scena Musicale as well as Musical Toronto. Arthur holds an MA in musicology from the University of Toronto. From 2019-2021, Arthur was co-editor of La Scena Musicale.

Les commentaires sont fermés.