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À l’instar d’autres artistes de la scène, Dang Thai Son a dû modifier son emploi du temps pour s’adapter au contexte de la pandémie de COVID-19. Du coup, le concert-bénéfice qu’il devait donner à la salle Bourgie, en avril, pour financer le camp musical Tutti n’a pu avoir lieu. On attend encore l’annonce d’une nouvelle date.
Et le Concours international de piano Frédéric-Chopin, qui devait se tenir en octobre à Varsovie, ne se déroulera pas à la date prévue. Cet événement prestigieux, auquel Dang Thai Son avait été invité comme juge, a été reporté d’un an, jusqu’en octobre 2021.
L’année 2020 restera dans toutes les mémoires comme une année creuse sur le plan artistique. Pourtant, Dang Thai Son continue de donner des cours. Par ailleurs, en plus d’enseigner à l’Oberlin Conservatory de Cleveland, il s’intégrera au mois de septembre au corps professoral du New England Conservatory de Boston. Il quitte ainsi son poste à l’Université de Montréal, sans regret, après vingt ans de service. Les deux établissements renommés qui l’attendent aux États-Unis ont réveillé son sens de l’aventure. Et le poste offert par Oberlin est permanent, ce qui n’est pas négligeable.
En attendant, Dang Thai Son donne des cours depuis chez lui, à Montréal. « J’adore mon logis, ma ville, mes amis », nous a-t-il écrit dans un courriel.
À bien des égards, sa situation est typique de la nouvelle façon d’enseigner en Amérique du Nord. En effet, la majorité des conservatoires et des universités ont mis au point des stratégies d’enseignement en ligne, même si, compte tenu de la baisse des cas de contamination un peu partout, on ne sait pas encore définitivement si elles seront implantées.
À Montréal, épicentre de la pandémie au Canada, l’enseignement en ligne est la seule option viable pour le moment. Parfois pénible, cette solution offre pourtant certains avantages.
« La qualité des cours en ligne dépend d’abord de la vitesse du Wi-Fi, explique le pianiste canado-vietnamien. Ensuite, ça prend un bon matériel et une appli efficace. »
La plupart des enseignants utilisent les sempiternels Zoom, Facetime et autres Skype. Dang Thai Son, quant à lui, préfère Violy, une application créée en Chine tout spécialement pour les instruments à cordes, mais qui sert aussi pour les leçons de piano. Cette application reprend certaines des tâches de l’enseignant. Elle garde la trace du temps passé à répéter, et elle évalue la précision rythmique et l’intonation (pour les apprentis violonistes).
« L’élève doit mieux se préparer avant la leçon, explique Dang Thai Son. Il ou elle enregistre sa pièce et l’envoie au professeur. L’élève s’approprie la pièce plus vite et apprend énormément par l’écoute de l’enregistrement. »
Les inconvénients, bien sûr, sont l’absence de contact personnel et la piètre qualité sonore, aussi sophistiqué que soit le matériel utilisé pour écouter le fichier : l’enregistrement manque de précision et de résonance.
Quoi qu’il en soit, il est probable que l’apprentissage à distance jouera un rôle important dans la formation des interprètes, même après la pandémie.
« Vivre en français à Montréal me manquera, dit le maestro. Le français était autrefois une langue officielle du Vietnam. Mais il est vrai que la langue d’enseignement dans une faculté d’arts de la scène n’est pas nécessairement celle du reste du campus. » En fait, l’anglais est essentiellement la lingua franca des étudiants asiatiques. Dang Thai Son a trois étudiants vietnamiens avec lesquels il communique dans sa langue maternelle bien sûr. Ancien élève du Conservatoire de Moscou, il peut s’exprimer en russe. Il se débrouille aussi en japonais, « surtout pour enseigner… et pour faire du shopping », ajoute-t-il.
Ses compétences en langues représentent l’une des clés de son succès mondial en tant que professeur et juré de concours. Une autre est le facteur « Van Cliburn » – le « premier en son genre ». Dans son cas, il a été le premier pianiste d’origine asiatique à remporter l’or à Varsovie, en 1980. Cela lui a valu une célébrité fulgurante au Japon, où il vivait avant de déménager à Montréal.
Dang Thai Son a connu des débuts modestes. Né à Hanoi, il a grandi à la campagne pendant la guerre du Vietnam, bercé au son de Chopin joué par sa mère, qui l’a initié à la musique sur un piano droit récupéré dans ce qui est aujourd’hui l’Académie nationale de musique du Vietnam.
Sa mère, Thai Thi Lien, qui a elle-même vécu à Montréal, était une femme remarquable qu’on peut entendre dans un vidéoclip tourné en 2017, quand elle avait 100 ans, alors qu’elle donnait une interprétation inspirée de la Mazurka en la mineur op. 67 no 4 de Chopin. Elle et sa sœur ont été les premières pianistes professionnelles vietnamiennes à avoir été formées à l’école française de Hanoi.
Quant à Dang Thai Son, il a attiré l’attention d’Isaac Katz, un pianiste russe en tournée, qui a organisé son admission au Conservatoire de Moscou, où il a côtoyé Ivo Pogorelich (avec qui il a fini par concourir à Varsovie) et Mikhail Pletnev. Ses progrès furent tels que Sviatoslav Richter, peut-être le plus célèbre pianiste de l’ère soviétique, le choisit pour le remplacer lors d’un récital au Japon.
Dès lors, Dang Thai Son connaît en Asie une carrière de soliste qui n’a jamais été égalée en Occident. Pourtant, après un concert fort applaudi avec l’OSM en 1989 (feu Neville Marriner étant le chef invité), il décide de s’établir à Montréal.
Cette décision ne l’a jamais empêché de se produire à l’étranger. C’est en tant que professeur à l’Académie internationale de piano du lac de Côme qu’il a noué des liens avec le conservatoire Oberlin, au sein duquel l’organisme italien a ouvert une filiale en 2016. « Nous nous sommes bien entendus », se souvient-il.
À 61 ans, Dang Thai Son continue de progresser dans sa carrière d’enseignant et de juge, mais on ne le voit que rarement sur les scènes des pays occidentaux. Néanmoins, il a beaucoup enregistré pour la maison JVC (Japanese Victor Company), notamment sur un Érard restauré qui date de 1849. Deux Nocturnes joués sur ce piano sont inclus dans un album en deux volumes de Deutsche Grammophon consacré à des œuvres de Chopin jouées sur des instruments d’époque.
Après le retour aux concerts devant public et aux cours en personne, le Boston Symphony Orchestra ou le Cleveland Orchestra voudront-ils donner la vedette à leur nouvelle recrue ?
« Vous savez comment c’est, soupire Dang Thai Son. Ils ne me sollicitent pas parce que mon nom n’est pas assez connu pour remplir la salle. »
Mais dans notre nouvel univers numérique, tout est possible !
www.dangthaison.net
Traduction par Anne Stevens
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