Jean Dupré: planificateur stratégique

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Après dix ans à la tête de l’Orchestre Métropolitain (OM) de Montréal, Jean Dupré prend sa retraite, léguant à l’organisme un bilan positif : son budget a plus que doublé pour atteindre 7 millions $, son équipe est passée de 8 à 22 employés, les salaires des musiciens ont presque doublé, le fonds de dotation s’élève à 8,5 millions $ et sa réputation est reconnue dans le monde entier. Sa planification stratégique a porté fruit.

Lors de sa nomination en 2012, le premier objectif de Dupré était de changer la perception de l’OM comme deuxième orchestre de Montréal et de prouver que la qualité de l’orchestre était comparable à celle de l’autre orchestre de la ville. Ensuite, il voulait améliorer les conditions de travail des musiciens en augmentant le nombre et l’ampleur des services. Il a également accru la réputation internationale de l’orchestre par des enregistrements réguliers et des tournées européennes et américaines réussies.

Élevé à Mont-Tremblant, M. Dupré a fréquenté le Collège Notre-Dame de Montréal où il a joué au football en tant que garde offensif. Cette passion pour le sport l’a conduit à étudier l’éducation physique à l’Université d’Ottawa, mais après un stage, il a réalisé qu’il ne voulait pas être professeur d’éducation physique. Il a plutôt entrepris une maîtrise dans le nouveau programme d’administration sportive de l’Université de Montréal, suivie d’un diplôme d’études supérieures en administration à Concordia pour en apprendre davantage sur les finances et améliorer son anglais. Il a fait un stage en tant que coordonnateur de l’équipe nationale de saut à ski du Canada, où il a occupé le poste de directeur général pendant six ans, avant de rejoindre la plus grande équipe de Ski de fond Canada. Il a ensuite travaillé en marketing pour Peter Pocklington et les Oilers d’Edmonton, mais il s’est vite rendu compte qu’il ne partageait pas beaucoup des valeurs du sport professionnel et il a quitté les Oilers pour se rallier au côté humain du sport amateur.

Le seul poste disponible était dans le patinage de vitesse, qui connaissait de nombreux problèmes, notamment des frictions entre les deux disciplines, la longue piste (principalement des anglophones de l’Ouest) et la courte piste (principalement des francophones du Québec), ainsi que des problèmes financiers. « En 1996, j’ai refait le plan stratégique avec l’objectif, en six ans, d’être le premier sport au Canada et d’être le premier pays au monde en patinage de vitesse », raconte Dupré. Afin d’attirer les championnats du monde, le Canada a convaincu la Fédération internationale en accueillant davantage de coupes du monde et en montrant que le pays était un hôte professionnel et compétent. Cela a nécessité un engagement financier important au cours des deux premières années, mais a généré plus de 2 millions $ de revenus télévisuels, devenant ainsi un bon investissement. On a également fait venir des experts en haute performance d’autres pays.

Dupré atteint l’objectif en 2000, soit deux ans plus tôt que prévu, et les résultats de son plan stratégique culminent avec le succès du Canada en patinage de vitesse courte piste et longue piste aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010. La même année, il accède au poste de rêve de PDG du Comité olympique canadien (COC), mais il le quitte un an plus tard en raison de la controverse sur les harcèlements sexuels de Marcel Aubut.

Lorsqu’il apprend le départ de M. Dupré, Richard Renaud, membre du conseil d’administration de l’OM, qui avait également siégé au conseil d’administration du COC, lui fait une offre. D’abord inquiet, M. Dupré réalise que les musiciens sont animés des mêmes valeurs, de la même passion, de la même recherche de l’excellence, que les athlètes. « Les défis de la gestion d’un orchestre et d’une organisation sportive sont les mêmes », explique M. Dupré, qui s’est rendu compte que la principale différence est que les sports s’appuient fortement sur le marketing et les commandites, alors que la collecte de fonds est plus importante pour les arts. « J’ai beaucoup appris en parlant avec les donateurs et en cherchant à comprendre les motivations derrière leurs dons. »

Il a passé sa première année et demie à reconstruire les relations avec les musiciens, les partenaires et les bailleurs de fonds, en convainquant le Conseil des arts que l’OM méritait davantage de financement. Par exemple, l’OM ne recevait que 80 000 $ par an au niveau fédéral en raison d’une règle non écrite selon laquelle un seul grand orchestre par ville devait être soutenu. Il a fait passer ce montant à 400 000 $.

En 2014, il élabore un nouveau plan stratégique à partir de la vision artistique du directeur artistique de l’OM, Yannick Nézet-Séguin. Le comité incluait des membres du personnel, des membres du conseil d’administration et des musiciens. Ce plan prévoyait des enregistrements réguliers et des tournées internationales, ce qui augmentait le nombre de prestations des musiciens. « Lorsque j’ai rencontré le conseil d’administration en 2015 pour l’approbation de notre première tournée internationale en Europe en 2018, nous devions décider immédiatement parce que l’agence réservait les salles, mais nous n’avions pas levé une seule partie du budget de 1,2 million $. Or, le conseil d’administration a cru en moi, dit Dupré. Le niveau de confiance qu’il m’a accordé m’a ainsi permis de concrétiser beaucoup de projets. » Cette tournée a été un succès à la fois artistique et financier. « Nous avons pu offrir aux musiciens une prime de Noël cette année-là. »

Dupré est particulièrement fier des concerts d’été au parc du Mont-Royal qui ont débuté au sommet du Mont-Royal en 2016. Ils sont devenus si populaires qu’ils ont dû les déplacer au pied de la montagne et en faire un événement annuel. C’est après l’un de ces concerts que Martin Hudon, actuel directeur général adjoint de l’OM et qui travaillait à l’époque au marketing de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), a envoyé à Dupré sa candidature pour travailler pour l’OM. En fait, les 22 employés de l’OM comptent maintenant plusieurs anciens employés de l’OSM. « Je ne vais pas les chercher, ils viennent à moi », dit M. Dupré, qui croit qu’il faut embaucher les meilleures personnes et leur déléguer des responsabilités et des obligations.

Après avoir passé des années à travailler loin de chez lui, Dupré est prêt à prendre sa retraite et à passer du temps avec sa femme, à laquelle il est marié depuis 38 ans. « La pandémie nous a montré que nous pouvions passer chaque jour ensemble. » Son œuvre de musique classique préférée est Nimrod (des Variations Enigma) d’Elgar.

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