Puiser dans le passé comme dans une source d’inspiration féconde peut apporter un nouveau regard aux œuvres et aux formes canoniques établies depuis des siècles. Le concert que l’Orchestre symphonique de Sherbrooke (OSS) présentera le 23 novembre prochain en procure un parfait exemple : deux œuvres composées au 21e siècle s’inspirant de modèles baroque et grégorien, prônant une approche postmoderne qui inclut le post-minimalisme, la techno, le théâtre musical, le rap et la chanson.
L’OSS jouera d’abord Recomposed: Vivaldi, The Four Seasons par le compositeur britannique Max Richter. Créée à Londres en 2012, cette révision post-minimaliste des Quatre Saisons de Vivaldi connaît un succès commercial immédiat : propulsée au sommet des listes d’écoute de musique classique de iTunes, l’œuvre est reprise dans des séries télévisées, dont The Crown ou Bridgerton, et des défilés de mode. Mettant en vedette la violon solo de l’OSS Élaine Marcil, l’œuvre propose une écoute du chef-d’œuvre de Vivaldi à travers la sensibilité de Richter pour les couleurs et la juxtaposition de motifs contrastants apportant une dimension architecturale originale, mêlant son langage musical à celui de Vivaldi.
Carmina Burana (2024). Photo : Dominick Ménard
Comme contrepoids à cet exercice métastylistique, l’OSS présente ensuite le Requiem de François Dompierre. Créée en 2024, l’œuvre insuffle un vent nouveau à une des formes les plus conservatrices, la messe des morts dans la tradition de l’Église catholique romaine. Les 12 textes du Requiem comptent le Dies Irae, le Sanctus, l’Agnus Dei et d’autres immortalisés à travers les chefs-d’œuvre de Mozart, Verdi et Fauré. Fidèle à lui-même, Dompierre emprunte des sonorités au théâtre musical, à la musique pop, au rap, à la musique classique, à la chanson francophone et – avant tout – à son passé d’organiste.
Ayant chanté et accompagné la liturgie catholique pendant son adolescence, le compositeur a aussi suivi une formation classique. « J’ai étudié la musique au Conservatoire à deux reprises, notamment avec Gilles Tremblay. À 21 ans, je faisais de la musique sérielle dans l’esprit de Boulez et de Stockhausen. Même si j’ai fait beaucoup de musique populaire, de chansons et de musiques de film, l’idée d’écrire de la musique de concert m’est restée », dit celui qui a collaboré avec Félix Leclerc, Pauline Julien, Michel Tremblay, Denys Arcand et bien d’autres.
Le Requiem de Dompierre est d’une inspiration hybride entre la musique classique de son enfance et la musique populaire qu’il a composée toute sa vie. « C’est mon point de vue sur les chants du Requiem – c’est très visuel. Mais je termine de façon optimiste : le In Paradisum est un dernier adieu, dans l’espoir qu’il va se passer de belles choses après la mort. Au Québec, tout finit par une chanson – c’est un clin d’œil à cela », conclut-il en souriant.