Critique CD | Waves: Musique de Rameau, Ravel et Alkan

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Waves: Musique de Rameau, Ravel et Alkan
Bruce Liu, piano
Deutsche Grammophon, novembre 2023

Le nouvel album de Bruce Liu, Waves, s’ouvre sur la bien connue Gavotte et six doubles de Rameau, une majestueuse danse française avec variations dont chacune explore et ornemente le thème d’une façon différente et plus dramatique. La Gavotte accueille l’auditeur dans la sonorité somptueuse et exquise de Liu et sa fine maîtrise tonale et technique. Les « doubles » sont jouées avec aisance, sensibilité et élégance. Bien rythmiquement accentuée, la prestation de Liu aurait pu montrer plus de différenciation métrique et de souffle, ce qui aurait rendu les rythmes de danse plus perceptibles dans cette fontaine de notes scintillantes.

Dès les premières notes de la Barcarolle de Charles-Valentin Alkan, Liu entraîne l’auditeur dans un monde sonore chaleureux et mélancolique. Le toucher exquis du pianiste correspond parfaitement à l’atmosphère de ce morceau charmant, bien que modeste. Dans Les sauvages de Rameau, de son opéra Les Indes galantes, Liu fait preuve de plus de vivacité et d’improvisation que dans la Gavotte d’ouverture. Fidèle à l’esprit baroque, le jeu de Liu est impétueux, charismatique, audacieux et vivant. Une interprétation stylistique exemplaire.

Les Miroirs de Ravel déploient ensuite l’impressionnante maîtrise pianistique du gagnant du dernier Concours Chopin. Flottant avec agilité à travers Noctuelles, Liu rend bien le ravissement fugace de l’écriture nette et séduisante de Ravel. Le don du pianiste pour la rubato et les nuances dynamiques convient parfaitement aux Oiseaux tristes, où il explore la profondeur émotionnelle de la suite, baignant dans une solitude sombre et troublée. La maîtrise exquise de Liu est stupéfiante dans Une barque sur l’océan, le morceau le plus exigeant de la collection. Des passages arpégés brillants, mais équilibrés reflètent les chatoiements à la surface de l’eau, entre le soleil à l’extérieur et les noires profondeurs de la mer. Utilisant un toucher plus léger que la plupart des pianistes dans Alborada del gracioso, Liu souligne la luminosité de ce morceau notoirement ardu. La fraîcheur de l’interprétation brillante et pétillante de Liu se prête moins bien au dernier mouvement, plus lourd et sombre. Si les aigus et la mélodie sont transparents et lucides, les registres moyens et graves semblent moins vigoureux.

Nonobstant le jeu étincelant de Liu dans Le festin d’Ésope d’Alkan, on ne peut que noter l’écart de talent entre les compositeurs de l’album. La tapageuse pièce de salon d’Alkan n’arrive pas à la cheville du chef-d’œuvre de Ravel et n’a rien de l’élégance de Rameau. Les pianistes pourraient songer à remplacer des œuvres d’Alkan par celles de meilleurs compositeurs qui méritent davantage d’être endisqués par Deutsche Grammophon.

L’album se termine sur le joli rondeau de Rameau Les tendres plaintes. Ici encore, Liu démontre goût et éloquence dans le répertoire baroque joué au piano. Son toucher léger, précis et agile convient parfaitement au rondeau suivant, Les Cyclopes, dont Liu saisit bien le caractère perturbant et survolté. Sa maîtrise du jeu baroque le sert bien pour trouver le bon équilibre dans ce répertoire sur le piano moderne, toujours net et léger sous ses doigts. L’album se conclut avec La poule de Rameau, morceau habituel de Grigory Sokolov.

Tout en excellant à saisir la brillance et l’élégance juvénile de ce répertoire, Liu pourrait avec le temps songer à explorer le timbre plus mûr et grave du piano. Cette légère réserve ne devrait en aucun cas faire oublier que Bruce Liu est tout bonnement un pianiste exceptionnel. Il joue avec goût, éloquence, nuance et une maîtrise technique éblouissante. Un album fortement recommandé.

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