À trop chercher le sens… on reste perplex(e)

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Parfois, à trop vouloir en chercher le sens, on trouve l’absurdité de l’existence… C’est dans cet état d’esprit que Le Bocal, collectif de théâtre formé de Raphaëlle Lalande, Sonia Cordeau et Simon Lacroix, veut plonger le spectateur avec Perplex(e), de Marius von Mayenburg, du 12 novembre au 14 décembre, à la Petite Licorne.

Les membres du Bocal, issus du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, ont fait appel à leur ancienne professeure, Patricia Nolin, pour assurer la mise en scène. « Patricia Nolin nous a fait découvrir la pièce, dit Sonia Cordeau. Elle représente une continuité avec ce que nous avons fait. Et nous voulions présenter un nouveau projet à La Licorne, qui nous donne un espace à chaque deux ans. Avant, nous faisions tout, mais dans cette pièce, où plusieurs interprétations sont possibles, nous avons la possibilité de pousser plus loin notre travail d’acteur. »

« Depuis 2013, nous avons écrit et produit trois créations. Nous terminons un cycle. Avec Perplex(e), nous trouvons beaucoup de parenté dans notre style d’écriture; nous écrivons souvent de manière éclatée », ajoute Simon Lacroix.

Synchronicité comique

Perplex(e) complète la trilogie de Marius Von Mayenburg, après Le Moche et Voir clair. Mais ce troisième volet de l’auteur de la Schaubühne de Berlin – présenté pour la première fois en 2010 – a été pris à part entière, sans relation avec les autres volets pour la version à la Petite Licorne.

Pour jouer les rôles d’Éva, Robert, Judith et Sébastien, Mikhaïl Ahooja s’est joint à Raphaëlle Lalande, Sonia Cordeau et Simon Lacroix. « Mikhaïl a un charisme incroyable; nous avons souvent joué ensemble, c’est une bonne distribution », dit Sonia. « Nous avons rencontré Mikhaïl au Conservatoire d’art dramatique de Montréal. Nous l’aimons pour sa vérité, sa synchronicité comique », ajoute Simon.

Ainsi, les identités et les rôles changent pour tomber dans la comédie absurde. « Bien que nous aimions beaucoup l’absurde, nous aimons aussi l’ancrer dans un jeu très vrai, réaliste, ressenti, souligne le comédien. Quand des situations fantaisistes inhabituelles rencontrent la vérité banale. L’absurde incarné nous fait triper. »

Ode à la liberté

Avec Perplex(e), Mayenburg rend hommage à la liberté de l’acteur. Ainsi, le public assiste aux glissements entre la réalité et la théâtralité, dans des lieux flous, mais avec un espace temps d’aujourd’hui.

« C’est absurde; c’est comme vivre un rêve, dit Sonia. Ainsi, ce n’est jamais clair, c’est flou. Il y a des transitions subtiles chez les personnages qui les transforment. Tantôt je suis en couple avec Simon, tantôt avec Mikhaïl. Nous faisons vivre des émotions un peu étranges au spectateur. Ça demande beaucoup d’attention au public de nous suivre dans nos transitions. »

Les comédiens interprètent deux couples, Éva et Robert, Judith et Sébastien, qui passeront d’un tableau à un autre dans des situations absurdes, parsemées d’humour. La pièce est commencée, mais le metteur en scène n’est encore pas venu. Et le décor est en train d’être démonté, alors que l’action se poursuit sur scène.

« Il n’y a pas de trame, pas d’histoire. Le seul élément constant tout au long de la pièce est un colis qu’on s’est fait livrer. Il est toujours là, mais nous nous demandons d’où il vient, poursuit la comédienne. Il est certain que Perplex(e) brise un peu les conventions du théâtre plus classique, accessible, mais il reste quand même un 4e mur. »

« Nous aimons provoquer la surprise, l’inattendu dans nos spectacles, ajoute Simon Lacroix. Cette pièce baigne dans un humour fin et grinçant. Nous sortons des sentiers battus, même si le type de théâtre que nous présentons peut trouver certains liens avec le Théâtre du futur et Amélie Dallaire. Il y a un certain sentiment de liberté que nous pouvons ressentir à faire du théâtre absurde. Au lieu de voir une pièce qui fait réfléchir à la question des migrants, par exemple, la pièce absurde a de la valeur, dans le sens où elle donne un sentiment de liberté. »

Questions philosophiques

Malgré l’incohérence des situations et l’incompréhension à laquelle le spectateur peut se buter – car tout n’est pas ancré de sens –, Perplex(e) fournit des références à la théorie de l’évolution et à l’allégorie de la caverne de Platon (mettant en lumière l’accès de l’homme à la connaissance métaphysique du bien et à sa transmission).

D’ailleurs, les membres du collectif Le Bocal se disent fortement inspirés de la citation du philosophe Gaston Bachelard, disant que « la vie réelle se porte mieux quand on lui donne ses justes vacances d’irréalité ».

« Avoir du sens ou non, c’est le cœur de la question, poursuit le comédien. Elle est souvent posée au créateur de théâtre; nous lui demandons ce qu’il veut dire, la vision qu’il veut véhiculer… Mais Perplex(e) est une pièce qui échappe justement au sens. Elle nous glisse entre les doigts comme de l’eau. »

Tout compte fait, l’existence est-elle absurde en soi ? « J’ai l’impression que nous n’avons pas la réponse, avoue Simon Lacroix. Nous n’avons pas nécessairement accès aux grandes vérités. J’ai étudié en philosophie, en pensant y trouver des réponses. Mais ce n’est pas le cas : nous y trouvons plus de questions ! Je me suis dit alors que j’allais faire du théâtre, un théâtre qui aborde des questions philosophiques. Mais sans vouloir dire que tout est absurde, nous nous amusons avec le côté absurde de la vie. »

Perplex(e), produit par Le Projet Bocal, est présenté au Théâtre La Licorne du 12 novembre au 14 décembre 2018. www.theatrelalicorne.com

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