La renaissance du vinyl : un pas vers l’avant ou un retour en arrière ?

0
Advertisement / Publicité

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Pendant une réunion de rédaction de La Scena, notre rédacteur en chef de jazz Marc Chénard s’est posé les questions suivantes : « La renaissance du vinyle comme support de diffusion s’applique-t-elle à tous les genres de musique ? Observe-t-on la même tendance pour le classique et le jazz ? Les entreprises de pressage de vinyles misent-elles sur la remise en état de vieux matériel ou assistons-nous à l’arrivée de nouveaux fabricants ? » Ce tour d’horizon sur le sujet est inspiré des réponses à ses interrogations.

L’enregistrement et la diffusion de la musique ont beaucoup évolué depuis la création par Thomas Edison du premier phonographe. Pensons aux vinyles de différents formats – les 78 tours illustrés de la période d’après-guerre, les 45 tours des années 1960 et 1970 et les 33 tours – en plus des rubans à huit pistes et des cassettes, puis aux disques compacts et enfin aux formats numériques WAV, MP3, OGG et FLAC, un format audio sans perte. Aujourd’hui, ce sont les services de diffusion en continu qui font fureur. Pourtant, ce type de plateforme ne fait pas que des heureux. Si la diffusion en continu est très pratique pour les auditeurs et les diffuseurs, c’est une calamité pour les artistes qui perçoivent des redevances de misère.

Nombreux sont ceux qui ont choisi le vinyle pour se différencier des milliers d’autres qui veulent simplement être entendus. Ainsi, le quatuor à cordes Brooklyn Rider a connu un certain succès en diffusant sa musique sur vinyle. Dans une entrevue accordée à WQXR, une station de radio de musique classique de New York, l’altiste Nicholas Cords affirme que le vinyle renvoie à « une époque chez les quatuors à cordes et un lien symbolique avec un son que nous admirons beaucoup », faisant référence aux « quatuors à cordes Capet, Rosé et Busch qui se sont fait connaître dans le monde entier dans les années 1930 et 1940 par leurs enregistrements novateurs sur 78 tours. » Même si la hausse des ventes de vinyles de musique rock ou alternative est plus importante, le classique sur vinyle connaît aussi un essor. Selon Classic FM, les ventes de vinyles de musique classique au Royaume-Uni ont dépassé les ventes combinées de DVD, Blu-Ray et cassettes et en 2018, 1,3 million de disques de musique classique y ont été vendus.

De ce côté de l’Atlantique, l’entreprise de San Francisco Reference Recordings, publiée par Naxos, produit de la musique classique sur vinyle depuis 1976. « Nous avons cessé de faire paraître de nouveaux titres dans notre série originale de 33 tours à partir de 2004, raconte la directrice générale Marcia Martin. Puis, en août 2011, nous avons recommencé à produire des 33 tours dans la série Reference Mastercuts en sortant deux titres. Aujourd’hui, nous sommes rendus à dix-neuf titres dans cette nouvelle série. La demande pour les 33 tours de musique classique, jazz ou blues est indéniablement en hausse. »

Depuis longtemps à l’avant-garde de l’industrie de l’enregistrement, Reference Recordings utilise des circuits audio spéciaux créés par le concepteur d’amplificateurs audio Nelson Pass. Comme nombre de grands producteurs, elle a choisi de graver le disque matrice à demi-vitesse pour améliorer la précision. Par contre, elle est revenue à un vinyle de 180 grammes en raison de la difficulté à avoir accès aux quelques presses de disques de 200 grammes.

Nouvelle technologie

Manifestement, les entreprises essaient de répondre à la demande de pressage de vinyles. Certaines, comme Quality Record Pressings à Salina au Kansas qui fait le pressage des produits finis pour Reference Recordings, combinent anciennes et nouvelles technologies. « Nous avons fait ce qu’il y a de mieux en prenant trois des meilleures marques – SMT, Toolex Alpha et Finebilt – et en les remettant à neuf, nous les avons modifiées… en intégrant notamment des microprocesseurs [afin de donner]à l’opérateur et à l’ingénieur une capacité de commande que ne permettaient pas les soupapes et les systèmes à commande manuelle », peut-on lire sur son site Web.

D’autres, établies récemment, ont décidé de fabriquer leur propre matériel. L’allemande Newbilt a commencé à se renseigner sur le vieux matériel de pressage en 2009, avant d’ouvrir en 2016 sa première installation de pressage de disques vinyle au moyen d’appareils de sa conception. En 2017, elle a mis en place le complexe de production pour la maison de disques Third Man Records du chanteur Jack White.

Le Canada compte plusieurs entreprises de pressage de vinyles, mais un seul fabricant de matériel. Viryl Technologies a franchi une nouvelle étape dans le processus de pressage. Ainsi, en plus de concevoir ses propres machines, l’entreprise utilise l’« Internet des objets » comme moyen de mettre en contact les producteurs de disques et les installations de pressage se trouvant dans les marchés où ses presses sont accessibles et où le produit fini sera distribué. Ce produit s’appelle PhonoHive et il peut changer la donne en ce qui a trait à la façon dont les disques sont produits et distribués dans des marchés ciblés. Un tel service à valeur ajoutée est de toute évidence bien loin de l’approche adoptée par Quality Record Pressings.

Ceux qui veulent distribuer leur musique sur vinyle font face à un problème, fait tout de même remarquer Marcia Martin : les maisons de disques du monde entier doivent composer avec l’horaire chargé des usines de pressage et de longs délais de production. Dans ce contexte, des joueurs comme Newbilt et Viryl Technologies pourront-ils répondre à la demande pour leur nouveau matériel de pressage ? D’autres entreprises verront-elles le jour ? Et plus important encore, combien de temps cette demande accrue de disques vinyle dans tous les genres de musique durera-t-elle ?

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Partager:

A propos de l'auteur

Vasyl Pawlowsky holds a B.A. in Slavic Languages and Literartures from the University of Waterloo, an M.A. in the same, specializing in 20th century Ukrainian literature from the University of Ottawa, and a Masters in Library and Information Studies from McGill University. He has worked in the aerospace, educational and legal sectors as an information specialist, in both Canada and Ukraine. He has also experience in both print and broadcast journalism, as a copy writer, editor, producer and program host. He has published in the Eastern Economist, The Kyiv Post, The Kyiv Weekly, The Ukrainian Weekly, FreePint and Maclean's Magazine.

Les commentaires sont fermés.