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En 2017, nous marquons le 150e anniversaire de naissance du grand chef d’orchestre italien Arturo Toscanini de même que le 60e anniversaire de sa mort. Depuis ses débuts maintenant légendaires lorsque, à 19 ans, lors d’une représentation d’Aida de Verdi à Rio de Janeiro, il remplaça le chef d’orchestre au pied levé et dirigea l’œuvre de mémoire, il a marqué de sa personnalité et de ses convictions le monde musical et même plus.
Pour brosser à très grands traits sa carrière, disons qu’il a été chef d’orchestre en résidence à la Scala de Milan de 1898 à 1908 et directeur musical de celle-ci de 1921 à 1929; il a été chef au Metropolitan Opera de New York de 1908 à 1915, puis chef invité et directeur musical de l’Orchestre philharmonique de New York de 1926 à 1936. Il a dirigé au Festival de Bayreuth et à celui de Salzbourg dans les années 1930. Il a dirigé les concerts inauguraux de l’Orchestre de la Palestine en 1936 (qui est devenu l’Orchestre philharmonique d’Israël en 1948) pour devenir ensuite directeur musical de l’Orchestre symphonique de la NBC, qui a été créé pour lui, de 1937 à 1954, après qu’il s’établisse aux États-Unis.
La culture musicale de Toscanini était immense et son oreille et sa mémoire prodigieuses. On estime qu’il a dirigé quelque 117 opéras et 480 pièces de concert différents, tous de mémoire, en répétition comme en concert ! (Sa myopie y était pour beaucoup.) Il a dirigé la première mondiale de quatre opéras : La Bohème, la Fille du Far-West et Turandot de Puccini et Pagliacci de Leoncavallo, ainsi que des pièces orchestrales comme l’Adagio du compositeur américain Samuel Barber. Il s’est fait connaître comme interprète exemplaire de l’opéra italien, de Wagner, de Beethoven et Brahms, et de compositeurs comme Debussy que son talent a révélé à bien des publics.
Dès ses débuts, et jusqu’à la fin de sa vie, il s’est illustré par la précision et la clarté extraordinaires de sa direction, par la grande énergie qui se dégageait de ses interprétations et une tension certaine dans l’orchestre, tous les efforts étant tendus vers une interprétation la plus remplie d’électricité possible, tout cela au service de l’expression dramatique. C’était un point d’équilibre constant qu’il recherchait, une équation impossible entre un orchestre galvanisé et un orchestre qui devait chanter, certains ont dit à l’italienne. La nuance chez lui était partie intégrante de la poussée, de l’énergie de la musique et non quelque chose à part, qu’on prend le temps d’admirer en soi ou qui marque un temps de pause dans l’interprétation.
Il n’est pas facile de décrire l’art de Toscanini, mais si on regarde les vidéos qui nous sont restées de lui, on observe des traits évidents. Son geste de la main droite, qui indique la mesure, est un geste latéral, qui provient du mouvement de l’épaule, va de gauche à droite et en cercle, indiquant le mouvement de la musique, la poussée vers l’avant. Le musicien de l’orchestre qui levait les yeux vers lui prenait note de la mesure et du mouvement que le geste imprimait. La main gauche est très discrète, parfois inactive, intervenant pour accentuer ou corriger la nuance, surtout la nuance piano qu’il exigeait au milieu de toute cette tension orchestrale. Le visage, lui, exprime l’effort, pour maintenir de façon compacte le niveau approprié de tension et de clarté tout en maintenant la musicalité de la nuance. Une grande performance de Toscanini était un exercice exaltant de concentration intellectuelle et dramatique, un élan, ce qu’il voyait comme la dimension humaine de la musique. Cet effort, cette concentration n’empêchait pas Toscanini de mettre en valeur, dans ses meilleurs moments, la beauté et la sensualité du son, comme on peut l’entendre notamment dans son interprétation remarquable de la Suite Carmen de Bizet, qui a une véritable sève de charme instrumental qu’on n’associe pas immédiatement au grand chef.
Cependant, une difficulté sérieuse pour apprécier l’art de Toscanini, c’est la sécheresse de l’acoustique des enregistrements, le manque de réverbération, de résonance et de dimensionnalité du son. Alors qu’on a une très bonne idée du son réel de l’orchestre de grands contemporains de Toscanini comme Furtwängler, les enregistrements ne donnent pas vraiment une idée précise de la sonorité de l’orchestre de Toscanini.
Arturo Toscanini a aussi été un homme engagé dans la lutte de son époque contre le fascisme et le nazisme. Il a quitté l’Italie en opposition au fascisme de Mussolini et a refusé de diriger à Salzbourg et Bayreuth après que les nazis eurent consolidé leur pouvoir en Allemagne. Il a participé à l’effort de guerre de la coalition antifasciste des Alliés. Il a donné plusieurs concerts aux États-Unis pour amasser des obligations de la victoire.
En 1944, pour célébrer la victoire des Alliés en Italie, Toscanini a dirigé l’Hymne des nations de Verdi, une œuvre que le compositeur italien avait produite pour l’Exposition universelle de Londres de 1862 et qui incorporait les hymnes nationaux de la Grande-Bretagne et de la France et ce qui allait devenir l’hymne national de l’Italie. Pour rendre hommage aux autres Alliés qu’étaient les États-Unis et l’Union soviétique, Toscanini y ajouta le Star-Spangled Banner pour les États-Unis et L’Internationale pour l’Union soviétique. On en fit un film duquel le maccarthysme de la Guerre froide fit supprimer L’Internationale, mais il peut être vu au complet aujourd’hui sur Youtube.
Toscanini a dit un jour : « La conduite de ma vie a été, reste et sera toujours l’écho et le reflet de ma conscience. » Difficile de mieux décrire ce chef d’orchestre qui nous inspire toujours.
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