Suzanne Taffot : mère, avocate, soprano

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Soprano d’origine camerounaise, Suzanne Taffot a parcouru beaucoup de chemin avant de se retrouver sur scène. Avocate de profession, elle a étudié le droit au Cameroun, en France et au Québec avant d’entamer une deuxième carrière en musique. Pourtant, rien ne la prédestinait à devenir artiste lyrique.

« Durant mon enfance, au Cameroun, devenir chanteuse classique n’était même pas une possibilité. Après mes études au lycée, j’avais trois options : essayer d’obtenir un poste au gouvernement, l’employeur principal du pays, poursuivre mes études en lettres ou poursuivre des études en droit. »

C’est en arrivant trop tôt à une messe de la paroisse universitaire qu’elle entend pour la première fois un chœur répéter. Frappée par la beauté de l’harmonie des voix, elle décide de s’y joindre, plutôt par curiosité. 

Après avoir déménagé en France pour poursuivre ses études, elle obtient deux maîtrises en droit tout en continuant de chanter dans différentes chorales pour le plaisir. Une collègue lui suggère alors d’auditionner au Conservatoire de Lyon, où elle est admise, pour l’aider à approfondir ses connaissances musicales.

« J’avais du mal à déchiffrer les partitions et j’étais très impressionnée par mes collègues qui arrivaient à les lire du premier coup. J’ai décidé d’auditionner au Conservatoire non pas dans l’idée de devenir chanteuse professionnelle, mais plutôt pour aller plus loin dans mon exploration musicale. J’étais toujours curieuse d’en apprendre plus sur le chant. »

Arrivée au Canada en 2010 avec son fils et son mari, elle retourne aux études afin d’obtenir ses équivalences et être admise à l’École du Barreau, sans quoi elle ne pourrait pas pratiquer son métier au Québec. Elle cherche, de manière aléatoire, une professeure de chant sur internet et tombe sur Adrienne Savoie, professeure à l’Université de Montréal et au Conservatoire de musique de Montréal.

« J’ai contacté Adrienne et je lui ai expliqué que je voulais continuer à travailler sur ma voix par passion. Après quelques mois, elle m’a suggéré d’auditionner à l’Université de Montréal parce qu’il était plus avantageux pour moi financièrement d’être inscrite au programme de musique, avec des cours de chant hebdomadaires et une formation musicale complète, que de continuer à suivre des cours de chant privés deux fois par mois. J’ai été admise et c’est ainsi que la prochaine étape de ma vie musicale a commencé, en suivant des cours à la faculté de musique le matin et des cours à la faculté de droit le soir. »

C’est à sa dernière année de baccalauréat, alors qu’elle croyait être arrivée au bout de son exploration musicale, qu’elle découvre le potentiel de sa voix lors d’un stage d’été à l’Académie Orford Musique. 

« Tout a changé pour moi cet été-là. J’ai chanté dans un cours de maître pour Lena Hellström-Färnlöf, une professeure de chant suédoise de grande renommée, et il y a eu un déclic. J’ai adoré notre travail ensemble, la manière dont elle approchait le chant, sa vision artistique et son honnêteté. Le fait qu’une professeure autre que la mienne croie en mon potentiel a réveillé en moi l’idée qu’il était peut-être possible d’aller encore plus loin dans le chant. »

Elle entame une maîtrise en chant à l’Université de Montréal et passe des auditions, notamment pour les Jeunes Ambassadeurs Lyriques. Grâce à cet organisme, elle obtient une quinzaine de bourses et prix, dont la bourse lyrique Québec-Bavière pour effectuer un stage de perfectionnement au Junges Ensemble du Staatsoper de Munich. Parallèlement, elle ouvre son propre cabinet, ce qui lui permet d’avoir plus de latitude face à sa charge de travail, et se spécialise en droit de l’immigration et de la famille. S’en suivent plusieurs concours, dont le concours international Riccardo Zandonai en Italie, le concours international Hans Gabor-Belvédère en Afrique du Sud puis le Concours musical international de Montréal, en 2018. 

Suzanne Taffot dans le rôle de Mimì © Gärtnerplatztheater

En 2019, elle fait ses débuts en Allemagne dans un premier rôle et chante Mimì dans La Bohème au Gärtnerplatztheater de Munich. Elle est rapidement réengagée pour une nouvelle série de représentations plus tard dans l’année. En janvier 2020, elle fait ses débuts en France dans L’enfant et les sortilèges, à l’Opéra de Limoges, et interprète les rôles de la Bergère et de la Chouette. C’est en pleine pandémie qu’elle a l’opportunité de travailler pour une première fois avec Yannick Nézet-Séguin, d’abord pour chanter la Vocalise de Rachmaninoff lors d’un concert extérieur puis le Requiem de Fauré ainsi que The Chariot Jubilee à la Maison symphonique. Ils reprendront ensemble le Rachmaninoff à la salle Wilfrid-Pelletier pour un concert virtuel.

« C’est grâce à mon équipe que je peux arriver à faire tout ce que je fais. Mon mari m’épaule d’un point de vue familial et personnel, ma professeure de chant s’organise afin de m’aider à progresser selon mes disponibilités et mes collègues de travail au cabinet me permettent d’avoir un peu de jeu lorsque les engagements musicaux deviennent plus prenants. Sans eux, je n’y arriverais pas. » 

Récemment maman pour la deuxième fois, Suzanne Taffot est la preuve vivante qu’il est possible de concilier vie professionnelle et vie familiale.

« J’aimerais déconstruire l’idée qu’il est impossible d’être mère et chanteuse d’opéra. C’est un mythe discriminatoire. On n’entend jamais dire qu’un chanteur devenu père devra se retirer parce qu’il sera trop préoccupé par son enfant. Il suffit de faire des choix, d’organiser sa carrière et ses ambitions selon ses priorités. Évidemment qu’il ne serait pas possible d’être mère, avocate et à l’extérieur douze mois par année pour chanter. Je suis satisfaite par le rythme de mes deux carrières et comblée par ma vie familiale. C’est possible. »

Malgré plusieurs reports et annulations causés par la pandémie, Suzanne Taffot prendra part prochainement à un gala présenté en webdiffusion par l’Opéra de Québec. Elle se produira également comme soliste avec le Chœur classique de Montréal à la Maison symphonique dans le Stabat Mater de Dvořák, reprendra le rôle de Mimì au FestivalOpéra des Grandes Laurentides cet été et prendra part à une tournée d’auditions en Bavière grâce aux Jeunes Ambassadeurs Lyriques. Elle encourage tous ceux qui, peu importent leur origine, leur milieu ou leurs ambitions, veulent aller au bout de leurs rêves.

« Quand on a la foi, peu importe le temps que ça prend, ça finit par arriver. »

www.suzannetaffotsoprano.com

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