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Jean-Sébastien Vallée se taille depuis quelques années une place enviable dans le monde du chant choral. Nommé directeur des chœurs de l’église St. Andrew and St. Paul à Montréal en 2015 puis directeur musical de la Société chorale d’Ottawa l’année suivante, il occupe également plusieurs postes à l’Université McGill, où il est professeur agrégé, directeur des études en chant choral et coordonnateur de la division de direction à l’École de musique Schulich. Il a également servi comme directeur des études en chant choral à la California State University à Los Angeles et a été professeur de musique à l’University of Redlands. Son parcours universitaire et ses expériences professionnelles l’ont amené à parcourir le monde et on lui a confié cette année l’un des postes les plus prisés du milieu : directeur artistique du mythique Toronto Mendelssohn Choir.
« C’est à 16 ans que j’ai dirigé pour la première fois. Le chœur de la paroisse de Saint-Nicolas, où j’ai grandi près de Québec, avait besoin d’un nouveau chef. Je n’avais aucune connaissance en direction, mais comme il n’y avait que 8 chanteurs, j’ai dit oui. Je suis immédiatement tombé en amour avec la relation intime qui se crée lorsqu’on travaille avec la voix humaine. Ça a été la première étincelle, cette espèce de vulnérabilité qui vient de la voix. Plus tard, j’ai découvert ma passion pour la poésie, pour le mot, et j’ai compris que l’univers du chant choral était le milieu idéal pour moi. »
Alors qu’il prévoyait faire carrière en tant qu’instrumentiste, ayant terminé des études en piano et en trompette, c’est une rencontre décisive avec la cheffe canadienne Nicole Paiement qui l’a poussé à poursuivre son parcours en direction.
« Sa passion était d’être cheffe à part entière et de diriger autant de l’opéra, de la musique symphonique et du chant choral. Ça me parlait beaucoup. Après notre rencontre lors d’un cours de maître à Montréal, je l’ai suivie à l’Université de Californie à Santa Cruz pour faire une maîtrise en direction et on a divisé notre temps d’étude entre plusieurs répertoires différents. »
Jean-Sébastien Vallée s’est ensuite tourné vers l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign pour se spécialiser davantage dans la direction du chant choral et se familiariser avec l’approche nord-américaine dans le domaine. Cette institution fut la première à offrir un programme de doctorat pour le chant choral et demeure l’un des endroits les plus importants pour former les chefs de chœur de demain. C’est à Montréal qu’il s’est finalement établi il y a 7 ans, après plusieurs années passées aux États-Unis, une ville où il retrouve à la fois ses racines québécoises et une forte tradition musicale anglo-saxonne.
« Je suis parti aux États-Unis à 24 ans et après chaque tranche de 5 ans, je ressentais le besoin de changer de ville. À Montréal, maintenant, je me sens bien. J’ai trouvé que le retour aux sources et la possibilité de travailler en anglais à McGill me présentaient une situation parfaite pour être moi-même et explorer à la fois mon héritage affectif et culturel. »
Malgré un horaire chargé avec des engagements partout en Amérique du Nord et en Europe, la transmission demeure l’un des éléments clés de la vie professionnelle de Jean-Sébastien Vallée. Il a trouvé en l’École de musique Schulich de l’Université McGill un endroit idéal pour transmettre sa passion.
« McGill est l’école de musique au Canada qui a la meilleure façon, selon moi, de soutenir le chant choral. Dans une université comme celle-ci, ayant une vraie approche de conservatoire, on retrouve autant des gens qui sont en recherche que des instrumentistes et des chanteurs en interprétation. Tout est mis au même niveau, incluant le chant choral, avec beaucoup de soutien administratif et financier. Je trouve que le programme est vraiment exceptionnel. »
Désireux d’offrir une vision panoramique du métier aux étudiants en direction, il a puisé dans son expérience à l’Université de Californie à Santa Cruz afin d’offrir des cours où l’objectif est d’enseigner l’art de la direction sous toutes ses formes plutôt que de s’en tenir seulement à des cours spécialisés, par exemple en direction d’orchestre.
« Je crois que ça reflète ce qui se passe pour tous les autres musiciens au 21e siècle. C’est inimaginable pour un chanteur ou un violoniste en formation de n’aborder qu’un seul répertoire. Pour gagner notre vie aujourd’hui, il faut être très polyvalent et ça devrait être la même chose avec les chefs. Il est primordial d’avoir un programme plus complet à l’université. »
En mai 2021, après deux ans de négociations, Jean-Sébastien Vallée a été nommé huitième directeur artistique du Toronto Mendelssohn Choir. Fondé en 1894 par Augustus Vogt, l’ensemble composé de choristes professionnels et amateurs présente sa propre série de concerts annuelle et collabore régulièrement avec l’Orchestre symphonique de Toronto, en plus d’effectuer des tournées aux États-Unis et en Europe. Le chœur s’est produit au Carnegie Hall, au Royal Albert Hall, au Kennedy Center à Washington, à Vienne, Salzbourg et Prague et demeure aujourd’hui l’une des institutions musicales les plus respectées au Canada.
« C’est un défi important pour moi parce que la plupart des chefs qui m’ont précédé dans ce poste l’ont occupé pendant de longues périodes, en moyenne 15 ou 20 ans. Ce n’est pas parce que le chœur a 127 ans d’histoire que tout est en place et que tout roule rondement. C’est un endroit qui a connu, à cause de la pandémie, une cassure très saine. Cela nous permet de repenser le fonctionnement des choses sans trop nous faire questionner. Les gens sont déjà tellement heureux de revenir pour faire et entendre de la musique que cette situation un peu particulière m’a donné de la flexibilité pour réinventer certaines choses. »
Prendre les rênes d’une institution avec autant de vécu présente des défis de taille. À une époque où les organismes culturels tentent de se réinventer et de trouver des liens entre le passé, le présent et le futur, tout en préservant l’intégrité de leurs activités, Jean- Sébastien Vallée a une vision claire de ce qu’il veut accomplir durant son mandat à Toronto. La saison 2021-2022 présente à la fois des œuvres phares du répertoire, comme le Requiem de Brahms, ainsi que des œuvres issues du répertoire contemporain et des créations, avec des commandes de compositrices comme Barbara Assiginaak.
« Le vrai défi pour un ensemble comme celui-ci, l’un des premiers grands chœurs au Canada et qui est toujours perçu comme étant un chef de file au pays à cause des ressources, de son histoire et de son influence, est qu’il faut ouvrir la voie à d’autres ensembles, peu importe leur effectif. On doit également se poser des questions importantes sur l’état du chant choral aujourd’hui, son avenir, sa valeur, sa place dans notre société, comment faire vibrer les gens avec ces voix, etc. Le premier réflexe est souvent de présenter de la nouvelle musique et de nouveaux projets en ignorant la musique du passé. Je pense que mon approche est de réconcilier les deux. »
La manière dont les œuvres sont présentées demeure un des éléments les plus importants pour Jean-Sébastien Vallée. Selon lui, il est dépassé de croire que la musique contient tout en elle-même et qu’elle ne doit pas être expliquée au public. Il croit surtout qu’il est important plus que jamais qu’elle soit écoutée, pensée et présentée par des personnes ayant une vision différente de ce qui a été fait jusqu’à maintenant.
« Souvent, les notes de programmes sont celles de musicologues reconnus qu’on réutilise pendant plusieurs décennies. Cette année, nous avons décidé d’engager Rena Roussin, une étudiante en musicologie au doctorat à l’Université de Toronto d’origine autochtone, pour écrire les notes de programme. Notre premier concert est composé du Requiem de Brahms et du Charriot Jubilee de Dett, deux œuvres assez connues et aimées du public. Nous nous sommes demandé ce qu’on pourrait en dire de plus. Qu’est-ce qu’une jeune adulte peut apporter comme point de vue différent de toutes les notes de programmes qu’on peut trouver écrites par un homme blanc de 65 ans qui est un expert en la matière ? L’idée n’est pas seulement de changer le répertoire, c’est de changer comment on en parle et qui en parle. »
L’idée n’est pas de renier le passé. La tradition demeure un élément important du chant choral et il s’agit, selon Vallée, de trouver le moyen d’équilibrer la programmation d’une saison et de bien choisir les œuvres au programme afin qu’elles se complètent, peu importe leur style, leur langue ou l’époque à laquelle elles ont été composées.
« Ça peut se faire à travers plusieurs concerts. On peut présenter une des Passions de J.S. Bach, très ancrées dans la tradition, et dans le même mois présenter une autre Passion comme la Little Match Girl Passion de David Lang, basée sur le conte de Hans Christian Andersen, d’une vision plus profane. Il est important pour moi de chercher à trouver l’équivalent d’une Passion chrétienne dans le monde moderne et de juxtaposer ces œuvres pour offrir une histoire plus complète pour le public. C’est une façon de reconnaître la grandeur et l’importance de la Passion religieuse dans notre domaine, mais également de faire réaliser aux gens que ses éléments clés se retrouvent également dans la vie de tous les jours, même aujourd’hui. Cette façon de procéder nous permet d’avoir une programmation plus complète qui rejoint tous les publics. »
Cette saison, en plus des concerts avec le Toronto Mendelssohn Choir et sa charge à l’Université McGill, Jean-Sébastien Vallée dirigera plusieurs concerts avec les Schulich Singers, la Société chorale d’Ottawa et l’église St. Andrew and St. Paul, où il termine son mandat cette année après 6 ans à la direction des chœurs.
« J’espère voyager davantage. J’ai deux hivers sabbatiques de McGill en 2023 et 2024 et cela va me permettre de concrétiser quelques projets à l’extérieur du Québec, plus précisément en Hongrie et aux États-Unis. D’autres projets en Europe restent à confirmer. L’un de mes buts est de porter une plus grande attention sur le Toronto Mendelssohn Choir à Toronto et voir de quelle manière l’ensemble peut être un pionnier dans le chant choral au Canada, surtout grâce à ses ressources et à son immense potentiel. J’envisage de travailler très fort pour établir des programmes d’éducation, des programmes de rayonnement, engager des compositeurs en résidence et offrir des symposiums sur la direction. Ces activités connexes serviront à faire en sorte que le Toronto Mendelssohn Choir ne demeure pas seulement un présentateur de concerts à Toronto, mais soit aussi capable d’inspirer et de nourrir le monde du chant choral au Canada. »
Tous les détails sur la saison du Toronto Mendelssohn Choir au www.tmchoir.org.
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