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Fondé en 1971, Musica Camerata Montréal est un ensemble exceptionnel qui a joué des œuvres de musique de chambre méconnues, tout en mettant de l’avant les compositeurs canadiens. En prévision de la 50e saison, nous avons parlé avec le violoniste et directeur artistique Luis Grinhauz ainsi qu’avec sa femme, la pianiste Berta Rosenohl.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
LG : J’avais 19 ans, je venais d’emménager à Buenos Aires et un de mes amis voulait me présenter une charmante pianiste nommée Berta. Mais il faut croire que j’étais trop occupé à pratiquer le violon (rires). Nous nous sommes finalement rencontrés peu de temps après, à la fin d’un concert, et je lui ai demandé de m’accompagner à un concours pour lequel je me préparais. Lors de la première répétition, elle a lu le mouvement mieux que moi qui le répétais pourtant depuis six mois !
Avez-vous gagné le concours ?
BR : Oui, nous avons gagné !
Votre duo est-il rapidement devenu le projet d’une vie ?
BR : Nous avons gagné plusieurs concours après celui-là. Et bien souvent le prix incluait de jouer des concerts. Ainsi, peu après sa conception, notre duo a commencé à se produire souvent.
Pourquoi avez-vous quitté l’Argentine ?
LG : Nous avons tous les deux décroché la bourse complète à l’Université de l’Indiana. J’ai étudié auprès de Joseph Gingold (1909-1995) et Berta avait Alfonso Montecino (1924-2015) comme professeur.
BR : Notre fils n’avait que deux ans et demi lorsque nous sommes déménagés et nous n’avions aucune aide, alors je l’ai amené un jour à une leçon de musique de chambre avec János Starker. Je me souviens que le professeur Starker, surpris de ma demande d’amener un bébé au cours, m’a répondu : « Un bruit, et c’est la porte ! » Alors, j’ai donné à mon fils un tas de jouets, de livres à lire… Il n’a pas causé d’ennui.
LG : Et quelques années plus tard, notre fils est devenu lui-même un élève de Starker.
BR : Nous l’amenions aussi au cours de Luis avec le professeur Gingold. Celui-ci était plus accueillant et donnait à notre fils des taille-crayons pour qu’il puisse s’amuser durant notre cours.
Qu’est-ce qui vous a amenés au Canada en 1970 ?
LG : L’OSM embauchait et son chef de l’époque, Franz-Paul Decker (1923-2014), paraissait difficile à satisfaire. À ma surprise, j’ai eu un poste dans la section des premiers violons. En 1975, j’étais parvenu au premier pupitre. [Grinhauz a été assistant au violon solo pendant près de 45 ans.]
BR : Je n’étais pas surprise. Luis était fraîchement diplômé et il pratiquait huit heures par jour.
LG : Et après l’audition, le chef a augmenté mon salaire initial de 20 $ !
Comment est-ce que Musica Camerata est né ?
LG : Alors que nous nous installions au Canada, nous avons fait la connaissance de Hans Nemenoff, un homme d’affaires allemand passionné de musique. Il nous a invités à jouer à ses concerts privés. À l’époque, il n’y avait que deux séries de concerts [à Montréal] : Pro Musica et le Ladies’ Morning Musical Club. La série de concerts de Hans est devenue très populaire et a reçu, à l’époque, d’importantes subventions d’Ottawa.
Comment avez-vous commencé à vous impliquer dans l’organisation de cette série ?
BR : C’est une histoire assez tragique. Hans est allé à Ottawa pour remercier officiellement les organismes de leur soutien. En plein milieu de son discours, il s’est évanoui et est mort subitement. Sa femme a pris la relève pendant quelques saisons, puis a décidé d’arrêter. C’était devenu trop difficile pour elle. C’est là que nous nous sommes offerts pour participer à l’organisation de la série.
Camerata est connu pour jouer des œuvres oubliées et aussi de la musique écrite par des compositeurs canadiens. Comment avez-vous entrepris cette mission ?
LG : Dès les débuts, cela a été le mandat de Camerata. Voyez-vous, les musiciens de musique de chambre classique s’en tiennent au même répertoire convenu : Mozart, Brahms, Haydn et ainsi de suite. Ce sont des artistes immenses, mais il y a des œuvres de Frank Bridge (1879–1941) et d’Ildebrando Pizetti (1880-1968) qui sont absolument magnifiques.
BR : Nous allions au Centre canadien de musique, qui a une vaste bibliothèque. Nous avons pris beaucoup de partitions que nous avons lues afin de choisir un répertoire pour notre série.
Sentiez-vous que vous preniez un risque en jouant de la musique peu connue ?
LG : Sans vouloir paraître arrogants, nous nous sommes rendu compte avec le temps que si nous aimions le répertoire, le public suivrait.
Y a-t-il eu des échecs ?
LG : Oui. Une fois, un de nos amis, le chef français Michel Plasson (1933-), nous a suggéré un quintette composé par un contemporain de Debussy, Albéric Magnard (1865-1914). Alors, nous avons commandé la partition…
BR : Et nous avons failli divorcer à cause de ce morceau ! (rires) Nous ne l’avons jamais joué.
Quelle est la clé pour faire de la bonne musique de chambre ?
LG : Tout d’abord, une bonne communication et de l’empathie entre les musiciens. Tous nos collègues sont fantastiques. [Les autres musiciens réguliers sont Van Armenian (violon), Victor Fournelle-Blain et Sofia Gentile (alto), Sylvain Murray, Bruno Tobon et Léo Grinhauz (violoncelle) et Eric Abramovitz (clarinette).] Nous sommes toujours prêts à travailler fort.
Qu’est-ce qui fait que votre succès dure depuis si longtemps ?
BR : Eh bien, ce n’est pas une entreprise facile. Nous avons déjà eu beaucoup de bourses, et maintenant nous n’en recevons plus aucune. Alors, nous ne donnons plus que quatre concerts par saison.
Quelles sont vos principales attentes face à l’avenir ?
LG : Jouer de la bonne musique, comme toujours.
S’il y devait y avoir un seul enregistrement pour lequel on se souviendrait de vous, lequel serait-ce ?
BR : Peut-être le Concert, op. 21, de Chausson ou le Quintette pour piano, op. 30, de Taneyev, une pièce incroyable.
Pour info. : Musica Camerata Montréal lance sa 50e saison le 7 septembre à 18 h, à la Chapelle historique du Bon-Pasteur. Le programme, dédié à la musique pour clarinette, inclut des œuvres de Max Bruch, Carlos Guastavino, Juan Carlos Cirigliano et Bernard Herrmann.
Traduction par Andréanne Venne
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