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Decca4
Lorsqu’un grand artiste interprète une musique de troisième ordre, il s’agit soit d’un acte banal de complaisance, soit d’une révélation stupéfiante. Il m’a fallu trois écoutes pour savoir ce qu’il en était.
Tchaïkovski écrit 12 pièces pour piano pour chaque mois de l’année afin de les publier dans les numéros en série d’un magazine de Saint-Pétersbourg. Le rédacteur en chef a ajouté un poème à chaque morceau sans l’intervention du compositeur. C’est un fait avéré. Aujourd’hui, Yunchan Lim, dans une note de pochette, raconte que la suite décrit la dernière année de la vie d’un homme, un lâcher-prise progressif. Tchaïkovski, qui était alors en pleine composition du Lac des cygnes, avait encore près de vingt ans à vivre et la mort ne faisait pas partie de ses préoccupations immédiates. Je ne suis pas très à l’aise avec le narratif du pianiste coréen.
Et qu’en est-il de l’interprétation ? Yunchan Lim, lauréat du concours Van Cliburn 2022, est le pianiste le plus fascinant et le plus éthéré à émerger depuis plus d’une décennie. Jusqu’à présent, il ne s’est pas trompé dans ses enregistrements de Rachmaninov et de Chopin.
Dans le segment de janvier des Saisons, il frôle le kitsch, mais la faute est plutôt attribuable à Tchaïkovski lui-même. En mars, il offre un jeu merveilleux en apesanteur, une plume sur de la neige fondante. Le mois de juin se situe quelque part entre l’espoir et la morosité. Le mois d’août est une course effrénée, une fuite de la raison, peut-être. Octobre est un nuage de génie, le rappel préféré de Rachmaninov. Les deux derniers mois apportent une résolution, pas tout à fait convaincante.
Le jeu de Yunchan, parfois éblouissant, ne suit pas ses propos imaginatifs. À la troisième écoute, son interprétation est profondément satisfaisante et dépourvue d’intentions. Vous ne serez pas déçus.
Traduction : A. Venne
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