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Le plus vieux des deux fils compositeurs de Bach a attendu plus de deux siècles que son œuvre soit reprise par un interprète célèbre et, lorsque ce fut le cas, l’enregistrement est resté en boîte de conserve pendant 30 ans. Le pianiste de jazz américain Keith Jarrett n’est pas du genre à respecter les règles du jeu, mais cet enregistrement, même selon ses critères, est hors normes. Jarrett déclare à propos de cette parution : « J’ai entendu les sonates de Württemberg enregistrées par des clavecinistes. Et j’ai senti qu’il y avait place pour une version piano. »
Soit, mais pourquoi, après avoir réalisé l’enregistrement dans son studio du New Jersey en mai 1994, a-t-il attendu la moitié d’une vie créative pour le faire connaître au monde entier ? Il s’agit d’un disque qui ne peut être jugé uniquement sur son contenu. Trop d’énigmes humaines s’y entremêlent.
Emanuel Bach avait 30 ans et était musicien à la cour de Frédéric le Grand lorsqu’il écrivit ces sonates pour clavicorde avec l’intention de les jouer lui-même. Éclipsé par son père, Emanuel n’a été crédité de ses propres réalisations qu’au cours des deux dernières décennies de sa vie, lorsqu’il a succédé à Georg Philip Telemann en tant que Kapellmeister (maître de chapelle) à Hambourg. La musique chorale et les petites symphonies étaient son point fort. Aucun de ses enfants ne l’a suivi dans la musique.
Les sonates pour clavier, qui passent du style français au style italien et inversement, sont élégantes jusqu’à la frivolité. Ce qui manque, c’est une preuve de profondeur, du moins dans les interprétations que j’ai entendues au fil des ans. Jarrett ne prétend pas jouer plus que les nombreuses notes de la page. Sa lecture est assez agréable, mais lassante au bout d’un certain temps. Il y a chez C. P. E. Bach une uniformité que son père n’aurait jamais tolérée. Presque tout sur ces deux disques se situe à un seul niveau émotionnel et ce niveau est plutôt faible.
Cela dit, si j’étais directeur du festival de Salzbourg ou des BBC Proms, je sauterais sur l’occasion de faire jouer C. P. E. Bach par Keith Jarrett en soirée. Il amènerait un public et un ensemble d’attentes dans l’arène classique. Il pourrait même sembler plus énergique en concert qu’il ne l’est sur cet album déroutant. Et C. P. E. Bach serait ravi de l’avoir à ses côtés.
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