Lorraine Pintal signe une Lysis symbolique et révoltée, campant un groupe de femmes activistes qui refusent de continuer à enfanter. Un spectacle actuel. Théâtre du Nouveau Monde, 7 mai – 1er juin 2024 Lysis (tnm.qc.ca)
Après quatre ans d’attente et deux reports, et pour sa dernière mise en scène en tant que directrice artistique du TNM, la metteure en scène Lorraine Pintal s’offre une Lysis créée par Fanny Britt et Alexia Bürger, très éloignée de la gouaille de la Lysistrata d’Aristophane.
Lysis (Bénédicte Décary, parfaitement tragique) est en effet une cadre responsable de la recherche et du développement dans une grande entreprise pharmaceutique, gouvernée par un boys club qui a fait le choix d’enterrer une étude révélant les dangereux effets secondaires de l’un de leurs produits vedettes pour la santé mentale des femmes. Pour mettre fin à cette injustice qui perdure, mais aussi pour se révolter contre le patriarcat et pour tenter de mettre frein à cette odieuse course aux profits, Lysis démissionne et se lance, avec le collectif de militantes féministes auquel elle appartient, dans une grève de la natalité.
La riposte est cinglante : les dirigeants du laboratoire demandent que soit votée une loi spéciale (Jean-Philippe Perras, délicieusement ignoble en Premier ministre). Aux réunions du conseil d’administration de la compagnie, conférences de presse et pratiques de golf succèdent les manifestations des révolté.e.s. Car, assoiffés de changement et de justice, des hommes ont rejoint le mouvement. Suit un affrontement avec la police… L’ensemble rappelle le droit de grève bafoué, le mouvement # Me too. À l’évidence, la pièce se nourrit à leur source, de même qu’à celle de toutes les injustices qui nous sont contemporaines. Les 14 comédiens de la distribution ont le ton et l’intention justes – et il faut mentionner la prestance de Cynthia Wu-Maheux et le jeu plein d’humanité de Philippe Racine.
Chœurs grecs
Sur scène, trois musiciennes interprètent la partition originale du compositeur Philippe Brault, donnant à ce spectacle la dimension épique attendue. Deux ensembles de batterie et de tambour sont disposés en hauteur, au fond de la scène, à cour et à jardin. L’un d’eux est accompagné d’un clavier. Les musiciennes chantent, à la manière des chœurs grecs et les interprètes les rejoignent pour des chansons très bien interprétées. Mention spéciale à Olivia Palacci (Myra, une activiste passionnée) dont on connaissait la voix puissante mais qui laisse découvrir ici un organe mélodieux.
Le moment où la chanson d’Anne Sylvestre est entamée (Une sorcière comme les autres) est particulièrement émouvant. Entendre tous ces interprètes, jeunes et moins jeunes, reprendre cet hymne féministe d’une autre époque démontre la nécessité du combat de leurs personnages et transcende la pièce, la ramenant aux dérives de notre époques, celles qui ont forcé l’avènement du mouvement # Me Too.
La fin du spectacle est un peu fleur bleue mais Lorraine Pintal, peut quitter en disant mission accomplie, elle termine avec une super-production pleine de sens, actuelle et contemporaine. Lysis. Théâtre du Nouveau Monde, 7 mai – 1er juin 2024 Lysis (tnm.qc.ca)
Création : Fanny Britt et Alexia Bürger
Mise en scène : Lorraine Pintal
Avec : Annick Beauvais, Bénédicte Décary, Jacques L’Heureux, Widemir Normil, Jean-Philippe Perras, Philippe Racine, Steve Gagnon, Nadine Jean, Chloé Lacasse, Salomé Leclerc, Olivia Palacci, Brigitte Paquette, Pier Paquette, Dominique Rustam, Sally Sakho, Isabelle Vincent, Cynthia Wu-Maheux