La nef : Le grand rituel

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À l’invitation de la compagnie BOP, Cédric Delorme-Bouchard signait la mise en scène du spectacle Le Vaisseau-Cœur, pour l’ouverture de la saison 2019 de la salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal. La création réunissait autour des pièces de Francis Poulenc et d’Olivier Messiaen une trentaine de choristes, quatre danseuses et l’Orchestre de chambre I Musici de Montréal. Le compositeur montréalais Alexis Raynault avait créé une pièce d’introduction de sept minutes pour l’occasion.

« C’était une rencontre parfaite, un coup de foudre instantané – l’expérience a été si forte que BOP et moi avons immédiatement décidé de poursuivre notre collaboration, nous questionnant sur le nouveau territoire que nous allions explorer », confie Cédric Delorme-Bouchard. La réflexion des collaborateurs les a amenés vers Messiaen, mais dans un registre tout à fait différent. « Nous avons puisé dans ses œuvres pianistiques et sélectionné des œuvres pour piano seul ou double piano. »

Quatre pianos à queue

Les œuvres ont été arrangées pour quatre pianos afin de composer et jouer la trame sonore du spectacle. « Elles sont ajustées pour qu’on les traverse, avec un début et une fin; ce n’est pas un concert, c’est une œuvre dramaturgique », poursuit celui qui souhaitait amener les mélomanes dans le territoire de la danse et du théâtre. Imposante, la scénographie du spectacle comptera autant que son aspect sonore.

En écoutant les œuvres, le créateur a rapidement choisi de transformer l’espace de l’Usine C. Les danseurs évolueront au cœur de l’espace, sur un grand podium et les quatre pianos entoureront la scène. Les spectateurs, sur des gradins positionnés de façon bifrontale, formeront le dernier cercle. « Une spirale sonore va emporter l’assistance; l’expérience de chacun dépendra de l’endroit où il est assis », explique Cédric Delorme-Bouchard.

Les pièces proviennent d’une des plus célèbres suites du répertoire contemporain pour piano d’Olivier Messiaen, Vingt regards sur l’Enfant-Jésus, une œuvre pour piano en vingt parties (1944) et de Visions de l’amen, une œuvre pour deux pianos en sept parties (1943). Des compositions du membre fondateur de BOP, Alexis Raynault, et de Sophie Dupuis, férue d’arts interdisciplinaires, complètent l’étoffe harmonique du spectacle.

La nef n’est pas une œuvre muséale : « Je crois qu’il est important, pour monter Messiaen aujourd’hui, à Montréal, d’ajouter l’apport de compositeurs actuels. » Leurs œuvres ont évidemment été façonnées dans l’esprit du compositeur français. « L’espace, la lumière et la musique de la représentation manquaient de souplesse, de couleurs; ces additions étaient nécessaires », remarque Cédric Delorme-Bouchard.

 

Panorama d’humanité

Messiaen était un catholique convaincu. Maeterlinck, le maître du symbolisme, auteur d’Intérieur, l’inspiration de la dernière création de Cédric Delorme-Bouchard à l’Usine C, avait la foi. Même si les œuvres n’appartiennent pas au même registre (Intérieur a été monté au théâtre, avec des acteurs) ces deux artistes ont les mêmes intérêts et préoccupations. « L’aspect religieux m’indiffère, mais ce qui touche à la vie et à la mort, le rapport à la nature, la portion subtile de l’expérience humaine, chaque créateur essaie de s’en approcher pour que des moments sublimes puissent apparaître sur le plateau, dans un grand rituel. »

Entre le travail de l’image et du corps et de la musique, la communauté des huit interprètes et des quatre pianistes de La nef affiche une variété de pratiques et d’âges. Au même titre que les oiseaux, les insectes et les minéraux, qui étaient pour Messiaen une source de contemplation créative, le spectacle révèle aux yeux du metteur en scène un admirable panorama d’humanité, vivant et organique.

Le rapport aux couleurs de Messiaen était particulier. Le compositeur, organiste et professeur d’analyse et de composition a même rédigé pendant plus de 40 ans un imposant Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie, en sept tomes. Cédric Delorme-Bouchard a donc fait le choix de travailler la scénographie et la lumière simultanément. « Messiaen parlait d’harmonie-couleur; je me sers donc d’un éclairage vidéo qui est pensé, écrit et modulé comme une partition musicale; cela ne signifie pas que les deux partitions voyagent de la même façon, mais elles sont intimement liées. »

Après Lamelles (2018) et Intérieur (2022), La nef sera sa troisième création à l’Usine C. Ces projets ont des points de départ différents, mais ils ont beaucoup de similitudes, font partie de la même recherche et se recoupent. La lumière, le corps, le texte, la musique, c’est une belle boucle. « La nef est le défi le plus ambitieux que je me sois lancé jusqu’à maintenant, c’est un projet événement d’une complexité extrême et il n’y aura que quatre représentations. »

Cédric Delorme-Bouchard et le BOP (Ballet-Opéra-Pantomime) orchestrent La nef, un rituel pour corps et lumière porté par les accords de quatre pianistes : Samuel Blanchette-Gagnon, Isabelle David, Mehdi Ghazi et Gaspard Tanguay-Labrosse. Interprétation : David Albert-Toth, Leslie Baker, Marc Boivin, Mélanie Chouinard, Jennyfer Desbiens, Myriam Foisy, Lucie Grégoire, Emmanuel Proulx

Première mondiale à l’Usine C de Montréal du 12 au 17 mai.

www.usine-c.com


https://www.youtube.com/live/XgSaD1q-uFs?feature=share

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