Hiroshima mon amour: ça recommencera

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Le metteur en scène et directeur artistique de la compagnie Carte Blanche Christian Lapointe propose l’opéra résolument moderne Hiroshima mon amour, en collaboration avec Chants libres et le Quatuor Bozzini. À l’Usine C, dans le cadre du Festival TransAmériques du 27 au 29 mai.

En 1959, Alain Resnais et Marguerite Duras ont offert en mémoire de la tragédie nucléaire le mémorable film d’avant-garde Hiroshima mon amour. Un an plus tard, dans l’introduction du livre éponyme, Duras écrit qu’il s’agit d’un propos d’opéra et c’est de cette idée que la compositrice et écrivaine australienne Rósa Lind s’est emparée pour proposer à Christian Lapointe de créer un opéra onirique, joué à l’Usine C par un ensemble de chambre, installé au fond de la scène à jardin centre.

Le film campe une actrice française envoyée à Hiroshima pour y tourner un film pour la paix. Elle y rencontre un homme marié, ancien soldat, avec qui elle développe une relation qui se construit entre le souvenir et l’oubli des traumas de la seconde guerre mondiale.

Hiroshima mon amour se décline en cinq actes qui sont les échos revisités de l’œuvre originale. Crédit photo: Valérie Remise

Hiroshima mon amour se décline en cinq actes qui sont les échos revisités de l’œuvre originale. Crédit photo: Valérie Remise

À l’avant cour, un écran plat haute définition qui montre les personnages qu’une caméra filme alternativement. Juste devant cet écran, deux lutrins, une paire d’écouteurs posée sur chacun d’eux. C’est le studio où se déroule le premier acte et où les personnages de l’actrice et de l’homme marié chantent leur premier duo. L’opéra se décline d’ailleurs en cinq actes qui sont les échos parfaitement revisités de l’œuvre originale. Un peu à l’arrière du plateau, à cour, un bureau massif derrière lequel le personnage de Duras, que le metteur en scène a choisi de placer sur scène. s’installe. Marie-Annick Béliveau est donc Duras. Elle se déplace et dirige aussi l’orchestre, et reprend certains vers de la partition de l’actrice.

À l’avant-scène, à jardin, une table de maquillage placée en angle. Au centre, un support à vêtements mobile et des chaises. Une immense toile translucide fait toute la largeur de la scène de l’Usine C et sépare l’avant de l’arrière-scène. D’un côté seront projetées plus de 400 photos tirées du film Hiroshima mon amour, de l’autre différentes captations du spectacle.

Le performeur Karl Lemieux altère en direct la pellicule d’Hiroshima mon amour. Crédit photo: Valérie Remise

Le performeur Karl Lemieux altère en direct la pellicule d’Hiroshima mon amour. Crédit photo: Valérie Remise

Le performeur Karl Lemieux, habillé en soldat de la seconde guerre mondiale, manipule trois projecteurs à bobines qui ressemblent à des canons et altère en direct la pellicule d’Hiroshima mon amour. Les images se superposent et s’enchaînent, la performance cinématographique se mêle à l’opéra. Cette section est très forte. Le dispositif scénique et les procédés méta théâtraux qu’utilise Christian Lapointe sont remarquables et vont de l’avant dans la logique des systèmes qu’il a adoptés ces dernières années.

Il faut évidemment souligner l’univers sonore que la compositrice australienne Rósa Lind a créé, composé d’une partition pour trois chanteurs, un quatuor à cordes, une flûte, une clarinette, une harpe et des percussions mixtes, auquel s’ajoute une bande sonore électroacoustique très texturée. Aux voix de la mezzo-soprano Marie-Annick Béliveau et de la soprano Ellen Wieser s’ajoute celle de Yamato Brault-Hori qui est l’interprète du sextette folk Yamato & La Fin du Monde. Marie-Annick Béliveau, directrice artistique de Chants Libres, qui assure la codirection musicale de l’opéra d’une heure vingt en cinq actes avec la violoncelliste et codirectrice du Quatuor Bozzini Isabelle Bozzini, brille particulièrement par sa voix et son aisance sur scène.

Le dispositif scénique et les procédés méta théâtraux qu’utilise Christian Lapointe sont remarquables. Crédit photo: Valérie Remise

Le dispositif scénique et les procédés méta théâtraux qu’utilise Christian Lapointe sont remarquables. Crédit photo: Valérie Remise

Hiroshima mon amour est un appel à la réconciliation entre les peuples. L’œuvre contient aussi un message prémonitoire : « Ça recommencera » annonce l’actrice, jouant les Cassandre. Faisant un pont entre le XXe et le XXIe siècle, l’équipe de l’opéra contemporain a d’ailleurs projeté « Cessons le génocide à Gaza » à fin du spectacle, ce qui a été fort bien accueilli par les spectateurs de l’Usine C.

L’opéra Hiroshima mon amour est un projet très ambitieux qui s’inscrit dans la lignée des projets avant-gardistes de Marguerite Duras, qui rejetait catégoriquement les approches faciles et commerciales. Un spectacle à voir au Festival TransAmériques, 27-29 mai https://fta.ca/

Plus de 400 photos tirées du film Hiroshima mon amour sont projetées sur l’écran qui traverse la scène. Crédit photo: Valérie Remise

Plus de 400 photos tirées du film Hiroshima mon amour sont projetées sur l’écran qui traverse la scène. Crédit photo: Valérie Remise

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