Le théâtre documentaire et engagé Centroamérica du collectif mexicain Lagartijas Tiradas al Sol (Comme des lézards étendus au soleil) s’intéresse à la souffrance de l’Amérique centrale. Présenté en espagnol en version surtitrée dans les deux langues dans le cadre du Festival Trans-Amériques, jusqu’au 26 mai.
Sur la scène dépouillée du Théâtre Rouge, un écran suspendu peint en bleu ciel à cour (sur lequel des vidéos seront projetées) et à jardin centre une peinture qui évoque une plage luxuriante. Juste devant, un petit bassin entouré de plantes. Autour de la scène, des chaises, des documents et quelques accessoires complètent le tout. Une musique latine se fait entendre. La comédienne porte un petit short et un haut de maillot de bain sur sa peau hâlée, le comédien un short et une chemise. Un agréable vent chaud souffle sur le FTA.
La pièce Centroamérica commence par un aveu de Luisa et Lázaro, les deux protagonistes de cette production créée en juillet 2024. La plupart des Mexicains connaissent mal l’Amérique centrale. Aussi les comédiens ont-ils voulu déplacer leur travail et le repenser à partir des différents pays de l’isthme centraméricain. Les artistes aventuriers partent donc. Ils racontent, tout d’abord, les différentes étapes de cette expédition qui se double d’ateliers et d’actions artistiques, symbolisées sur scène par l’installation de pièces de tissus au sol qui forment peu à peu une sorte de carte de cette partie du monde.
Centroamérica réchauffe d’un vent chaud le FTA. Crédit photo: Ulises Avila
Au Guatemala, la première constatation des deux comédiens est implacable : ils viennent du Nord, d’un pays plus riche et ils sont assimilés à ceux qui bloquent le flot d’immigration – même s’ils sont hispanophones. La population guatémaltèque reste marquée à jamais par la guerre civile qui a déchiré le pays de 1960 à 1996 et qui a causé la mort d’environ 200 000 citoyens, dont la plupart seraient des Mayas. Le tandem évoque le racisme, le classicisme politique – des plaies communes à l’Amérique latine – et la CIA, dont le rôle dans ce conflit sanglant est indéniable. Luisa et Lázaro, s’adressent directement au public. Des extraits d’archives sont projetés et des moments de jeu plus physique leur succèdent.
Suivent la visite du Honduras, pays victime du réchauffement climatique et son cortège d’activistes climatiques assassinés. Puis celle du Panama où il est encore une fois impossible de ne pas rappeler l’omniprésence des États-Unis et les effets de la doctrine Monroe. Le contraste de la faune paradisiaque du Belize, demeuré une colonie anglaise jusqu’en 1981, avec Belize City, l’une des villes les plus dangereuses, frappe les comédiens. Des bruits d’oiseaux et d’animaux accompagnent cette partie du spectacle.
Au Costa Rica, qui est depuis 1948 un pays neutre et la première nation du monde à avoir constitutionnellement supprimé son armée, Luisa et Lázaro rencontrent María, une réfugiée nicaraguayenne qui a fui le régime d’Ortega qui gouverne par la peur et la violence. Voyant une ressemblance physique entre Luisa Pardo et elle-même et ayant quitté son pays sans possibilité de retour, María demande à Luisa d’aller au Nicaragua afin de faire enterrer son frère décédé dans le caveau familial, auprès de leur mère.
Luisa et Lázaro, les deux protagonistes de Centroamérica. Crédit photo: Ulises Avila
Les deux créateurs acceptent la mission et deviennent ainsi acteurs de leur propre théâtre documentaire, exposés à des réalités que jusque-là ils ne faisaient qu’observer. Le contenu de la pièce demeure critique et didactique – certaines statiques sont effrayantes et il est bon de les connaitre (ex:2,5 % de la population salvadorienne est incarcérée; 10% de la population du Nicaragua vit en exil)
Les comédiens sont plus qu’investis. Le public ressent leurs peurs et les dangers auxquels ils s’exposent. Par le biais de l’histoire de Maria, le théâtre documentaire de Lagartijas Tiradas al Sol donne un visage à des millions d’habitants asservis par des dictatures et marqués par la répression, le manque de libertés politiques et les atteintes constantes aux droits de l’homme. Un travail aussi intéressant que nécessaire.
Centroamérica du collectif mexicain Lagartijas Tiradas al Sol est présenté dans le cadre du Festival Trans-Amériques, jusqu’au 26 mai.