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Alexander Koutelias est responsable du développement à l’Orchestre classique de Montréal depuis 2020, poste qu’il a obtenu dès la fin de ses études au programme MMIAM (Master in Management and International Arts management), où il a reçu une double maîtrise de la Southern Methodist University de Dallas et de HEC Montréal. La Scena Musicale s’est entretenue avec lui pour comprendre sa vision de la philanthropie au Québec (et aux États-Unis) et comment son programme d’études l’a préparé dans ses fonctions actuelles à l’OCM.
LSM : Parlez-nous un peu de vos débuts en philanthropie.
AK : Je suis originaire de Sarasota en Floride, où je me suis impliqué dès l’enfance dans la grande compagnie d’opéra locale. Mais ma première réelle expérience en philanthropie a été avec l’ONG International Network Museums for Peace, aux Pays-Bas. Il s’agit d’un réseau mondial des musées qui fait des échanges d’artefacts et de produits culturels, sorte d’échange entre les cultures. À mon retour aux États-Unis, j’ai travaillé deux ans pour la fondation du New College of Florida, où j’ai fait un baccalauréat. J’étais adjoint à la directrice pour les relations et la recherche sur les donateurs.
LSM : Mis à part la philanthropie, quels ont été les autres apprentissages importants du programme MMIAM ?
AK : En plus de préparer à toutes les fonctions d’un directeur général (comptabilité, gestion des finances, marketing, politique culturelle, fonctionnement du marché des beaux-arts, ainsi que gestion des sites patrimoniaux), le MMIAM utilise son propre réseau dans chaque ville (le programme comprend des séjours d’études en Colombie, en Inde, en Chine et en Italie) pour que les étudiants soient présentés aux personnes dirigeantes dans les secteurs qu’ils convoitent. Des rencontres comme cela ne sont pas offertes à tout le monde. Donc cela m’a donné un grand réseau, vraiment à travers le monde.
LSM : Pouvez-vous nous donner une idée de la proportion du financement privé dans les arts, vous qui avez connu les systèmes américain et canadien ?
AK : Au Québec particulièrement, les organismes tendent à avoir quasiment un tiers de revenus provenant de la philanthropie privée, incluant les commandites, un tiers provenant de la billetterie et un tiers des soutiens gouvernementaux, c’est-à-dire le Conseil des arts de Montréal, le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts du Canada. La norme aux États-Unis est de 60 % des revenus du financement privé, dont des particuliers et des commandites; 25 % de la billetterie et environ 5 % venant des gouvernements. Il n’y a pas de conseil municipal des arts dans toutes les villes et pas beaucoup de soutien des États pour les arts. Le Conseil fédéral des arts est mal financé par le Congrès et ce n’est une priorité pour aucun parti. J’ai été témoin d’une tout autre situation au Québec, notamment durant le débat des ministres potentiels des quatre principaux partis qui a eu lieu à HEC. Chaque parti a parlé du besoin de soutenir et de protéger la culture au Québec, et non de couper en culture. Mais les divisions de revenu que je mentionne étaient la norme avant la pandémie. Je crois que ces formules ont fortement changé dans le monde depuis la relance culturelle aux États-Unis et au Québec.
LSM : Que répondriez-vous à quelqu’un qui met en doute l’importance de financer la culture ?
AK : C’est ce qui rend l’espèce humaine unique et c’est avec nous depuis le début de la civilisation. Il faut penser à ce qu’on laisse à nos enfants. Il y a une tradition en musique classique, que ce soit Mozart ou des compositeurs canadiens de notre époque et il faut soutenir cette tradition pour l’avenir. On ne peut pas la tenir pour acquise. Il y a un déclin de l’intérêt pour la musique classique en Amérique du Nord et en Europe depuis les années 1950 parce qu’on l’a tenue pour acquise.
LSM : Parlez-nous de votre approche philanthropique au sein de l’OCM.
AK : Je suis arrivé à l’OCM avec des idées que j’ai dû patiemment faire avancer, surtout dans le contexte pandémique. Une chose qui est importante pour moi, c’est le recours aux contacts, professionnels ou personnels, pour aller chercher des dons des particuliers ainsi que des commandites.
Une autre chose importante pour moi est d’augmenter le niveau de rétention des donateurs, c’est-à-dire d’avoir des donateurs récurrents. Pour ce faire, il faut donner des raisons aux gens de donner.
Dans ma première année avec l’OCM, j’ai eu le bonheur de voir le succès d’une campagne de financement qui s’appelait « la médecine musicale », où on amassait des fonds pour nos concerts de quatuor à cordes dans les CHSLD, les centres de vaccination, les hôpitaux… Le conseil d’administration a offert un fonds de contrepartie pour doubler les dons récoltés pour ce projet. Donc, cela a servi d’incitatif. Même chose l’année suivante avec notre campagne de financement pour le programme de mentorat de l’OCM, où les gens pouvaient parrainer des étudiants en musique de l’Université de Montréal. Heureusement, nous avons dépassé l’objectif dans ces deux campagnes.
LSM : Un mot de la fin ?
AK : Je dois remercier l’OCM de m’avoir donné cette occasion de commencer ma carrière au Canada, particulièrement au Québec, en français. Et c’est une chance d’avoir un programme comme le MMIAM dans le monde d’aujourd’hui, qui prépare les gens pour un monde plus globalisé. Je crois qu’il faut trouver l’équilibre pour le Québec. Même si j’ai la citoyenneté grecque et américaine, j’ai choisi le Québec, donc je m’exprime en français autant que possible. Il faut trouver l’équilibre entre cette mentalité mondiale et le respect de la culture locale. C’est nécessaire en 2022.
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