Rentrée : quid des productions d’opéra à l’université ?

0

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

L’enjeu du retour en classe est particulièrement compliqué à gérer pour les ateliers d’opéra qui comptent souvent un grand nombre d’étudiants et d’intervenants dans chaque production. Les ateliers lyriques de l’Université McGill et de l’Université de Montréal, entre autres, ont bien été obligés de s’adapter à la crise pour faire vivre leurs activités et faire cheminer les étudiants comme si de rien n’était. Entre répétitions en présentiel et répétitions à distance, chacun cherche sa voie.

Du côté de l’Université McGill, c’est désormais en ligne que tout se fait… ou presque. La plupart des répétitions et des cours ont lieu à distance, par visioconférence, et continueront de se faire ainsi. Ces nouveaux modes de communication ont au moins un avantage : le fait de pouvoir compter sur la participation de chefs d’orchestre et de coachs parfois venus de pays éloignés et ainsi de faire converger toute une équipe. De l’utilisation accrue du numérique est née l’idée de créer la série Digital Opera Projects qui regroupe aujourd’hui plusieurs membres dont Michael Hidetoshi Mori, directeur général et artistique de la compagnie torontoise Tapestry Opera, Michael Shannon de la Canadian Opera Company et Jordan de Souza, directeur musical du Komische Oper de Berlin et du Festival de Brégence (Autriche). Patrick Hansen, directeur du programme d’opéra de McGill, et Stephen Hargreaves, coach vocal principal, chapeautent cette série dont nous voyons ici les premiers pas.

Le 23 septembre dernier, soit près d’un mois après le début de la rentrée, certains étudiants d’Opera McGill se réunissaient pour une première répétition autour de l’opéra radiophonique The Old Maid and the Thief de Gian Carlo Menotti (comprendre : un opéra composé spécifiquement pour la radio, sans mise en scène). Cet opéra en un acte sera la pièce de résistance d’un programme qui compte également diverses scènes d’opéras. C’est donc exceptionnellement une production en plusieurs parties qui sera présentée au mois de novembre. Le choix des œuvres a été fait de telle sorte qu’un maximum de trois étudiants à la fois sera présent sur scène, avec accompagnement au piano. The Old Maid and the Thief, par exemple, ne fait intervenir que quatre personnages. En raison de la pandémie, les chanteuses Birgid Lucey et Ingrid Johnson, qui font partie de la distribution, ont eu une répétition bien particulière le 13 octobre dernier sous la direction de Stephen Hargreaves. Elles portaient le masque et étaient séparées par une vitre en plexiglas durant toute la durée de l’exercice (voir photo). Le lendemain, c’était au tour du coordonnateur de Digital Opera Projects, Zach Salsburg-Franck, d’aider la chanteuse Nicole Ross par du coaching vocal à distance pour ce même opéra. Dans ce contexte, l’application Zoom devient un véritable outil de travail.

Du côté de l’Université de Montréal aussi, les étudiants et étudiantes en chant préparent activement la prochaine production de l’atelier d’opéra. Ce sera Vénus et Adonis de John Blow. Depuis cinq ans déjà, le directeur du programme Robin Wheeler et son équipe ont pris l’habitude de mettre à l’affiche un opéra baroque à l’automne, profitant ainsi de l’expertise du claveciniste Luc Beauséjour qui dirige l’Atelier de musique baroque. Celui-ci avait interprété cette même œuvre avec son ensemble Clavecin en concert il y a quelques années, à la salle Bourgie, et avait fait appel à la metteure en scène Marie-Nathalie Lacoursière. « À l’atelier d’opéra de l’UdeM, rappelle Robin Wheeler, on avait déjà fait quelques opéras de Purcell comme Didon et Énée et The Fairy Queen. J’adore cette musique et celle d’un autre grand compositeur britannique, Benjamin Britten, mais ces deux grands noms nous font oublier quelqu’un comme John Blow. Certains disent que Vénus et Adonis est vraiment le premier opéra en anglais de l’histoire. Nous avons arrêté notre choix de répertoire à la fin du mois de février, soit trois semaines avant le début de cette époque folle dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Ça tombe bien parce que l’œuvre compte seulement 45 minutes de musique et, en raison de la pandémie, on ne peut pas travailler aussi efficacement. On a commencé avec presque un mois en retard – le mois de septembre a vraiment été un défi pour toutes les écoles et les universités. Maintenant que l’on est déclaré en zone rouge, c’est encore plus difficile de travailler en présentiel. »

Au cours de l’été, la faculté de musique a fait savoir que la scène de la salle Claude-Champagne serait réaménagée pour répondre à la fois aux exigences sanitaires et aux besoins des étudiants. « C’est fantastique, s’exclame Robin Wheeler. On a beaucoup plus d’espace. Dès le début du projet, au mois de mars et avril, on a demandé à Marie-Nathalie de penser à une mise en scène en prenant en compte la distanciation nécessaire entre les chanteurs. C’est un peu bizarre parfois, car il y a des scènes d’amour, mais c’est comme ça. Il y a des choses plus importantes sur lesquelles on ne peut transiger. Tant et aussi longtemps que nous sommes en zone rouge, les étudiants et étudiantes chanteront avec le masque pendant toute la durée des répétitions. Ce n’est pas facile pour eux ni pour nous, l’équipe de production. »

L’atelier d’opéra de l’UdeM doit aussi composer avec de nouvelles règles limitant à une heure la durée d’une répétition dans une salle fermée. S’ensuit une période de 45 minutes durant laquelle la salle doit être vidée et aérée le plus possible pour permettre aux particules fines de se disperser. Après, on recommence. Heureusement, la salle Serge-Garant offre un deuxième espace pour poursuivre le travail. « On peut ainsi alterner entre les deux salles. Je suis surtout heureux qu’on puisse de nouveau revenir en présentiel après un mois de septembre passé à faire du coaching à distance. Il se trouve qu’on a fait un enchaînement au complet de l’opéra beaucoup plus tôt dans le processus que d’habitude. C’était tellement touchant de voir les étudiants qui n’avaient pas eu la chance de chanter ou de faire de la musique depuis cinq mois. D’être ensemble avec eux, c’était toute une expérience. On était vraiment contents. »

La représentation de Vénus et Adonis sera faite sans public. Celle-ci aura lieu au cours de la deuxième semaine du mois de novembre et bénéficiera d’une captation audio-vidéo, diffusée ultérieurement sur les réseaux sociaux. www.musique.umontreal.ca; www.mcgill.ca/music

www.musique.umontreal.ca

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Partager:

A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

Laissez une réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.