Orchestre symphonique de Laval : Deux chefs, deux visions du métier

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À un mois d’intervalle, l’Orchestre symphonique de Laval (OSL) présente deux concerts aux répertoires et aux am-biances dissemblables, mais reliés par un nom qui résonne : Brahms le romantique. Ces concerts sont également l’occasion de faire connaissance avec deux jeunes chefs aux visions complémentaires.

Jazz symphonique

Daniel Bartholomew-Poyser

Né à Montréal, Daniel Bartholomew-Poyser a grandi quelques années dans la métropole avant de partir pour Calgary. Son parcours professionnel l’a mené aux États-Unis, en Ontario et en Nouvelle-Écosse, notamment. Le concert du 16 avril à la salle André-Mathieu constitue un deuxième retour au Québec en un peu plus d’un an. Au programme, des compositions pour sextuor de jazz et orchestre basées sur des thèmes de Brahms et de Ravel, un mariage éclectique que le chef a hâte de célébrer.

Au moment de l’entrevue, Bartholomew-Poyser venait de revoir les partitions de Yannick Rieu et Lionel Belmondo, deux saxophonistes bien connus dans le milieu. « On a l’impression de regarder la musique classique à travers une lentille jazz. Le résultat est différent de ce à quoi on peut s’attendre. Ce n’est pas exactement un sextuor de jazz avec un orchestre, mais plutôt un orchestre transformé en ensemble de musiciens jazz. Sur le plan de l’orchestration, la musique devient une palette de couleurs à exploiter. Lionel Belmondo a voulu, par exemple, le son du tuba dans un registre haut, en duo avec les flûtes, son autre instrument. Il a choisi également de former un duo saxophone-cor. Vous entendrez, de plus, un solo de contrebasson, ce qui n’arrive jamais. Chacun a l’occasion de s’exprimer. C’est ce qui est intéressant et un plaisir à diriger et à jouer. »

Par sa direction, Bartholomew-Poyser cherche avant tout à créer une atmosphère propice au travail des compositeurs-interprètes et de leurs complices Stéphane Belmondo (trompette et bugle), Jonathan Cayer (piano), Rémi-Jean Leblanc (contrebasse) et Louis-Vincent Hamel (batterie).

« Mon objectif est de transposer à l’orchestre la façon de communiquer et de faire de la musique qu’ont tous ces artistes expérimentés pour qu’ils se sentent à la maison et que l’OSL puisse aussi apprendre d’eux. Après tout, ce sont eux qui apportent leur expertise, qui ont créé la musique et on doit entendre ce qu’ils ont à dire », déclare Bartholomew-Poyser, qui se pose ici en rassembleur et avocat dans l’intérêt des créateurs.

Le chef montréalais d’origine se félicite du temps de répétition supérieur à la moyenne pour parvenir à un haut niveau d’exécution. « Ça donne une chance aux musiciens de l’orchestre de comprendre ce langage afin de mieux l’employer durant le concert, de s’acclimater au nouveau style et d’apprendre à connaître l’univers des artistes invités. »

Bryan Cheng joue Jaëll

Photo du chef d'orchestre de Laval Andrei Feher

Andrei Feher. Photo : Hilary Gauld

Premier concert avec l’OSL pour Bartholomew-Poyser et deuxième collaboration seulement du côté d’Andrei Feher. Le 14 mai prochain, ce dernier offrira un programme de style romantique, incluant le Concerto pour violoncelle en fa majeur de Marie Trautmann, épouse Jaëll.

« Mon choix, en discussion avec l’OSL, s’est arrêté sur la première symphonie de Brahms. Après, j’ai essayé de trouver quelque chose qui pouvait bien se marier musicalement. Je suis tombé par hasard sur le concerto de cette compositrice française. Créé en 1882, il a été redécouvert il n’y pas très longtemps. Je me suis dit que ce serait une bonne occasion de le jouer. Bryan Cheng a dit oui et on a pu aller de l’avant avec ce programme. »

Jaëll est une contemporaine de Brahms. On dit d’ailleurs de son mari et pianiste virtuose, Alfred, qu’il a été l’ami de Joachim, de Brahms et de Liszt. Le lien avec la musique allemande est apparu à Andrei comme une évidence, la compositrice ayant elle-même poursuivi son éducation musicale à Stuttgart, non loin de son Alsace natale.

Établi au Québec depuis plusieurs années, le chef d’origine roumaine est bien conscient de la difficulté technique des symphonies de Brahms. « L’équilibre des sonorités requis n’est pas aussi évident en termes d’orchestration que chez Richard Strauss ou chez Ravel. Dans certains passages, il faut faire ressortir les bons détails, car sinon on s’y perd. Il y a énormément de défis et je trouve toujours intéressant d’aller un peu plus loin ou dans différentes directions chaque fois qu’on les rejoue. Ce sont des œuvres qui nous font progresser et feront toujours progresser l’orchestre. »

La difficulté est telle que, même après 200 ans, on continue de mettre les jeunes cordistes à l’épreuve en leur faisant exécuter régulièrement des traits de symphonies de Brahms lors d’auditions, raconte-t-il. Violoniste de formation, Andrei a acquis une sensibilité particulière pour la direction de cette section si importante dans l’orchestre. « Cela m’aide à évaluer soit les coups d’archet, soit les vitesses ou les tempos, mais aussi à savoir que certaines idées, avec une journée de travail ou une séance de répétition, peuvent donner quelque chose d’intéressant musicalement. »

Mentionnons également l’ouverture Genoveva de Schumann. « Il est l’un de mes compositeurs préférés. On ne l’entend peut-être pas assez souvent parmi les œuvres orchestrales, mais c’est vraiment l’âme romantique par excellence, comme Chopin au piano. Cette ouverture n’est presque jamais entendue. »

www.osl.ca

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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