Critique de concert | Festival MNM: Voix du Nord

0
Advertisement / Publicité

La 11e édition du Festival Montréal/Nouvelles Musiques débutait le 23 février par un concert avec la section des cordes de l’ensemble Obiora, récemment récompensé d’un prix Opus, et l’ensemble de la Société de musique contemporaine du Québec, sous la direction de Cristian Gort. Parmi les solistes, un mélange détonnant entre deux chanteuses traditionnelles bretonnes et deux chanteuses inuites.

Ce quatuor vocal était réuni sur la scène de la Salle Pierre-Mercure pour présenter une création de la compositrice Katia Makdissi-Warren, intitulée fort justement Chorus Nunavik Breizh. La discussion d’après-concert, très instructive sur la démarche artistique et l’identité culturelle propre à chaque tradition, nous a appris que l’œuvre serait interprétée une seconde fois par les mêmes solistes sur le territoire français avec l’Orchestre national de Bretagne. Marc Feldman, commanditaire et administrateur général de l’ONB, était d’ailleurs présent à cette soirée de grande première.

Katia Makdissi-Warren a tenu à respecter et mettre pleinement en valeur les deux styles vocaux, le plus souvent entendus séparément. Il faut dire que ce que l’on appelle communément « chants » de gorge (à l’origine un jeu qui ne se voulait pas un objet d’appréciation musicale) se marie assez difficilement avec toute prestation qui, au contraire, est d’abord pensée comme un moment de musique, de mélodie. Si le mélange entre les 4 chanteuses a fonctionné, c’est parce que la compositrice a choisi judicieusement d’alterner entre chaque style, avec plus ou moins de prédominance, plutôt que de les faire entendre simultanément. À noter qu’une section entière de l’œuvre était consacrée à un jeu de gorge entre les deux femmes, Lydia Etok et Nina Segalowitz. Ce bref mouvement a reçu exceptionnellement l’acclamation du public sur le vif. Les deux artistes venues de Bretagne avaient, quant à elles, un grain de voix très complémentaire; Marthe Vassallo, au timbre clair et brillant, Nolùen Le Buhé, au timbre plus feutré.

Du côté de l’orchestre, Katia Makdissi-Warren avait opté pour une écriture résolument moderne avec notamment des rythmes irréguliers, changeants, et des frottements de cordes suraigus. Malgré le caractère sérieux et très dissonant de la partition, quelques passages légers, voire comiques, sont ressortis. Ce fut le cas, par exemple, lorsque les musiciens de la section des cuivres ont posé leurs instruments respectifs et pris en mains des bouts de tuyaux en plastique pour émettre des gazouillements effrénés.

En guise d’ouverture de concert, le public a pu entendre ou réentendre la Symphonie minute (1994) du regretté José Evangelista, une œuvre en quatre mouvements qui fait une utilisation plus conventionnelle des instruments d’orchestre et qui, en l’occurrence, nous immergeait de belle manière dans l’univers sonore contemporain. Par ses nombreuses arabesques, le deuxième mouvement (« Mélopée ») nous a même offert une incursion dans un monde d’inspiration oriental.

En hommage au compositeur décédé le 10 janvier dernier, le chef d’orchestre Cristian Gort a exposé sur le podium et en pleine lumière le lutrin sur lequel était posée la partition. Il s’est ensuite joint aux applaudissements des musiciens et du public. Une image saisissante qui montre, au-delà de la mort, la marque indélébile que nous a laissée José Evangelista en musique contemporaine.

Pour toute la programmation du festival M/NM du 23 février au 5 mars, visitez le https://smcq.qc.ca/mnm/en/2023/prog/concert

Partager:

A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

Laissez une réponse

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.