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Deutsche Grammophon3.5
Puccini : Tosca
Eleanora Burrato et Alice Fiorelli, sopranos; Jonathan Tetelman et Matteo Macchioni, ténors; Ludovic Tézier, baryton; Giorgi Manoshvili, Davide Giangregorio, Nicolò Ceriani et Constantino Funicci, basses; Coro e Voci Bianchi dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Orchestre – Rome; Daniel Harding, chef
Deutsche Grammophon, 2025
Le monde a-t-il besoin d’un nouvel enregistrement de Tosca de Puccini ? Probablement pas, puisqu’il existe une multitude de versions. Alors, est-ce que cette nouvelle version sort du lot ? Oui, d’une manière importante.
La représentation a été captée en direct en octobre dernier dans la salle Santa Cecilia, fief de l’orchestre. L’époque et le lieu sont dignes d’intérêt pour plusieurs raisons, notamment parce qu’ils marquent les débuts de Daniel Harding en tant que directeur musical de l’orchestre et qu’ils sont un clin d’œil au centenaire de la mort de Puccini. Et, bien sûr, l’opéra a lieu dans la ville de sa toute première représentation, la même ville où est campée l’action : chaque acte se déroule durant une journée et une nuit à Rome en 1800. La qualité du son est excellente en termes d’équilibre et de clarté.
La qualité globale de la prestation est facile à résumer. Elle est mesurée et exquise. Harding a manifestement complètement repensé la manière d’aborder Tosca et son travail est révélateur. Il éclaire les endroits traditionnellement sombres et aucun détail ne passe inaperçu – c’est comme voir une peinture bien connue restaurée pour retrouver ses étonnantes couleurs d’origine.
Un petit exemple : à l’acte 2, Scarpia offre un verre de vin à Tosca, juste avant son célèbre « Quanto? Il prezzo! ». Dans la partition, sa ligne est marquée dolce, oléagineuse à souhait. Pour la première fois, j’ai entendu un sol bécarre des cuivres se placer au premier plan de la trame musicale – un avertissement saisissant de la duplicité de Scarpia. Dans le même acte, toute l’hystérie de Tosca devient soudain musique à la rythmique mesurée d’après l’orchestre. Je semble être la seule personne à trouver que le film de Callas et Gobbi dans l’acte 2 de Tosca est une mêlée de rugby, à la fois pour les yeux et les oreilles. Les cloches de Rome au début de l’acte 3 sonnent avec plus de précision que jamais. Tout cela est fascinant.
Le seul hic avec une approche orchestrale aussi éloquente, interprétée à la perfection, est que les gens n’arrêtent pas de vouloir l’émuler. Harding dirige des opéras de manière sporadique et la dernière représentation que j’ai analysée était Adriana Lecouvreur, filmée à Florence. C’était un choix surprenant pour lui, mais un énorme succès, et je me souviens d’avoir remarqué que l’orchestre était resté dans la fosse pour applaudir son lever de rideau. Ici, c’est comme si une partie de la langueur parfumée d’Adriana avait dérivé vers Rome, qui a vraiment besoin de quelque chose de plus robuste – une odeur plutôt qu’un parfum. Tosca est un drame brutal, un récit à sensations – sexe, drogue et cantate. Et, bien que je me réjouisse de l’entendre de nouveau, cette lecture souffre d’une certaine inertie dramatique.
La distribution est excellente. Eleonora Buratto est toute nouvelle dans le rôle-titre et a tout ce qu’il faut pour l’incarner. Son soprano est fort et vrai jusqu’au do supérieur, et son timbre est généralement chaud et généreux. Cette Tosca est fougueuse et prend des risques. Buratto réussit chaque note, alors que d’autres sopranos patinent souvent avec des intentions dramatiques mêlées à des approximations maladroites. Elle n’a jamais recours aux cris, ce qui est plutôt rare, surtout au deuxième acte. Elle prend vraiment vie dans le rôle lorsqu’elle est confrontée au Scarpia de Ludovic Tézier, un aristocrate sadomasochiste qui prend plaisir au supplice. Son baryton possède une élégance vocale alliée à une force de traction appropriée et, comme Buratto, il bénéficie de la précision de Harding au podium. Jonathan Tetelman donne une lecture plus générique du rôle de Cavaradossi. Il est magnifiquement vocalisé, du côté léger, mais avec clarté et un placement agréable vers l’avant, avec une certaine poussée et de grandes notes au-dessus de la portée. La voix a certainement une bonne sonorité et Tetelman semble jeune et dynamique. Mais il semble moins engagé, comme s’il n’avait pas tout à fait reçu le mémo, bien qu’il le semble soudainement davantage au troisième acte et que « O dolci mani » soit d’une douceur à faire fondre.
Les rôles de soutien sont excellents. Giorgi Manoshvili renforce sa réputation grandissante d’Angelotti désespéré, ses moments avec Cavaradossi sont pleins de drame et Davide Giangregorio fait un sacristain balourd. En résumé, il s’agit d’un enregistrement magnifique à bien des égards, mais il manque la flamme intérieure nécessaire à faire un grand Tosca. Restez fidèle à votre version préférée et même à votre deuxième préférée. Mais la lecture de Harding est remarquable pour son attention aux détails. Un disque pour les connaisseurs, je dirais.
Traduction : Andréanne Venne
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