Quand la diversité des genres musicaux se résume à la pop
Malgré l’intervention du Conseil québécois de la musique (CQM) auprès du CRTC, ce dernier, dans son verdict rendu le 3 avril 2020, a donné l’autorisation à Leclerc Communication d’acquérir et de modifier la licence de radiodiffusion de CJPX-FM afin de passer d’une formule commerciale spécialisée de musique classique à une formule commerciale de musique populaire.
Bien que d’autres stations de radio diffusent de la musique classique de manière partielle en dehors des périodes de grande écoute, le changement de licence annonce la quasi-disparition de ce genre de musique sur les ondes hertziennes pour la région de Montréal. De plus, lors de l’annonce de la vente de CJPX, le Groupe Musique Greg n’a pas caché son intérêt à trouver un acquéreur pour la station sour de CJPX, la radio classique CJSQ de Québec. Avec le changement de licence qui vient d’être accordé, on peut craindre qu’il ne soit qu’une question de temps avant que ne disparaisse la musique classique des ondes radiophoniques de Québec.
Un coup dur pour les ensembles et musiciens québécois.
La disparition de la musique classique des ondes commerciales ne pourra qu’intensifier la tendance qui conduit l’auditoire vers les services de musique en ligne. Le Web, faut-il le rappeler, échappe encore à la réglementation du CRTC. Aussi, la découvrabilité de la musique classique produite par des musiciens et des ensembles québécois sur le Web demeure un défi de taille. Les métadonnées liées aux oeuvres ne sont généralement pas suffisantes pour déterminer le territoire de provenance et, dans cette situation, les algorithmes de recommandation ne peuvent suggérer de contenu canadien.
La perte de l’importante tribune pour l’actualité musicale québécoise que représentait CJPX est très lourde de conséquences pour les musiciens. Moins entendus, les artistes risquent de voir les ventes d’albums et de billets de concert diminuer et leurs revenus directement affectés.
Le CQM encourage les amateurs de musique classique de tout âge à favoriser les plateformes Web québécoises pour l’écoute de leur musique favorite, comme ICI Musique classique ou Radio Classique, le pendant Web de CJSQ, afin de préserver la vitalité du talent québécois.
Avec sa décision, le CRTC se complaît dans une lecture restreinte de la Politique canadienne de radiodiffusion de la Loi sur la radiodiffusion en résumant la diversité des genres musicaux à la pop. Il semble que la non-rentabilité de la station CJPX a eu prédominance sur toute autre considération, y compris l’impact sur tout un pan du milieu artistique. Malheureusement, les renseignements financiers et commerciaux déposés au CRTC pour l’analyse de la demande sont de nature confidentielle et n’ont pu être dévoilés publiquement. Le CQM ne peut donc pas se prononcer sur les difficultés financières qu’a rencontrées le Groupe Musique Greg. Toutefois, il est déplorable que la licence spécialisée n’ait pas été offerte à des investisseurs qui auraient poursuivi la mission d’offre spécialisée en musique classique. Une vision différente alliée à un modèle d’affaires innovant aurait, peut-être, pu assurer la viabilité de la station.
Dominic Trudel, directeur général CQM