Lorraine Vaillancourt : Prix Opus Hommage

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Lors du 21e gala des prix Opus le 4 février dernier, le Conseil québécois de la musique (CQM) a remis l’Opus Hommage à Lorraine Vaillancourt pour son apport considérable à la musique contemporaine.

Émue par l’hommage qui lui a été décerné, Mme Vaillancourt admet qu’elle s’arrête peu pour regarder en arrière. Elle vit au jour le jour, tournée vers l’avenir. C’est sans doute cet ancrage dans le présent qui l’a amenée à dédier sa vie professionnelle à la musique de son temps.

Native d’Arvida (Saguenay), Lorraine Vaillancourt choisit la musique à l’âge de seize ans. Elle reçoit son diplôme du Conservatoire de musique de Québec en 1968. Elle complète sa formation de musicienne et de chef d’orchestre à Paris auprès d’Yvonne Loriod, Jeanne Loriod et Pierre Dervaux, ainsi qu’à la faculté de musique de l’Université de Montréal avec Serge Garant et Bruce Mather.

Inébranlable

Rapidement, l’interprétation de la musique contemporaine devient son fer de lance. Si Lorraine Vaillancourt a beaucoup d’admiration pour les compositeurs qui proposent un langage personnel fort, les interprètes sont sa principale source de motivation. Il faut reconnaître qu’en musique contemporaine, la place qu’occupent les aspects de l’interprétation des œuvres est bien moindre que celle consacrée aux compositeurs et à leurs créations. Compétents et virtuoses, les musiciens sont l’outil de transmission de la musique. Cependant, on ignore leur approche et leur travail qui conduisent à des résultats de qualité. La virtuosité d’un chef est, par ailleurs, très peu remarquée.

Invitée régulièrement à diriger divers ensembles et orchestres tant au Canada qu’à l’étranger, Mme Vaillancourt assure depuis 1989 la direction artistique du Nouvel Ensemble Moderne (NEM). Son but, inébranlable tout au long de sa carrière, consiste à donner la meilleure version possible des œuvres proposées. Reconnaissant leur pleine valeur artistique, elle résout les embûches posées par les nouvelles formes musicales et demeure rigoureusement fidèle aux partitions, sans raccourci et sans prendre de faciles libertés. Elle reconnaît qu’avoir le goût des choses compliquées demande une discipline énorme et, surtout, du temps.

D’ailleurs, elle déplore la rapidité à laquelle le monde d’aujourd’hui carbure. Si les moyens technologiques facilitent la découverte des œuvres et des compositeurs par les musiciens, ils entraînent une certaine hâte ou encore une certaine paresse dans le déchiffrage des partitions qui nuisent à l’entière compréhension d’une œuvre.

Instigatrice

Pour permettre au milieu de se développer et, par le fait même, amener les musiciens à s’intéresser à la musique contemporaine, elle fonde en 1978 la société montréalaise de concerts Les Événements du neuf avec les compositeurs José Evangelista, John Rea et Claude Vivier. Puis, en 1991, elle met sur pied le Forum international des jeunes compositeurs, un événement biennal. À la tête du NEM, elle codirige avec le compositeur Denys Bouliane les Rencontres de musique nouvelle qui se tiennent au Domaine Forget de 1993 à 2013.

Professeure titulaire à la faculté de musique de l’Université de Montréal, Lorraine Vaillancourt assure la direction de l’Atelier de musique contemporaine de 1974 à 2016. La pédagogue a maintenu son intérêt pour la transmission du savoir tout au long de sa carrière. L’étincelle qu’elle a vue jaillir chez plusieurs de ses étudiants est à la fois sa récompense et son espoir. Leur ouverture, leur modestie, l’envie de repousser leurs limites personnelles et celles de leur instrument sont des atouts précieux pour interpréter la musique contemporaine.

L’évolution qu’a connue la musique au cours des trente dernières années est considérable, tant au point de vue du langage et de l’utilisation des instruments que des techniques développées. Toutefois, la musicienne se désole de ne pas retrouver cette évolution pleinement intégrée à la formation des jeunes. Elle s’étonne également que la musique du 20e siècle ne fasse pas encore systématiquement partie des répertoires suggérés pour les examens.

Honneurs et dévouement

Son engagement se reflète dans sa pratique artistique, son enseignement et son apport à la communauté. Elle a notamment été présidente du CQM et a siégé au conseil d’administration du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Mme Vaillancourt est aussi membre de la Société royale du Canada qui regroupe d’éminents intellectuels, savants, chercheurs et créateurs et dont la mission est de favoriser l’avancement du savoir.

Le prix Opus Hommage s’ajoute aux autres honneurs qui ont souligné son dévouement à la musique contemporaine. Elle est membre de l’Ordre du Canada et de l’Ordre du Bleuet. En 2013, elle reçoit un doctorat honoris causa de l’Université Laval à Québec. En 2016, c’est le prestigieux prix Denise-Pelletier que lui décerne le gouvernement du Québec.

Et l’avenir ? Lorraine Vaillancourt reste ancrée dans le présent. Le concert est encore bien vivant, malgré la venue du numérique qui laisse penser le contraire. La musique contemporaine est allée très loin dans la rupture avec le passé et dans la création pour elle-même. Actuellement, une période de récupération s’amorce, apportant un peu plus d’humanité, de communication et de sensibilité aux nouvelles créations. Les jeunes générations sont indéniablement ouvertes sur le monde et valorisent le métissage des cultures. On en trouvera certainement un impact sur la musique qu’elles créeront et interpréteront. Si elles conservent le désir d’approfondir la connaissance et qu’elles y consacrent le temps nécessaire, l’avenir s’inscrira tout simplement dans une continuité.

Dominic Trudel est le directeur général du CQM.

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