Critique de concert | Festival MNM: Nôtinikêw d’Andrew Balfour à la Maison symphonique

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Qualifié de mini-opéra anti-guerre dans le descriptif de la brochure du festival Montréal/Nouvelle Musique de la SMCQ (Société de Musique Contemporaine du Québec), Nôtinikêw d’Andrew Balfour pourrait tout aussi bien être considéré comme un oratorio. Certains diront que ça n’avait rien de religieux et pourtant…

Ce concert était présenté le 24 février, soit le jour du triste anniversaire de la guerre en Ukraine. Hasard ou coïncidence, l’œuvre lyrique de Balfour semblait condamner la violence qui fait de la guerre une religion et transforme les armes en des objets de culte que l’on vénère plus que la vie humaine

La première partie, avec son Domine Deus en latin, était certainement plus près de l’oratorio que de l’opéra. Les voix du groupe nommé Dead of Winter et ses 14 chanteurs y étaient à l’avant-plan, en l’absence d’orchestre. Nous étions en présence d’un chœur bien rodé, prêt à rebondir au quart de tour. L’accompagnement est minimaliste, servi par une violoncelliste (Leanne Zacharias) qui maîtrise à merveille les effets sonores ingénieux : looping, réverbérations, échos et autres astuces. Les transitions entre chacun des mouvements de Nôtinikêw étaient amenées par la puissante voix d’un homme chantant des chants originaux du peuple Crie aux sons de son tambour autochtone; le compositeur lui-même agissait comme narrateur. « Où est notre place dans votre histoire? Où… », « Vous avez donné le nom de nos nations à beaucoup de vos armes de guerre : missile Tomahawk, machines volantes Black Hawk et Apache (…) Est-ce pour nous honorer que vous avez nommé autant d’équipes de gladiateurs d’après nous ? Eskimos, Redskins, Braves, Blackhawks, Fighting Sioux… ». 

On ne sentait ni amertume ni ressentiment dans la voix de Balfour, mais son inquiétude par rapport à ce qui se passe dans le monde actuellement : la facilité de se procurer des armes, le nombre croissant de tueries de masse en Amérique, l’angoisse de devoir « partir en guerre », Nôtinikêw. Ni amertume ni ressentiment, mais le revers d’une médaille mis à nu.

Les instruments de guerre sont sans doute bien meilleurs vendeurs que les instruments de musique. Mais n’oublions pas que, de tous les siècles, de toutes les tribus, ce sont les tambourins et les chants qui résonnent dans les mémoires. Et quand venaient les temps difficiles, les famines, les climats meurtriers et les guerres, ce sont encore les tambourins et les chants qui ont persévéré dans l’espoir d’un monde meilleur. Alors si la guerre est une religion, avec ses symboles et ses images, et que l’anti-guerre en est une autre, avec ses symboles et ses images, alors Nôtinikêw est sans conteste un oratorio, une invocation, une méditation, une prière. Une prière qui s’adresse aux hommes de toutes les nations, de toutes reliures et relectures religieuses.

Pour toute la programmation du festival M/NM du 23 février au 5 mars, visitez https://smcq.qc.ca/mnm/en/2023/prog/concert

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