Trio Fibonacci : vingt ans de suite dans les idées

0
Advertisement / Publicité

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Acclamé à l’échelle internationale pour la brillance et l’élégance de ses interprétations, le Trio Fibonacci soufflera cet automne ses vingt bougies. Une longévité exceptionnelle pour le trio formé de Julie-Anne Derome au violon, Gabriel Prynn au violoncelle et Steven Massicotte au piano. D’abord spécialisé dans le répertoire contemporain, le trio est peu à peu retourné à ses inspirations premières et réjouit aujourd’hui son auditoire autour de programmes thématiques combinant des œuvres classiques, romantiques et contemporaines.

Une évolution à rebours : cartographier le présent pour mieux décrypter le passé

C’est en 1998 que Julie-Anne Derome, Gabriel Prynn et André Ristic unissent leurs forces en jetant les bases du Trio Fibonacci : « Nous avions besoin de renouveler une formation artistique qui est surtout associée au répertoire romantique, et étant tous passionnés de musique contemporaine, nous avons décidé d’unir nos forces pour former un trio », explique la violoniste. Le nom rend hommage au mathématicien italien du XIIIe siècle Leonardo Fibonacci, dont la célèbre suite, inspirée du nombre d’or, a eu une influence notable sur le monde des arts à travers le temps. À ses débuts, le trio se tourne vers un répertoire résolument contemporain et multiplie créations et collaborations. Les premiers albums nous font découvrir la musique de Jonathan Harvey, Guilherme Bauer, Harry Crowl, Denis Bosse, Gérald Barry, James Clarke ou encore Michael Finnissy.

Le trio initial. Photo : Pierre Radisic. Musiciens André Ristic, Julie-Anne Derome, Gabriel Prynn

En 2006-2007, après le départ d’André Ristic, la formation retourne à ses sources classiques : « Nous sentions un besoin d’élargir notre répertoire et nous ne voulions pas fermer la porte à notre empreinte artistique, à nos origines. », précise Julie-Anne Derome. Le trio s’enrichit tour à tour de diverses personnalités pianistiques, parmi lesquelles Wonny Song et Anna D’Errico, et redécouvre Mendelssohn, Tchaikovsky, Haydn tout en poursuivant sa mission première à l’égard du répertoire contemporain. La coda de cette valse des pianistes est incarnée par Steven Massicotte, jeune prodige fraîchement diplômé et déjà largement primé à travers le monde. Il entamera en septembre sa deuxième saison avec le trio, une saison qui s’annonce sous le signe de l’éclectisme, entre Espagne, minimalisme et transcriptions d’airs d’opéra.

Avec le pianiste Wonny Song. Photo : Caroline Bergeron

Un trio de globe-trotteurs en quête de défis

De 1998 à 2016, le trio reçoit de nombreuses invitations aux quatre coins du monde : Chine, Japon, Chili, Brésil, États-Unis, Afrique du Sud ainsi que de nombreux pays d’Europe, tout en restant actif au Québec, en collaborant notamment avec l’ECM, le Nouvel Ensemble à Cordes, la SMCQ et en résidence à la Chapelle historique du Bon-Pasteur. Pour autant, la vie du trio n’est pas seulement rythmée par les concerts. Comme le rappelle Gabriel Prynn, « l’enseignement et le mentorat des jeunes musiciens a toujours été un aspect important de notre travail individuel ». Ateliers, classes de maître, invitations d’universités permettent à ces virtuoses de partager leur savoir, leurs conseils et de transmettre aux jeunes générations de musiciens le flambeau de cette rigueur et de cette confiance qu’ils ont reçues de leurs mentors, notamment Eberhard Feltz et Michael Vogler, spécialistes des musiques germaniques à l’Académie Hanns Eisler de Berlin.

Ces dernières années, afin de concilier vie familiale et professionnelle, le trio a troqué les voyages à travers le monde pour des périples à travers le temps, utilisant sa chaîne Youtube et son blogue comme outils de vulgarisation musicologique qui permettent au public de s’imprégner de l’ambiance des concerts et de mieux comprendre le travail de recherche des musiciens. Cette nouvelle démarche leur a permis de s’adapter aux changements dans le paysage culturel québécois, mais également de se rapprocher d’un public québécois dont ils louent la chaleur, l’enthousiasme ainsi que la qualité d’écoute. Ils offriront d’ailleurs, en marge de la saison montréalaise régulière, plusieurs prestations en région, une première dont ils se réjouissent beaucoup.

Clarté, curiosité, authenticité : les ingrédients d’une réussite artistique

Le secret de la longévité du Trio Fibonacci est aussi et avant tout une question d’esthétique. En évoquant le rapport qu’entretiennent les interprètes avec les œuvres, les idées se renforcent et se complètent : « Compréhension de la structure de l’œuvre » pour Derome, « rendu de l’émotion et de l’intention » pour Massicotte, « conversation où se démarque la texture de chaque instrument » pour Prynn. Différentes composantes qui forgent la signature musicale du trio, en partie héritée du travail de longue haleine mené sur le répertoire contemporain. En effet, la rigueur et la polyvalence que requiert l’interprétation d’œuvres contemporaines influence leur manière d’appréhender le répertoire traditionnel : les grands classiques sont radiographiés, sondés et il ressort de ces analyses des interprétations virtuoses d’une grande limpidité, juste équilibre entre rigueur et passion, sens du détail et compréhension globale. Le passé s’éclaire grâce aux lumières du présent.

À l’écoute, on est séduit par la précision rythmique et le relief créé par les accents et intonations qui donnent de l’éclat et de l’élégance aux œuvres. Émotion et sensibilité sont invoquées d’une manière personnelle tout au long du processus qui va de la compréhension à la prestation. Les musiciens tirent admirablement profit de l’écriture soliste tout en faisant preuve d’une grande écoute et observation lors des performances où la vitalité des œuvres se révèle tant aux oreilles qu’aux yeux. À travers chaque œuvre, ils cherchent à comprendre les intentions profondes du compositeur, à les mettre en relation avec le contexte culturel de l’époque pour en saisir l’essence et pouvoir alors se l’approprier. C’est ainsi qu’ils se laissent davantage de latitude dans le Trio op. 8 de Chopin, sachant la nature improvisée de la musique du Polonais, une liberté qui ne s’exprimera pas de la même façon pour les trios de Beethoven, beaucoup plus précis dans ses indications. Au fil du temps, les cordes et leurs partenaires au piano ont appris à « respirer ensemble » pour atteindre cette maturité qui leur a valu les éloges des plus grands journaux à travers le monde, du Times au Frankfurter Allgemeine.

Quelle suite pour Fibonacci ?

Pour cet anniversaire, le Trio Fibonacci réserve un cadeau musical à ses abonnés et arrosera comme il se doit ce passage symbolique en marge du premier concert de sa saison. Conscients de l’accomplissement que représentent ces vingt années, les musiciens sont néanmoins toujours en quête de nouvelles découvertes et de défis exaltants pour surprendre et captiver le cœur du public. On leur souhaite de pouvoir respirer ensemble encore longtemps, pour notre plus grand bonheur et celui de la scène musicale québécoise. Longue vie au Trio Fibonacci !

_____

L’ouverture de saison du Trio Fibonacci aura lieu le 23 septembre à la Salle Bourgie. Site officiel : www.triofibonacci.com. Blog : www.triofibonacci.wordpress.com.

This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)

Partager:

A propos de l'auteur

Benjamin Goron est écrivain, musicologue et critique musical. Titulaire d’un baccalauréat en littérature et d’une maîtrise en musicologie de l’Université Paris-Sorbonne, il a collaboré à plusieurs périodiques et radios en tant que chercheur et critique musical (L’Éducation musicale, Camuz, Radio Ville-Marie, SortiesJazzNights, L'Opéra). Depuis août 2018, il est rédacteur adjoint de La Scena Musicale. Pianiste et trompettiste de formation, il allie musique et littérature dans une double mission de créateur et de passeur de mémoire.

Les commentaires sont fermés.