Merci Madame – Concert hommage à la mémoire de Jacqueline Desmarais

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Requiem aeternam… Des gerbes de fleurs colorées traversent la scène de la Maison Symphonique en ce mardi 16 octobre. Un peu plus haut, un grand écran dresse une rétrospective en images de la vie bien remplie de Jacqueline Desmarais, que l’on avait coutume d’appeler Madame. Le public est venu du monde entier : famille, amis, proches ont voulu saluer une dernière fois celle qui a répandu la joie et la lumière autour d’elle, des décennies durant.

Dies irae, dies illa… Très émue, ce n’est pas la souffrance mais la solitude qu’évoque Sophie Desmarais : « Elle sera présente à travers tant de souvenirs et de moments inoubliables. […] Aujourd’hui, je ressens une profonde solitude et je sais que rien ne pourra la combler. » Le violoncelliste Stéphane Tétreault entonne alors une Méditation de Thaïs d’une infinie douceur, véritable oraison musicale aux lignes éthérées, accompagné de l’Orchestre Métropolitain dirigé par maestro Nézet-Séguin. Après un moment de recueillement, les deux frères André et Paul s’expriment tour à tour. André se rappelle le « sourire contagieux et enivrant » de sa mère avant d’évoquer son travail de longue haleine : « Toute sa vie était comme une partition, et son cœur d’artiste ne la trompait jamais. » Les deux frères glissent quelques anecdotes joviales, des répliques incisives de Jackie au fameux sandwich au baloney. Paul se rappelle la dernière journée de sa mère, qui levait les bras avec une grande énergie en s’exclamant : « Mon corps ne veut plus suivre ! », avant de rappeler l’amour inconditionnel et le soutien indéfectible qu’elle a apportés à ses enfants et au milieu artistique : « Elle nous a toujours motivés à nous surpasser. Ne pas progresser était impensable pour elle. […] Son legs est ici ce soir, dans tous ces artistes et musiciens qu’elle a poussés à être les meilleurs. »

Le violoncelliste Stéphane Tétreault et maestro Nézet-Séguin. Photo : EricCarriere.ca

Liber scriptus… Le livre de la vie de Jacqueline Desmarais contient bien des chapitres. Au nom de tous les artistes qui ont grandi auprès d’elle, Yannick Nézet-Séguin s’est exprimé à son tour : « Pour commémorer Madame, rien de plus à propos que le Requiem de Verdi, œuvre qui a accompagné de grands moments que Madame et moi avons partagés, à Philadelphie, Carnegie Hall ou Montréal. […] Je m’engage de tout mon cœur à offrir de la musique au plus de gens possibles. La musique a le pouvoir d’arrêter le temps pour permettre de savourer la vie. »

Recordare… Le souvenir de Jacqueline Desmarais sera à jamais rattaché à cette exécution pleine d’émotion du Requiem de Verdi, avec des artistes qu’elle a pris sous son aile ou qu’elle affectionnait particulièrement : maestro Nézet-Séguin, le violoncelliste Stéphane Tétreault ainsi que les chanteurs Angela Meade, Ekaterina Gubanova, Matthew Polenzani et Sir Bryn Terfel.

Lacrymosa… Madame a sans aucun doute fait verser plus de larmes de joie que de tristesse durant sa vie. Les enfants se rappellent le grand amour qui unissait Paul et Jacqueline, et l’inextinguible énergie que leur mère irradiait autour d’elle. Elle a certes soutenu nombre d’institutions culturelles, de l’Opéra de Montréal à l’Orchestre Symphonique de Montréal, de l’Orchestre Métropolitain au Metropolitan Opera, du Domaine Forget au Concours musical international de Montréal, pour n’en citer que quelques uns, mais elle a aussi été un mentor pour de nombreux artistes, les guidant dans leur quête d’excellence ; ce que le public a pu constater tout au long de cet hommage musical.

Maestro Nézet-Séguin et les solistes Angela Meade, Ekaterina Gubanova, Matthew Polenzani et Sir Bryn Terfel.
Photo : EricCarriere.ca

Lux aeterna… Pendant une heure et demie, le chef guide sans partition solistes, orchestre et chœur dans un requiem d’une intensité dramatique à son comble, avec une ferveur et une solennité palpables. Hommage puissant, vibrant et exaltant, à l’image de la vie de Madame, qui s’achève dans un Libera me diaphane et séraphique. « Ils sont là ce soir, se tenant main par la main, portant leurs plus belles ailes, et je suis sûre qu’ils sont toujours aussi heureux et amoureux. » Sophie a vu juste, et à n’en pas douter, les deux anges, ses parents, ont pu se délecter d’un dernier concert de prestige en compagnie de leurs proches.

La dernière note s’éteint, laissant place à un long silence… Dans les cieux de cette Maison Symphonique, une constellation reste muette. Endeuillé, le Grand Orgue Pierre-Béique veille, colosse de bois et de métal, l’un des témoins vivants du legs immense de Jackie pour sa communauté, son pays et pour l’humanité tout entière. Au nom de toute la communauté artistique, merci Madame Desmarais.

Photo : La Presse

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A propos de l'auteur

Benjamin Goron est écrivain, musicologue et critique musical. Titulaire d’un baccalauréat en littérature et d’une maîtrise en musicologie de l’Université Paris-Sorbonne, il a collaboré à plusieurs périodiques et radios en tant que chercheur et critique musical (L’Éducation musicale, Camuz, Radio Ville-Marie, SortiesJazzNights, L'Opéra). Depuis août 2018, il est rédacteur adjoint de La Scena Musicale. Pianiste et trompettiste de formation, il allie musique et littérature dans une double mission de créateur et de passeur de mémoire.

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