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Alors que le monde entier fait résonner la musique de Leonard Bernstein (1918-1990) pour commémorer le centenaire de sa naissance, le Québec n’est pas en reste et la quasi-totalité de nos ensembles symphoniques a intégré la musique du compositeur américain dans le programme de saison. Kent Nagano, qui a étudié avec Bernstein entre 1984 et 1989, a réalisé cette année un enregistrement historique de la version de chambre de l’opéra A Quiet Place. L’Orchestre Métropolitain présentera en juin 2019 sa Première Symphonie, tandis que l’Orchestre symphonique de Longueuil joue ces jours-ci des extraits de West Side Story sous la baguette de Nicolas Ellis. Enfin, l’Orchestre symphonique de Laval et Alain Trudel présenteront le 7 novembre prochain un programme éclectique autour du compositeur, mêlant musique de ballet, comédie musicale et œuvres symphoniques, sur lequel cet article va s’attarder. L’étonnante polyvalence du compositeur américain est sans doute la marque la plus profonde qu’il laissera aux générations futures. À la fois grand pédagogue, chef reconnu mondialement et compositeur éclectique, son legs pour la musique du XXe siècle, dont nous commençons seulement à tirer profit, est d’une immense richesse.
Un pédagogue pour chaque orchestre
Bernstein a été un pédagogue hors pair, utilisant notamment la télévision comme outil de diffusion massive du savoir. À travers de nombreuses émissions comme Omnibus, Lincoln Presents, Ford Presents ou encore Young People’s Concerts, Bernstein a guidé de jeunes chefs dans leur apprentissage, vulgarisé avec intelligence l’univers de la musique symphonique et présenté des dizaines de concerts avec les orchestres les plus prestigieux, contribuant à façonner des générations de mélomanes et de musiciens avertis. Sa culture et sa facilité à la communiquer ont fait de lui une véritable icône des années 1950 et 1960. Son précieux savoir lui survit à travers une véritable bibliothèque de vidéos, un outil précieux pour la grande communauté des passionnés de musique.
Alain Trudel, aux rênes de l’OSL, a compris l’importance de communiquer la passion et le savoir musical à une large communauté, sans lésiner sur la qualité et dès le plus jeune âge. Ainsi, l’initiative Bébé Musique permet aux enfants de moins de quatre ans et à leurs parents d’entendre des œuvres symphoniques complètes en direct. Des concerts sont également présentés aux élèves du primaire et du secondaire ou encore dans des CHSLD. « La culture musicale doit être accessible dans le sens où la communauté, en particulier les jeunes, doit avoir accès aux salles de concert. Le contenu, lui, ne doit pas changer. » Alain Trudel est convaincu de la nécessité de garder un standard de haut niveau, peu importe le contexte : « Il ne faut pas abaisser notre niveau de jeu ou la qualité du répertoire. Nous mettons la même intensité à jouer des symphonies de Mahler qu’à présenter des programmes pour un jeune public. » De même, dans cette mission de diffusion du savoir, Trudel programme un compositeur canadien dans chacun de ses concerts. Ainsi, pour pallier l’absence d’un compositeur en résidence cette année, l’OSL a commandé plusieurs œuvres et interprétera des pièces de Jan Järvlepp, Petros Shoujounian, François Dompierre ou encore Nicole Lizée.
Un kaléidoscope d’influences
« Je ne voulais pas montrer une facette ou une autre, je voulais présenter un Bernstein éclectique », précise Alain Trudel à propos du concert à venir. Cet éclectisme n’est pas forcé, mais inhérent à la nature de Bernstein. Fils d’immigrants juifs de Russie, il grandit en baignant dans la culture juive, le jazz, le théâtre et la musique classique. Il fait partie de cette lignée de compositeurs américains aux multiples influences qui n’ont pas renoncé à la tonalité, parmi lesquels on peut citer Charles Ives, George Gershwin et Aaron Copland. L’année 1944 est particulièrement marquante en ce sens, année charnière qui voit la carrière de Bernstein décoller. En janvier, il conduit à Pittsburgh sa Première Symphonie « Jeremiah ». En avril a eu lieu à la Metropolitan Opera House la première du ballet du chorégraphe Jerome Robbins Fancy Free, dont il signe la musique. En décembre, la comédie musicale On The Town, adaptation du précédent ballet, est jouée à Broadway. La musique de Bernstein résonne autant dans les salles de concert ou d’opéra que dans les théâtres et music-halls. Son écriture est un véritable kaléidoscope d’influences où l’on décèle Copland, Stravinski, Hindemith, le vocabulaire jazz et les rythmes latins, les métriques changeantes et la bitonalité.
C’est cet éclectisme que présentera Alain Trudel. Au programme, on retrouvera trois épisodes de danses d’On The Town et leur langage jazz très imagé ainsi que des extraits de West Side Story, entre ambiance urbaine dissonante, rythmes latins et mélodies lyriques. Pour faire contrepoids à cette musique à programme, l’OSL jouera la magnifique Sérénade pour violon solo, cordes, harpe et percussions avec le violoniste québécois Martin Chalifour, violon solo de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles. Cette œuvre créée en 1954 à Venise avec le soliste Isaac Stern, commande de la Fondation Koussevitzky, est empreinte d’un lyrisme tantôt impétueux, tantôt éthéré. Le programme sera complété par Billy the Kid d’Aaron Copland, ami et grande influence de Bernstein, ainsi que par Deux Préludes de François Dompierre, peut-être le plus éclectique de nos compositeurs. On souhaite à Alain Trudel de faire voler son orchestre sur le dos d’un papillon jusqu’aux plus beaux sommets symphoniques, pour paraphraser Green Garden de Laura Mvula, une artiste qui figure sur la liste de lecture du chef d’orchestre. Bon concert !
L’Orchestre symphonique de Laval, sous la direction d’Alain Trudel, présente le 7 novembre prochain Bernstein Bébé Musique à 13 h 30 suivi de Bernstein Les Grands Concerts à 19 h 30 à la salle André-Mathieu de Laval. www.osl.qc.ca
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