La série des Concerts intimes du Studio de musique ancienne de Montréal se poursuivait hier à la Chapelle historique du Bon-Pasteur avec l’ensemble vocal féminin Scholastica. En prélude au concert, le directeur du SMAM Andrew McAnerney a remercié le public pour son indéfectible soutien, et a annoncé une nomination aux Prix Opus 2019 pour le concert À la cour de Bourgogne, dans la catégorie Musiques médiévale, de la Renaissance, baroque.
L’Ensemble Scholastica a le don de nous emmener dans des contrées toujours inattendues pour nous permettre de découvrir des pans méconnus du répertoire vocal ancien. Noël approche ? Soit, alors au milieu des chants inspirés de religiosité et adaptés à toutes les sauces, lyrique, jazz ou chorale, il est temps pour l’ensemble et sa directrice artistique Rebecca Baïn de nous rappeler que carol n’a pas toujours rimé avec Nowell.
Les anciens carols, apparus bien avant l’avènement du christianisme, se sont adaptés aux changements historiques et géopolitiques et ont su se réinventer et se perpétrer, grâce à la tradition orale, jusqu’aux XVe et XVIe siècles, période choisie par l’ensemble pour ce concert. D’une part, c’est de cette époque que nous conservons les premières traces écrites de ces chants, et d’autre part, le genre subit alors de nombreuses transformations découlant de la naissance de la nation anglaise et du passage à l’anglicanisme.
Ces chants ne sont alors pas rattachés exclusivement à la tradition religieuse comme c’est le cas aujourd’hui. Ils sont chantés par tous, hommes et femmes, amateurs et professionnels, ecclésiastiques ou non, et le mélange d’anglais et de latin permet au plus grand nombre de les comprendre. Au cours de la soirée, les cinq chanteuses Rebecca Baïn, Elizabeth Ekholm, Cynthia Gates, Josée Lalonde et Angèle Trudeau nous ont fait voyager à travers l’histoire, de la victoire anglaise à la bataille d’Azincourt en 1415 au martyre de saint Thomas Becket, mettant ensuite en scène Marie et Joseph dans des portraits très humains, pour arriver à des messages de joie (Nowell Nowell) et de sagesse (Abide, I hope it be the best). En replaçant chaque œuvre dans son contexte et en ayant fait l’effort de traduire les textes, aidé en cela par Yves Saint-Amant, l’ensemble Scholastica nous a permis d’en apprécier davantage la teneur musicale.
L’écriture vocale des pièces, en général de 3 à 5 voix, est limpide, accessible et agréable, et les cinq chanteuses mènent les discours avec beaucoup de complicité et de convivialité. Les voix dialoguent, se mêlent ou se répondent, et révèlent le caractère dynamique, fraternel et communicatif de ce répertoire. De temps à autres, la vièle ou la harpe gothique, à l’accord parfois capricieux, viennent ajouter un grain de douceur aux timbres vocaux. Les trois dernières pièces, qui annoncent le retour au temps de Noël et un appel à la patience et à la sagesse, sont magnifiquement interprétées. On sent dans les inflexions des voix le caractère dansant et festif de ce répertoire, et il suffit de fermer les yeux pour imaginer quelque danse de village accompagnant l’arrivée de Nowell.
Dans le cadre intime et apaisant de la Chapelle historique du Bon-Pasteur, l’ensemble Scholastica et le Studio de musique ancienne de Montréal nous ont invité à apprécier le temps des fêtes sous une forme raffinée, entraînante et conviviale ; qui sait, peut-être pourra-t-on voir l’an prochain la danse s’inviter au concert, rappelant ainsi la nature première, festive et cérémonielle, de ces carols dont les messages sont bien plus diversifiés que celui qui nous est communément resté.