Le Lady’s Morning Musical Club a invité hier le pianiste Marc-André Hamelin à la salle Pollack de la Schulich School of Music pour un récital de près de deux heures autour d’un répertoire majoritairement romantique.
Dès les premières notes, le ton est donné : les accords graves, dramatiques de la Chaconne en ré mineur de Busoni d’après la Partita pour violon seul no 2 de Bach, contrastent avec les conduites mélodiques délicates. La pièce, véritable tour de force dramatique, se termine par une série d’accords profonds et caverneux laissant place à la Fantaisie op. 10 de Schumann. Cette lamentation passionnée pour Clara, dont le compositeur était momentanément éloigné, est transmise avec une grande limpidité par Hamelin. Le thème de l’éloignement et le motif conclusif qui l’accompagne prennent une dimension nouvelle à chaque apparition : interrogation à l’univers, souhait profond ou résignation, révélant le bouleversement d’émotions que cette musique renferme. L’interprétation d’Hamelin aurait eu de quoi faire infléchir l’intraitable père Wieck.
Après une pause de rigueur, Hamelin fait une incursion dans le début du XXe siècle pour nous plonger dans l’univers aquatique de Debussy avec la première série des Images. Il est ravissant dans les pianissimos, d’une ondoyante sérénité au fil des trois mouvements. Le concert se poursuit avec la Polonaise-Fantaisie ainsi que le Quatrième Scherzo de Chopin, tout en nuances et en sensibilité.
Le jeu de Marc-André Hamelin se démarque par une grande sérénité, une absence de manières et un toucher d’une grande subtilité, apportant du relief au texte musical pour en révéler les moindres détails. Ce concert met en lumière le contraste entre des mélodies jouées avec finesse et sensibilité, et des pièces ou passages puissants, intenses, virtuoses. Un contraste qui apparaît lors des rappels : après un Schubert poétique et chantant, Hamelin a lancé à toute vapeur sa Toccate sur « L’homme armé », qu’il a composée en 2016 pour le Concours international de piano Van-Cliburn. Le motif de la célèbre chanson de la Renaissance est happé par un flot de lignes virtuoses requérant une technique irréprochable.
À travers près de deux heures d’un récital ambitieux, Marc-André Hamelin a ravi l’auditoire de la Salle Pollack de l’Université McGill. Sans faste ni spectacle, sans empressement, Hamelin prend le temps de révéler les subtilités d’un répertoire résolument romantique qu’il incarne pleinement, avec un certain effacement, laissant ainsi la musique elle-même nous guider dans ce voyage d’émotions d’une grâce et d’une intensité sans égal. Chapeau bas, Monsieur Hamelin.
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Plus d’informations sur Marc-André Hamelin avec l’excellent article de Kristine Berey pour La Scena Musicale
Prochain concert du LMMC : 21 octobre 2018 à 15h30 – Le Belcea Quartet joue Mozart, Janáček et Beethoven.