Notez le 11 avril à votre calendrier. Cette date indique le retour du Ladies’ Morning Musical Club à la salle Pollack après des mois d’annulations et de reports imposés par le gouvernement.
Le concert est également la première prestation publique du violoncelliste Matt Haimovitz depuis plus d’un an, du moins à l’intérieur.
« L’été dernier, j’ai joué dans un jardin privé, a avoué à partir de sa maison à Montréal le professeur de l’Université McGill nommé aux Grammy. Deux jardins, en fait. »
Sa dernière prestation officielle a été une célébration de Bach au Troy Savings Bank Music Hall à Troy, New York, le 7 mars 2020.
« Déjà, à ce concert, j’étais assez prudent, se rappelle Haimovitz. On était surpris que je ne serre la main à personne. »
Cependant, les restrictions ne seront pas relâchées au concert du LMMC. Les règles de distanciation restent en place. Un maximum de 150 personnes peuvent assister au spectacle dans la salle Pollack, à peu près 450 spectateurs de moins que n’en attirent les Ladies pendant un dimanche habituel.
Il est certain qu’on jouera à guichets fermés, comme le veut l’expression. Il ne restera aucun billet en vente.
Comprenant quatre œuvres totalisant près d’une heure, le programme inclut Meagan Milatz au piano. En premier, les 12 variations de Beethoven de See the conqu’ring hero comes, une mélodie entraînante de l’oratorio Judas Maccabaeus de Haendel. Le jeune Beethoven a peut-être joué ce morceau pendant une tournée en 1796 qui incluait un passage à Berlin.
Vient ensuite la sonate opus 102 no 1 de 1815 du même compositeur. « Je vois les sonates opus 102 (il y en a deux) comme une fenêtre sur le style tardif, affirme Haimovitz. Beethoven sort d’une crise créative et personnelle. Il révise Fidelio. C’est une période fascinante. »
Le violoncelliste rapproche le style tardif de Beethoven, très organique et cyclique, des commencements du modernisme. Cette relation crée un lien avec les sonates pour violoncelle de Debussy (1915) et de Poulenc (1948). Le premier de ces compositeurs écrit de façon plus idiomatique pour le violoncelle. À propos de Poulenc, Haimovitz dit : « Il est véritablement un pianiste. »
Chaque fois qu’Haimovitz revient à la sonate de Poulenc, il trouve les doigtés et suggestions de Pierre Fournier (1906-1986), son dédicataire, plus fascinants. Il est important de noter que ce violoncelliste français a joué au LMMC en 1948 et 1949, à l’époque où la société présentait vraiment des concerts le matin, au Ritz. Fournier a apporté la sonate de Debussy et l’opus 102 no 1 de Beethoven à Montréal, mais n’a pas joué Poulenc, tout juste sorti des presses.
Bien que ce concert représente son retour aux spectacles devant publics, Haimovitz est resté actif durant la pandémie. Ses tâches d’enseignement à McGill l’ont gardé occupé. En ligne aussi.
« Je dois dire que la technologie et ce qu’on a réussi à accomplir m’ont conquis, affirme-t-il à propos de la nouvelle réalité pédagogique. Plusieurs de mes étudiants de McGill sont en Chine, en Israël, aux États-Unis, partout. Nous avons des cours de studio en ligne. Je jongle avec des fuseaux horaires, mais à part cela, tout fonctionne extrêmement bien. »
En tant que défenseur insatiable de façons novatrices de jouer, Haimovitz a utilisé ce qui aurait pu être du temps de repos pour poursuivre le projet Primavera, une entreprise audio-vidéo qui impliquera éventuellement 81 compositeurs, dont des célébrités comme Philip Glass, Missy Mazzoli et Nico Muhly. On a demandé à chacun de répondre musicalement au tableau La Primavera de Botticelli et à une mise à jour de 2020 de ce chef-d’œuvre par l’artiste conceptuelle germano-américaine Charline von Heyl.
« Chaque jour, je reçois ces nouvelles œuvres de compositeurs incroyables, affirme Haimovitz. Cette activité me garde occupé, à travailler les œuvres, à communiquer avec les compositeurs, à partager la musique avec Charline. »
La sortie virtuelle de la première partie devrait avoir lieu en juin. « Nous avons créé six vidéos avec une ambiance de performance , dit Haimovitz, le tout à l’extérieur à cause de la COVID. » Des concerts en direct sont aussi au programme. Passer à travers la totalité des 81 compositeurs pourrait prendre du temps; quarante ont été mandatés jusqu’à maintenant.
Haimovitz est un habitué de l’enregistrement. Il a réalisé des enregistrements de toutes les œuvres au programme des Ladies pour sa maison de disque Pentatone Oxingale avec les pianistes Christopher O’Riley (Beethoven) et Mari Kodama (Debussy et Poulenc).
Il y a quelques semaines, il a vécu une distraction intéressante sous la forme d’une nomination pour un Grammy dans la catégorie Best Classical Compendium. L’album, Fire and Blood, est une collection d’œuvres chorales de Luna Pearl Woolf interprétées par le chœur de Trinity Wall Street mené par un ancien professeur de McGill, Julian Wachner.
Woolf, comme vous le savez, est l’épouse de Haimovitz. Personne ne s’est disputé pour savoir quoi regarder à la télévision ce soir-là..
Pour le meilleur ou pour le pire, le prix a été remporté par un enregistrement de l’Orchestre symphonique de San Francisco d’œuvres de Michael Tilson Thomas.
« J’ai été celui qui a été nommé pour un Grammy parce qu’il s’agit d’artistes et de producteurs, explique Haimovitz. Mais c’était véritablement l’album de Luna. Nous avons célébré par Zoom. Victoire ou échec, nous avons tous porté un toast. »
Les abonnés de LMMC ont eux aussi une raison de célébrer : le programme du deuxième concert de la saison, le 2 mai. James Ehnes remplace son violon par un alto et collabore avec le Nouveau Quatuor Orford pour jouer le Quintette à cordes opus 29 de Beethoven. Le pianiste Charles Richard-Hamelin les rejoint ensuite (incluant Ehnes au violon) pour interpréter le concert opus 21 de Chausson.
C’est ce que l’on appelle dans le milieu une distribution de luxe. À guichet fermé, avec raison.
Traduction par Stefania Neagu