Gino Quilico : nouveaux rôles et nouveaux horizons

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Après une carrière qui l’a mené dans tous les grands opéras du monde et qui l’a placé aux côtés de Mirella Freni et de Luciano Pavarotti, le baryton canadien Gino Quilico se lance de nouveaux défis. « Cette année, je célèbre ma 41e année de carrière en chantant Méphistophélès », déclare-t-il en riant.

 Il a d’abord résisté à l’invitation du pianiste Dominic Boulianne, directeur artistique de la Société d’art lyrique du Royaume de Chicoutimi. L’émissaire diabolique du Faust de Gounod est, bien sûr, une basse. Puis Quilico a regardé la partition.

Il a vite constaté que le registre de la partition n’est pas aussi grave qu’il le pensait et qu’elle est essentiellement lyrique. Le principal défi est sa longueur.

« Il y a les notes basses fortuites, qui ne sont pas présentes dans mon répertoire habituel, dit Quilico. C’est pourquoi, dans le passé, j’ai toujours chanté Valentin, mais étrangement, ces deux rôles ont la même tessiture. »

« J’ai une partition qui a des notes facultatives, donc je peux prendre une note plus élevée si je décide de le faire. Mais en fin de compte je n’en ai pas besoin. J’ai travaillé sur mes notes graves et elles sont là. Il y a juste une note qui est très, très basse. »

Quilico le démontre en chantant un grave.

« J’ai toujours été capable de le faire », assure-t-il.

 L’endurance est le problème principal. « Méphistophélès est dans l’opéra du début à la fin, explique Quilico. Je me prépare à chanter toute la soirée. Ça va être difficile parce que nous jouons trois soirs consécutifs.

L’autre défi est de jouer. « Méphistophélès est un diable heureux, l’amuseur diabolique, il est le diable dont les gens disent : “Oh, quel gentil garçon.” Il n’est pas Lucifer ou cruel, il rend tout le monde heureux, alors je dois le rendre adorable, mais au fond très diabolique. »

Mélange de styles 

Au début des années 2000, cet artiste polyvalent explore le monde des comédies musicales, remportant un grand succès dans Starmania, Notre-Dame de Paris et Les Misérables. Quilico a également sorti plusieurs albums aux styles mélangés et produit ses propres spectacles : Serata d’Amor, un concert biographique dans lequel il raconte des anecdotes de sa carrière d’opéra et ses interactions avec des chanteurs légendaires; Nostalgie, couvrant les succès francophones classiques; Gino et ses Divas, avec Natalie Choquette, un spectacle au flair humoristique; et, récemment, Les grandes voix du Canada, qui présente des voix légendaires canadiennes dans des airs sélectionnés. Ce spectacle adopte une approche pédagogique et s’adresse à la fois aux connaisseurs et à ceux qui recherchent une introduction au monde de l’opéra.

Quilico est éloquent sur le sujet de la musique populaire interprétée par un chanteur classique.

« Quand j’ai commencé dans le crossover il y a environ 10 ans, la plus grande leçon que j’ai dû apprendre était de ne pas faire exploser le micro, dit-il en riant. Puisque les chanteurs d’opéra ont beaucoup de puissance, j’ai dû apprendre à placer le micro près de ma bouche et à me concentrer davantage sur le texte et l’interprétation. Et quand je chante une note haute, j’ai appris à m’éloigner du micro. »

 L’amplification a ses avantages. « Avoir un micro m’a permis de mettre en valeur mon falsetto, par exemple. Un microphone est à utiliser comme un instrument. J’ai le luxe de ne pas avoir à projeter, donc je peux me concentrer sur les nuances subtiles de la voix. »

Amplification à l’opéra

Au cours des dernières années, de plus en plus de compagnies ont adopté l’utilisation de microphones pour « améliorer » l’acoustique des grandes salles qui ne sont pas nécessairement construites pour l’opéra. « Il y a déjà des compagnies comme l’Opéra de Montréal qui utilisent des scènes qui n’ont pas été conçues pour l’opéra. Il est logique dans ces types d’endroits d’utiliser des rehaussements. Cependant, ce sera un concept difficile à vendre à de grandes maisons traditionnelles telles que le Metropolitan ou San Francisco. »

Quilico réfléchit également à notre société moderne qui est habituée à un volume sonore élevé et aux bruits forts. Les Trois Ténors (Domingo, Carreras et Pavarotti) donnent l’exemple de l’utilisation de microphones pour la voix d’opéra. « Nous voyons des chanteurs d’opéra faire des concerts dans de grandes salles avec des micros, comme les trois ténors. » 

« Actuellement, certains disent d’Andrea Bocelli qu’il est un chanteur d’opéra. Mais retirez-lui son micro et je vous dis que vous ne l’entendrez plus. »

Mise en scène

L’an dernier, Quillico a fait ses débuts en tant que metteur en scène dans une production de Carmen qui a clôturé le Festival de Música de Santa Catarina au Brésil avec la chef d’orchestre Catherine Larsen-Maguire. En janvier, il revient à l’ambitieux festival de musique classique de 14 jours pour présenter La Bohème, toujours avec Larsen-Maguire.

« J’approche l’œuvre dans la période 1930-1940, explique-t-il. Je ne réinvente rien, je ne prétends pas être un metteur en scène qui trouve de nouveaux concepts grandioses, mais j’aime travailler avec des chanteurs. C’est mon objectif principal. Je comprends bien les besoins des chanteurs. Je peux presque chanter tous les rôles, même Mimi ! »

Pertinence de l’opéra 

Quilico est optimiste quant à l’avenir de l’opéra, malgré ses hauts et ses bas. « Très souvent, mes enfants disent : “Salut papa, viens écouter cette chanson.” Je leur dis : “Désolé, les enfants, mais cette chanson date de mon époque, elle a juste été remaniée.” »

 Il poursuit : « Nous revenons toujours à la tradition, et l’opéra est une tradition. Les jeunes veulent entendre de la musique bruyante et funky, puis à un moment dans la quarantaine, ils cherchent autre chose. Ils découvrent l’opéra […] Tout le monde veut faire de l’opéra. J’ai fait une production d’Otello dont les costumes ont été conçus par Armani. Pourquoi Armani fait-il des costumes pour un opéra ? Ce n’est vraiment pas un endroit pour gagner de l’argent, laissez-moi vous le dire […] Mais les grands génies de la mode et du cinéma sont souvent intéressés par l’opéra parce qu’il combine toutes les disciplines artistiques. C’est prestigieux de concevoir les costumes d’un opéra. C’est prestigieux, réel, historique et ça combine toutes les formes d’art. »

La Société d’art lyrique du Royaume (SALR) présente Faust, de Charles Gounod, du 16 au 18 février au Théâtre Banque Nationale du Saguenay. www.salr.ca

Traduit par Mélissa Brien

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