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Une version de cet article écrit par Isabelle Picard a été publiée en 2005.
Il y a 42 ans, Claire Guimond revenait de Hollande où elle étudiait la flûte baroque avec Barthold Kuijken. Le claveciniste Hank Knox, quant à lui, revenait de Paris où il avait étudié avec Kenneth Gilbert. Animés par le désir de faire de la musique ancienne, ils fondent avec la violoniste Chantal Rémillard et la gambiste Betsy MacMillan un groupe qu’ils baptisent Arion. Aujourd’hui, Arion est un orchestre baroque à la réputation enviable; il se produit sous la baguette des plus grands (notamment Monica Huggett, Jaap ter Linden, Daniel Cuiller, Barthold Kuijken et Hervé Niquet), compte une discographie de 22 titres et a effectué des tournées au Canada, aux États-Unis, au Mexique et en Europe. Que de chemin parcouru depuis la fondation en 1981 !
Interpréter la musique ancienne aujourd’hui
À l’époque, le paysage musical montréalais était passablement différent. En musique ancienne, nous étions loin de l’effervescence actuelle. Il y avait l’Ensemble Claude-Gervaise, le Studio de musique ancienne de Montréal, fondé par Christopher Jackson en 1974, et c’est à peu près tout. Par contre, le mouvement était déjà bien enclenché en Europe et les discussions allaient bon train sur la question de l’authenticité. Instruments anciens ou modernes ? Comment être fidèle à la partition ?
« Le plaisir pour nous, le défi, c’est de se rapprocher du génie créateur des compositeurs de l’époque, d’essayer d’éliminer les 200 ou 300 ans qui nous séparent. », explique Claire Guimond. Elle fait la comparaison avec la restauration de tableaux : « Lorsqu’on a restauré les fresques de la chapelle Sixtine, on s’est dit : “Que c’est vif ! Que c’est vibrant !” C’est un peu notre approche par rapport à l’authenticité : donner une version qui rapproche l’auditeur du compositeur. La musique devient alors d’aujourd’hui, avec, bien sûr, une esthétique d’il y a quelques centaines d’années. Cela fait partie de notre métier de musicien d’aller aux sources et de ne pas tenir pour acquis ce que les générations précédentes ont transmis. Cette quête de vérité fait en sorte qu’entre l’interprétation d’il y a 25 ans et celle d’aujourd’hui, on note des différences. On a de nouvelles informations, on fait de nouvelles recherches, on a des contacts avec d’autres personnes… »
Les instruments anciens sont-ils nécessaires à cette quête de vérité ? « Je ne pense pas qu’il soit impossible de faire cette musique sur des instruments modernes, mais l’instrument lui-même nous parle, nous dit des choses. Dans le cas de la flûte baroque, par exemple, on a une flûte en bois sans clés dont chaque note a sa couleur particulière. Ce n’est pas moi qui l’invente, c’est la flûte qui la dicte. Quand le compositeur –Telemann entre autres, qui écrivait pour la flûte – composait dans une tonalité plutôt qu’une autre, il savait comment ça sonnerait sur ces instruments. Cela nous facilite beaucoup la tâche. »
Mais quand on joue un répertoire historique et qu’on fait preuve d’une certaine rigueur dans la recherche, est-il difficile d’être créatif en tant qu’interprète ? « Absolument pas ! Il faut dire qu’autrefois, les compositeurs donnaient une grande place aux interprètes. Toute une tradition d’ornementation et d’improvisation fait partie de l’esthétique de cette période. Bien sûr, il y a certaines règles à suivre, mais on peut être très créatif. Souvent, pour la basse continue, on a seulement une ligne de basse avec des chiffres qui donnent les accords, un peu comme en jazz. Le claveciniste est obligé d’improviser, dans le style et l’harmonie suggérée par le compositeur. »
Naissance d’Arion
En 1981, au Québec, les opportunités pour les interprètes de musique ancienne étaient rares et il fallait les créer soi-même. Ainsi, après un premier concert à la salle Pollack bien reçu, Claire Guimond, Hank Knox, Besty MacMillan, Chantal Rémillard et le ténor Edmund Brownless (qui fut du groupe pour environ 6 mois) se lancent dans une première tournée dans les Maritimes. Une première série de concerts à Montréal suivra, l’apprentissage se faisant sur le tas : organiser des concerts, faire de la publicité, attirer le public… Puis, année après année, le son d’Arion se confirme, comme sa place dans la vie musicale de Montréal.
Le désir d’aborder de nouveaux répertoires pousse le quatuor à s’élargir. Arion devient donc un ensemble à géométrie variable et se produit avec des musiciens invités. C’est naturellement et presque par nécessité que l’ensemble devient finalement un orchestre, il y a plus de vingt ans. « Je pense que Montréal avait besoin d’un orchestre baroque, explique la directrice artistique. Le Studio de musique ancienne s’est surtout spécialisé dans la musique pour chœur. » La place était donc libre et n’attendait que d’être occupée.
Changement et continuité
En 40 ans d’existence, des constances demeurent : d’une part la recherche de l’excellence, le souci de la perfection, la rigueur dans le travail, et d’autre part la recherche de vivacité, le souci de donner des interprétations vivantes, fraîches et personnelles. L’ensemble a conservé une certaine collégialité et fonctionne sans chef attitré. Il se produit avec des chefs invités pour chaque projet, ce qui fait qu’il s’est développé avec beaucoup de souplesse. « Les chefs travaillent avec un ensemble qui a sa personnalité, et on échange. C’est comme un incubateur de visions artistiques et d’idées musicales et c’est très nourrissant. Nous avons la chance extraordinaire de travailler avec les plus grands noms de la musique ancienne. » Chance qu’ils partagent avec le public montréalais, car il faut dire que sans Arion, les occasions de voir les Barthold Kuijken et Monica Huggett à Montréal se feraient plus rares.
L’avenir pour Arion ? D’abord ouvrir ses portes et atteindre un nouveau public. « On a plein de projets ! Ce qu’il nous faut, c’est les fonds nécessaires pour tout réaliser ! »
Claire Guimond est le Prix Opus Hommage 2021 présenté le 6 mars 2022, à 16 h. www.prixopus.com
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