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« Je me suis mise à chanter dès que j’ai pu faire des sons. Mes parents avaient l’habitude de m’appeler la “créature criarde” quand j’étais bébé. » Les sons qui émanaient de la voix de la soprano Mireille Asselin, originaire d’Ottawa, ont désormais été remplacés par un soprano clair et chaleureux capable de naviguer entre Haendel, Mozart, l’opéra contemporain et le folk.
« J’ai toujours valorisé et privilégié la polyvalence, dit-elle. C’est essentiel pour construire et maintenir une carrière en chant, surtout en Amérique du Nord où le travail d’opéra est plus espacé géographiquement, et c’est tout simplement plus intéressant ! La recherche d’une diversité de styles musicaux oblige à garder une technique souple et dynamique, ce qui est également important. Pour devenir adepte d’un nouveau style, le meilleur moyen est de l’écouter, de l’écouter et de l’écouter encore. »
Comme la plupart des artistes de scène pendant la pandémie, les activités professionnelles de la chanteuse ont été interrompues et elle a dû s’adapter et se réinventer. « En toute honnêteté, j’ai eu beaucoup de mal à maintenir une motivation artistique pendant la pandémie, déclare Mme Asselin. Mon style de création, celui qui nourrit mon âme, est collaboratif et en personne. Enregistrer sur une piste d’accompagnement seule dans mon salon ? Non, merci. Mais je suis très reconnaissante que de nombreuses compagnies aient fait l’effort d’engager des artistes pour créer du contenu à partir de chez eux, car cela a permis à beaucoup d’entre nous de continuer à travailler, pour le meilleur et pour le pire, et cela m’a rappelé à quel point je bénéficie de l’énergie et des idées des autres. »
Mireille Asselin admet que l’aspect le plus inattendu de la pandémie a été l’opportunité de concevoir des projets : « J’ai eu la chance de recevoir carte blanche et un budget de Tapestry et Renaissance Opera. J’ai pu explorer le deuil et la perte à travers le projet Rivers of Grief que j’ai codéveloppé avec le ténor Asitha Tennekoon, un processus que j’ai trouvé profondément cathartique. Et dans Our Song D’Hiver avec Tapestry Opera, j’ai pu honorer mon héritage bilingue franco-canadien en m’aventurant dans l’espace trouble entre les “solitudes” française et anglaise du Canada. »
La grande percée
Mireille Asselin a percé grâce à son interprétation d’Adèle dans Die Fledermaus de Johan Strauss, qui a reçu des critiques élogieuses : « Mireille Asselin vole la vedette dans le Fledermaus du Met », titrait le New York Classical Review. En 2015, le Metropolitan Opera lui a demandé de remplacer à 4 heures d’avis pour la représentation de la soirée d’ouverture, juste assez de temps pour faire venir ses parents en avion. « Je chantais aux côtés de vedettes comme Susan Graham et j’étais dirigée par nul autre que James Levine lui-même. Ce fut une expérience des plus plaisantes. »
« La recherche d’une diversité de styles musicaux oblige à garder une technique souple et dynamique, ce qui est également important. Pour devenir adepte d’un nouveau style, le meilleur moyen est de l’écouter, de l’écouter et de l’écouter encore. »
– Mireille Asselin
Elle précise que sa première véritable percée a eu lieu en 2008. « Le plus difficile dans la carrière d’un chanteur est de convaincre pour la première fois quelqu’un de prendre une chance et de vous engager pour un vrai spectacle parmi la multitude de jeunes étudiants enthousiastes entendus. Une fois ce premier engagement obtenu, une certaine légitimité et un élan s’installent. Mon parcours s’est donc déroulé comme suit : Kim Mattice Wanat m’a confié le rôle d’Adèle à Opera NUOVA dès la fin de mes études universitaires; ensuite, grâce au metteur en scène de ce spectacle, Michael Cavanagh, Opera Hamilton m’a engagée dans le même rôle en 2009; puis, à la COC, Alexander Neef a vu que j’avais déjà chanté Adèle et m’a engagée dans sa production de 2011; enfin, le Met m’a contactée lorsqu’il cherchait quelqu’un pour reprendre Adèle. J’ai auditionné, et je fus engagée pour la saison 2013. »
Au Met, elle a également interprété Poussette dans Manon de Massenet au cours des cinq années où elle a été la doublure dans des rôles tels que Rosina (Barbier de Séville), Jemmy (Guillaume Tell) et Valencienne (Veuve joyeuse). « Cela dit, je me suis aperçue que cette fonction m’épuisait. Il est difficile de consacrer autant de temps à la préparation d’un grand rôle sans pouvoir le partager avec le public. Je me suis rendu compte que rester sur le banc des remplaçants n’était bon ni pour mon chant ni pour mon état d’esprit. »
Bien qu’elle ait cessé de doubler pour le Met, Mireille Asselin serait ravie d’y retourner sur scène. Son conseil pour les jeunes chanteurs est de persévérer. « J’ai auditionné à six reprises pour le Met Opera avant qu’il me recrute. Deux fois en tant qu’étudiante à Yale, deux fois en tant que jeune artiste à la COC, une fois quand on m’a proposé de faire un essai pour le Lindemann Young Artist Program (le programme de formation du Met) et enfin pour le rôle d’Adèle. »
Débuts
La jeune Mireille ne cesse de chanter à la maison, mémorisant tous les airs de Disney, enregistrant des chansons sur un petit magnétophone portable. Très vite, elle rejoint une chorale et suit des cours de piano, de chant et de ballet. « J’ai eu la chance d’avoir des parents qui ont nourri mes intérêts et m’ont permis de pratiquer de nombreuses activités extrascolaires de chanteuse d’opéra en formation ! »
Elle étudie dans le programme vocal de l’École secondaire publique De La Salle à Ottawa à partir de la 10e année, avant de poursuivre sa formation à l’école Glenn Gould du Royal Conservatory of Music et au programme d’opéra de Yale pour sa maîtrise. Après ses études, elle suit des formations au Studio Ensemble de la Canadian Opera Company (2011-13), et des étés à Glimmerglass, en tant qu’artiste Filene avec Wolf Trap (É.-U.), à Opera NUOVA (Edmonton), avec le Baroque Summer Institute de Tafelmusik, en musique contemporaine à Queen of Puddings (Toronto), au programme Britten-Pears du Festival Aldeburgh, en mélodie avec Toronto Summer Music et la série Art of Song du Carnegie Hall. Elle apprend l’italien en Italie avec La Musica Lirica et l’allemand au Goethe-Institut et à Yale.
« Le plus difficile dans la carrière d’un chanteur est de convaincre pour la première fois quelqu’un de prendre une chance et de vous engager pour un vrai spectacle parmi la multitude de jeunes étudiants enthousiastes entendus. Une fois ce premier engagement obtenu, une certaine légitimité et un élan s’installent. »
– Mireille Asselin
Selon elle, il faut tout un village pour former un artiste d’opéra, et elle est reconnaissante envers ses professeurs : « Robert Fillion, à De La Salle, m’a appris la discipline et la préparation rigoureuse; Donna Sherman, au RCM, m’a forcée à sortir de ma tête et à être en harmonie avec mon corps; Monica Whicher m’a aidée à découvrir comment mettre la technique vocale au service de mes idées artistiques et m’a guidée vers le développement de ma vraie voix; David Moody, mon coach qui vit à New York, m’a aidée à revenir à moi après avoir eu l’impression de m’être perdue; Neil Semer, mon professeur actuel, me fournit des outils techniques solides pour traverser les bons et les mauvais jours. »
Mireille Asselin chantant verdai carino de Mozart de Don Giovanni au Garsington Opera en 2019
À venir
Mireille Asselin a un été bien rempli devant elle avant de pouvoir se rendre à la ferme familiale au Manitoba, puis de rentrer à Almonte avec son mari, le ténor Christopher Enns, qu’elle a rencontré lors de la production de Fledermaus à l’Opera NUOVA : un récital à Niagara-on-the-Lake le 20 juin avec le Mirror Visions Ensemble, deux spectacles le 23 juin avec Rockport Chamber Music à Rockport, MA (un cabaret et une interprétation du Shepherd on the Rock de Schubert); dans le cadre de Musique et autres mondes à Ottawa, le 4 juillet, pour chanter Haendel au concert d’ouverture et participer au spectacle Music and Magic; à l’ouverture de Toronto Summer Music, pour chanter des œuvres inspirées de chansons folkloriques de la compositrice canadienne Cecilia Livingston et du compositeur ukrainien Mikola Lysenko le 7 juillet; en récital avec le Centre musical CAMMAC le 14 août.
La saison prochaine, les mélomanes pourront l’entendre avec la NACO, la COC, l’Opéra d’Edmonton, Opera Atelier, et lors d’une tournée nord-américaine de récitals avec le Mirror Visions Ensemble.
Ses rôles de rêve ? « J’adore encore chanter les héroïnes de Haendel et de Mozart, et ma liste de souhaits comprend Cléopâtre dans Giulio Cesare, Pamina dans La Flûte enchantée, Ilia dans Idoménée et autant de Susanna (Noces de Figaro) que possible ! Je rêve aussi d’incarner Blanche dans les Dialogues des Carmélites de Poulenc, Anne Trulove dans La Carrière du libertin et peut-être même Lulu un jour… J’ai bien le droit de rêver ! »
TRADUCTION PAR MÉLISSA BRIEN
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