Critique concert | Le Hermitage Piano Trio : un ensemble puissant, intense et souple

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Alors qu’une tempête de neige silencieuse apportait à Montréal son premier paysage hivernal féérique de l’année, le Hermitage Piano Trio offrait une performance profondément ressentie, ardente, et tout simplement époustouflante lors de sa première apparition au Ladies’ Morning Musical Club.

Composé des solistes internationaux primés Misha Keylin (violon), Sergey Antonov (violoncelle) et Ilya Kazantsev (piano), le trio jouait avec la facilité d’un ensemble de musique de chambre de longue date. S’appuyant sur le prestige d’un nom légendaire, le trio a largement dépassé les attentes du public par rapport à ce que la lignée musicale, la tradition et le mythe russes incarnent dans l’imagination populaire. Ce que nous avons entendu dans une salle Pollack presque pleine dimanche dernier était une interprétation provenant du noyau le plus profond de l’âme, sincère mais puissante, ardente mais contrôlée, majestueuse sans effort, précise, généreuse, intense, mais souple et libre. Un immense privilège même pour une ville possédant une vie musicale aussi riche et florissante que Montréal.

La complicité des membres du trio était évidente dès le tout premier mouvement du beau trio postromantique op.150 d’Amy Beach. Œuvre rarement entendue et méritant plus d’attention, ses mélodies fluides, rappelant César Franck, ont été jouées par une sonorité parfaitement équilibrée par l’ensemble. Après un deuxième mouvement lyrique joué avec goût, mesure et sensibilité, la pièce s’est terminée de manière enjouée et brillante. Une excellente œuvre pour n’importe quel trio, un simple hors-d’œuvre pour le groupe russe basé à New York.

Hermitage Piano Trio (Photo par Tao Ho/Aspect Chamber Music)

Le vrai régal est venu lorsque Sergey Antonov a livré un solo ensorcelant dès le début du premier trio pour piano op. 8 de Brahms. Le thème lyrique a été joué avec une facilité somptueuse, une musicalité fervente et un timing impeccable. Expertement soutenu par M. Kazantsev au piano, Antonov a captivé les auditeurs avec sa sonorité exquise, pleine et chantante. L’un des points forts du concert en termes de brillance individuelle. L’extraordinaire habileté du pianiste, Ilya Kazantsev, s’est pleinement manifestée tout au long du Brahms : un chambriste attentif qui sait fournir le soutien nécessaire pour l’éclat de ses collègues, il démontre ses superbes qualités de soliste lorsque la musique exige plus de brillance au piano — ce qui était souvent le cas dans cette partie de piano non sans difficulté. Tout au long du Brahms, le duo a captivé le public, peut-être au détriment d’une présence plus retenue du violon.

Après l’entracte, le charmant Misha Keylin s’est adressé au public en annonçant que la représentation du trio élégiaque n.2 en ré mineur op.9 sera la dernière fois que le trio jouerait Rachmaninov sur scène pendant le 150e anniversaire de la naissance du compositeur (1873). Plongeant immédiatement dans l’atmosphère sombre du deuil du jeune compositeur envers la disparition récente de Tchaïkovski (1893), le Hermitage piano trio a livré une immense performance d’une œuvre colossale. De manière plus apparente qu’avant, les trois musiciens se sont unis pour s’adonner à une interprétation mémorable et impressionnante au centre de laquelle se tenait Ilya Kazantsev, herculéen, prodigieux. En dépit du jeu magnifique aux cordes, la partition penche naturellement vers une partie de piano imposante nécessitant la touche du plus accompli des pianistes. Doté de mains énormes et musclées, Ilya Kazantsev était une étoile dévouée et désintéressée, offrant à ses pairs et à son public une performance pleinement inspirée.

En remerciant le LMMC qui a eu le mérite d’inviter un tel groupe cette saison et dans l’espoir d’entendre cet ensemble phénoménal de nouveau dans le cadre enchanteur de Montréal pendant de nombreuses années à venir.