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La pandémie de COVID-19 remet en question le modèle traditionnel des concerts dans le monde classique. Des organisations comme l’Orchestre symphonique de Montréal, le Metropolitan Opera et le Seattle Opera ont offert au public des spectacles en migrant vers le monde numérique. Le nerf de la guerre ? Les vidéos à la demande.
Un événement en ligne à la demande est défini comme un service virtuel pour lequel les téléspectateurs doivent payer un droit pour regarder un programme exclusif. Bien qu’ils ne soient pas encore universellement populaires, les événements de paiement à la séance ont le potentiel de bien se développer. Peuvent-ils générer suffisamment de revenus pour remplacer ceux perdus en raison des annulations ?
Bien que les attentes pour la saison d’automne 2020 soient faibles, les producteurs sont toujours déterminés à se rétablir. « Au terme d’une saison brusquement interrompue, nous percevons plus concrètement le caractère essentiel de la musique dans nos vies, dit Lucien Bouchard, président du conseil d’administration de l’OSM, dans un communiqué de presse. Malgré les immenses défis qu’il nous faut relever, nous manifestons une détermination à toute épreuve dans la recherche de solutions créatives pour nous rassembler – y compris virtuellement – et faire l’expérience de l’apport de la musique. »
L’Opéra de Seattle avait des attentes assez vagues, explique Gabrielle Nomura Gainor, responsable de la communication et de l’engagement du public. « Mais nous savions que les artistes étaient excellents et qu’ils attireraient des spectateurs, et ce fut le cas », dit-elle.
En moyenne, la moitié des vidéos de la série de récitals Songs of Summer ont reçu entre 1500 et 2000 visites. Aucun don ou billet n’était nécessaire. « Le contenu virtuel gratuit est un élément important de notre stratégie de programmation pendant la COVID, car il permet de faire découvrir l’opéra à un nouveau public qui, autrement, ne tenterait peut-être pas de le découvrir en personne », explique Mme Gainor.
Pour sa saison en cours, l’Opéra de Seattle a ajouté à sa programmation musicale à la demande, en plus de contenus virtuels gratuits. « Nous avons vendu environ 6500 billets pour chaque production de notre saison 2020-21 par le biais de la vente d’abonnements, déclare Mme Gainor. Les abonnés recevront du contenu virtuel créé spécialement pour eux, dont une nouvelle mise en scène d’Elixir of Love, spécifiquement élaborée pour la diffusion en ligne. » Les abonnés recevront également des concerts vidéo d’Angela Meade et de Jamie Burton.
Selon Pascale Ouimet, responsable des relations publiques et des relations avec les médias de l’Orchestre symphonique de Montréal :
• L’OSM a publié 40 concerts en ligne, chacun recevant entre 2000 et 10 000 spectateurs virtuels.
• Le concert en ligne du 4 juin à la Maison symphonique a reçu 5000 visites.
• Sur une trentaine de vidéos de musiciens à domicile, les trois plus populaires ont été visionnées à raison de 100 000 fois chacune.
• Le clarinettiste André Moisan a reçu 11 500 visites pour ses 10 vidéos.
• L’OSM a reçu 1,4 million de visionnements pour l’ensemble des vidéos en ligne depuis le 13 mars.
« Au cours du premier mois de la pandémie, nous avons attiré deux fois plus de visiteurs qu’avant la pandémie », explique M. Ouimet à propos du public virtuel de l’orchestre.
En juillet, le Metropolitan Opera a lancé une série à la demande, Met Stars Live in Concert, qui présente douze concerts avec des stars de l’opéra comme Jonas Kaufmann, Angel Blue et Diana Damrau. « Cette nouvelle initiative vise à créer des opportunités de spectacles en direct pour nos artistes et notre public à un moment où ils en ont tous deux cruellement besoin », a déclaré Peter Gelb, directeur général du Metropolitan Opera, dans un communiqué de presse en juillet.
La série est unique en raison de ses emplacements exceptionnels. D’une ancienne abbaye en Bavière à Èze en France, en passant par un château à Oslo, un palais à Vienne et une église au pays de Galles, la pandémie de COVID-19 n’a pas freiné la volonté du MET d’aller de l’avant. D’une durée d’environ 75 minutes et d’un coût de 20 $, le premier récital du ténor Jonas Kaufmann a attiré 44 000 spectateurs.
Les concerts en ligne ont leurs avantages. Ils peuvent être visionnés dans le confort de la maison à des prix plus bas et en compagnie d’amis et de la famille. À l’ère de la pandémie de coronavirus, le paiement à la demande est également l’un des moyens les plus accessibles pour un musicien de continuer à se produire, de gagner des adeptes et de faire découvrir la musique à ceux qui ne fréquentent pas les salles de concert traditionnelles.
Dans le passé, les concerts virtuels en direct n’étaient pas considérés comme une expérience de premier ordre pour les amateurs de musique avertis. Mais le coronavirus a entraîné une transformation du support numérique et, aujourd’hui, les événements à la demande sont devenus de plus en plus tentants comme source de revenus viable pendant la pandémie pour certains musiciens établis.
L’un des inconvénients est le faible revenu. Dans un article de FR24 News, le directeur général du London Philharmonic Orchestra, David Burke, a confié que l’orchestre reçoit environ 200 000 visionnements par jour sur son contenu en ligne, mais que les revenus sont négligeables : « Les revenus provenant de ces visionnements s’élèvent à environ 52 000 $, ce qui suffit à payer une seule répétition. »
Burke déplore que de nombreux services de diffusion en continu « ne tiennent pas compte de la longueur des enregistrements […] entre une chanson de deux minutes et un concert d’une heure, le gain étant le même ».
Le New York Philharmonic prévoit une perte de 10 millions $ de revenus après avoir annulé sa saison en mars et le Met prévoit une perte de 60 millions $. Les sommes générées par les concerts à la demande ne sont pas susceptibles de couvrir ces pertes prévues pour les deux institutions.
Cependant, la culture de la musique classique en direct a déjà résisté aux pandémies. Le journaliste du New York Times William Robin écrit que malgré la gravité de l’épidémie de grippe dite espagnole de 1918, son effet à long terme sur la musique a été limité. Novembre 1919 a vu une saison de concerts « d’une ampleur sans précédent », selon Musical America.
Les temps étaient différents en ce qui concerne la science et la sensibilisation à l’hygiène. Aujourd’hui, nous disposons de plus d’outils. Bien qu’il soit trop tôt pour se prononcer, il n’est peut-être pas exagéré de penser que l’avenir de la musique en direct sera un mélange intéressant de fréquentation en personne et de diffusion en continu de concerts en direct à la demande.
Traduction par Mélissa Brien
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