This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)
Les enregistrements de la neuvième symphonie de Ludwig van Beethoven sont innombrables. Dans le cadre de ce court article, seul est possible un survol des plus marquants.
Deux de ces enregistrements sont celui de Wilhelm Furtwängler en 1951, à la réouverture du Festival de Bayreuth après la Deuxième Guerre mondiale, et celui de 1952 d’Arturo Toscanini, alors âgé de 85 ans, dans le cadre de l’intégrale qu’il a réalisée à la fin de sa vie.
La Neuvième de Furtwängler est mystérieuse, solennelle, plus grande que nature, une cathédrale de son, marquée par des variations de tempo constantes où le chef met l’accent sur tel ou tel passage, pour en marquer la beauté expressive. Dans le troisième mouvement, la musique s’arrête presque lors d’un passage, on est au bord du silence, et le tempo qui s’arrête met les musiciens à rude épreuve, surtout les cuivres qui doivent soutenir le son presque au-delà du possible. On est devant une grande architecture, faite de moments solennels comme cette fin du premier mouvement où les cuivres et les timbales tonnent pendant que les cordes déploient leurs accords mystérieux.
Toscanini est l’exact opposé. Ici, c’est le mouvement qui compte, la poussée vers l’avant. Le grand chef ne s’arrête pas à tel ou tel passage, tout est intégré dans le mouvement. Son orchestre ne se repose pas
beaucoup, le voltage est très élevé. C’est très précis, très clair, rapide, mais pas précipité. Et surtout, cela chante. C’est l’équation impossible, que Toscanini a toujours cherchée, l’intensité maximale et le chant lyrique des sections de l’orchestre.
La version de 1957, devant public, d’Otto Klemperer à Londres est d’une beauté extraordinaire. Elle est
typique de Klemperer pour qui la beauté et l’émotion provenaient de la clarté des plans sonores, de la mise en valeur de l’interaction des instruments et des sections de l’orchestre les uns avec les autres. On entend tout, dans un tempo très mesuré. C’est lourd, mais l’interaction des instruments crée un mouvement interne. De plus, probablement à cause de la présence du public, cette version a plus de mordant que sa version studio, les timbales dans le deuxième mouvement sont presque rageuses, le rythme est plus animé.
En 1963 vint Herbert von Karajan, dans une intégrale des neuf symphonies qui encore aujourd’hui sert de référence. C’était quelques années après les débuts de la stéréo. Le son était maintenant multidimensionnel et le son de l’orchestre était différent. Il y a un allègement du son de l’orchestre chez Karajan par rapport à Furtwängler, par exemple. L’idéal de Karajan, c’est la fusion sonore, un son velouté et somptueux, produit par l’unisson parfait et des bois et des cuivres qui s’intègrent dans les cordes. Si vous recherchez les aspérités de la musique de Beethoven, vous ne les trouverez pas chez Karajan. Chez lui, l’élégance suprême règne, au détriment de l’expression selon certains.
Les instruments d’époque sont entrés en scène dans les années 1950. D’abord dans l’interprétation de la musique baroque, puis ils ont fait progressivement leur incursion dans la musique de la fin du 18e siècle et du début du 19e. Qu’est-ce que l’interprétation avec instruments d’époque a apporté ? Un orchestre aux dimensions réduites par rapport aux grands orchestres symphoniques. Des rythmes beaucoup plus vivaces et contrastés. Beaucoup moins de vibrato aux cordes. Des timbales qui sonnent comme des caisses claires. Plusieurs disaient au début que cela manquait de grandeur. Aujourd’hui, au contraire, on apprécie cette vivacité, les tempi plus rapides.
Parmi les enregistrements de la Neuvième Symphonie de Beethoven avec instruments d’époque, je crois que le plus marquant est celui de 1994 de John Eliot Gardiner avec l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique. Rien que le nom de l’orchestre indique que l’interprétation avec instruments d’époque est entrée de plain-pied dans la musique du 19e siècle. Cette interprétation offre le meilleur des deux mondes. Elle est vive, tranchante, contrastée, dramatique, avec des coups d’archet dynamiques. Mais elle est également lyrique, chantante, grandiose.
Il s’est passé ceci de remarquable que l’interprétation avec instruments d’époque a influé sur l’interprétation avec instruments modernes. Aujourd’hui, l’interprétation symphonique beethovénienne est plus légère, plus rapide, plus animée. On le voit chez des chefs comme Charles Mackerras, dont l’enregistrement de la Neuvième en 1991 avec le Royal Liverpool Philharmonic Orchestra a marqué la période. C’est très vif, plein d’imagination, très rythmé. On le voit aussi chez Kent Nagano, dont le Beethoven est rapide et lumineux et qui a signé une intégrale des symphonies avec l’OSM chez Analekta.
Je crois que l’enregistrement de Mackerras et celui de Gardiner ont marqué l’interprétation de la 9e Symphonie dans les années 1990.
Et les années 2000, direz-vous ? Entre tous, je crois que le plus marquant est celui d’Osmo Vänskä avec l’Orchestre symphonique du Minnesota en 2006. Il est représentatif de cette tendance moderne où la précision de l’interprétation est très grande, la clarté des différents motifs à l’orchestre est également très grande et il y a beaucoup de mouvement, beaucoup de contrastes. Je n’ai jamais entendu une interprétation aussi claire du développement fugué du premier mouvement de la symphonie. Non seulement entend-on toutes les parties, mais elles regorgent de vie. Il est clair que le chef a l’oreille vive, il entend les choses et les met en valeur.
À l’occasion du 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, écoutez sa Neuvième Symphonie. Il y travailla une grande partie se sa vie, tenant à mettre en musique l’Ode à la joie de Schiller et son message « Alle Menschen werden Brüder », tous les hommes sont des frères, hommes signifiant l’humanité.
This page is also available in / Cette page est également disponible en: English (Anglais)