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Le Centre Segal, résidence principale du théâtre juif à Montréal, présentera bientôt une pièce classique de 35 ans datant de l’ère de l’apartheid en Afrique du Sud, « Master Harold »… and the Boys, en collaboration avec deux troupes de théâtre afro-canadiennes. Comment cette comète inattendue est-elle apparue soudainement dans le ciel culturel ?
Commençons par la soirée d’ouverture au Centre Segal d’une nouvelle comédie musicale, The Hockey Sweater, inspirée d’une nouvelle de Roch Carrier. Alors qu’une ambiance de fête remplissait le hall après le spectacle, un groupe de femmes s’est réuni autour de la réalisatrice de la production, Donna Feore, connue pour son travail au Festival de Stratford. Le groupe comprenait Jackie Maxwell, ancienne directrice artistique du Shaw Festival et trois directrices artistiques actuelles d’institutions majeures: Lisa Rubin, du Centre Segal, Eda Holmes, du Centaur Theatre, et Alisa Palmer, de la section anglaise de l’École nationale de théâtre du Canada.
Au sein de cette constellation de femmes, Rubin s’est démarquée non seulement comme l’hôte de l’événement, mais aussi comme la nouvelle venue. Ancienne interprète de théâtre musical qui a déjà joué Diana Barry dans Anne… la maison aux pignons verts au Festival de Charlottetown, elle a gravi les échelons du Centre Segal. Depuis qu’elle a succédé à Paul Flicker en 2014, elle a prouvé qu’elle avait tout ce qu’il faut pour porter sur ses épaules le poids d’une grande institution établie des arts de la scène.
Quiconque a déjà occupé un poste de direction au Centre Segal dans les dix dernières années, ou au cours de ses quarante ans d’existence sous le nom de Centre Saidye Bronfman – il y en a eu beaucoup – vous dira que ce n’est pas facile. Selon le mandat du Centre Segal, « nous sommes à la fois un théâtre anglophone professionnel dans une métropole francophone et une plaque tournante de la culture juive ». Il est essentiel de jeter des ponts entre les communautés et d’être un « contributeur primordial à la tapisserie multiculturelle de Montréal ».
« Je pense que mon manque d’expérience m’a bien servi, dit Rubin. Cela m’a fait travailler fort et m’a appris à plonger et à penser comme un spectateur. » Rubin a non seulement présenté de nombreuses pièces acclamées par la critique (Funny Girl, My Name is Asher Lev, Bad Jews), mais a également aidé au lancement de la comédie musicale Belles-Sœurs et supervisé la création de trois autres comédies musicales, Prom Queen, The Apprenticeship de Duddy Kravitz et The Hockey Sweater. Belles-Sœurs, adaptée de la pièce de Michel Tremblay, Les Belles-Sœurs, a fait une tournée à Ottawa, Charlottetown et Calgary. Tout porte à croire que Prom Queen et The Apprenticeship of Duddy Kravitz seront repris ailleurs. The Hockey Sweater s’est avéré un succès au box-office, attirant particulièrement les familles incluant de jeunes joueurs de hockey.
Rubin, qui vient d’avoir 40 ans et est mère de deux enfants d’âge scolaire (Sophie, 10 ans, et Nate, 9 ans), comprend le genre du divertissement familial. Ses enfants lui ont donné une « attitude intrépide », dit-elle. « Je n’ai pas d’autre choix que de réussir pour eux. »
Notre première tentative d’entrevue échoue en raison de la fête d’anniversaire de Nate. Lorsque je la contacte le lendemain, elle traverse la sécurité à l’aéroport Trudeau, en direction de New York pour assister à une nouvelle pièce qui pourrait être reprise dans une prochaine saison au Centre Segal. Elle retourne mon appel du salon des passagers, attendant de monter à bord. Comment Rubin parvient-elle à tout faire ? « J’ai un conjoint incroyable », répond-elle. Le conjoint en question est l’acteur, musicien et compositeur Elan Kunin, une autre présence de longue date au Centre Segal. Que sa mère vive en ville l’aide aussi. « On cherche l’équilibre, dit-elle, mais on ne peut pas tout faire. Il est facile de trop se soucier de ce que les gens pensent. »
Une décision qui lui a valu des critiques cette année fut de réduire le financement du Théâtre yiddish Dora Wasserman, qui a été le cœur et l’âme du Centre pendant des décennies. Au printemps dernier, le Centre Segal a présenté ce qui pourrait être sa dernière comédie musicale à gros budget du théâtre yiddish pour un certain temps, It Shoulda Been You. Cette saison, la compagnie interne du théâtre yiddish n’a participé qu’à deux événements mineurs. Le premier a été A Century Songbook, une rétrospective musicale tenue en l’honneur du centenaire de la Fédération CJA, du 26 au 29 novembre. La deuxième sera une séance de chant en groupe pour Hanouka le 17 décembre.
Le Théâtre yiddish Dora Wasserman est une compagnie semi-professionnelle qui se produit en yiddish avec surtitres en français et en anglais. Son histoire comprend une production légendaire des Belles-Sœurs de Michel Tremblay, de nombreux classiques yiddish et même de grandes comédies musicales. Sauf que les temps et les données démographiques ont changé. « Il y a d’autres façons d’explorer l’identité juive à travers les arts », dit Rubin. À l’époque, le théâtre yiddish représentait la principale programmation juive du CSB. Maintenant, il y a une série de films juifs, et Rubin a introduit des pièces comme Bad Jews, My Name is Asher Lev et The Secret Annex dans ses saisons de théâtre anglophone. « Nous sommes également membre du concours d’écriture juive », dit-elle.
Interrogée sur son public principal, elle répond qu’il s’agit « principalement » d’amateurs de théâtre anglophone, bien qu’elle vise à attirer tous les Montréalais. Cependant, elle ajoute : « De toute évidence, la communauté juive de Montréal constitue une grande partie de notre auditoire. Et de nos donateurs. »
Alors, d’où vient sa prochaine présentation de la production du Festival Shaw « Master Harold »… and the Boys du dramaturge sud-africain Athol Fugard ? « Master Harold est une pièce simplement géniale, dit-elle. C’est une œuvre importante sur la façon dont notre environnement est imprégné de racisme, il peut pénétrer votre monde même si ce n’est pas ce que vous voulez. » Elle ajoute : « Ce fut l’une des grandes expériences théâtrales de ma vie », en faisant référence à la production de Master Harold dirigée par Phil Akin et récompensée d’un prix Dora Mavor Moore. Les négociations avec le Festival Shaw ont été lancées et le Black Theatre Workshop de Montréal a accepté de présenter la pièce « en association avec » le Centre Segal, tout comme l’Obsidian Theatre de Toronto.
Bien que ce choix puisse faire partie de la sensibilisation aux communautés culturelles désirée par Rubin, l’attrait de la production n’est spécifique à aucun groupe, autre que les amateurs de théâtre. Fugard a remporté le prix Nobel de littérature 2003. Les productions du Festival Shaw sont normalement à huit heures de route. Les spectateurs montréalais plus âgés se souviendront peut-être de la première canadienne de « Master Harold »… and the Boys au Centaur pendant la saison 1984-1985.
« Master Harold »… and the Boys, du 21 janvier au 11 février 2018, Théâtre Segal, Montréal. www.segalcentre.org
Traduit par Mélissa Brien
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