Critique de disque | Les raretés de Bizet sur Portrait chez Bru Zane

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Georges Bizet : Portrait 

Djamileh, Vasco de Gama, Le Retour de Virginie, Clovis et Clotilde, musique symphonique et chorale, musique pour piano et mélodies.

Karina Gauvin (soprano), Cyrille Dubois (ténor), Adèle Charvet (mezzo), Julien Dran (ténor) 

Orchestres et chefs divers

Bru Zane, 2025

Ainsi, il paraît que Bizet a écrit autre chose que Carmen ? Parmi ses autres œuvres lyriques, si on entend régulièrement Les pêcheurs de perles, on connaît moins La jolie fille de Perth ou Le docteur Miracle, par exemple. Pourtant il y a beaucoup à découvrir chez ce compositeur qui, au cours d’une carrière d’à peine vingt ans, a composé inlassablement dans différents genres – mélodies, symphonies, pièces pour piano. 

Inlassable lui aussi, le Palazzetto Bru Zane souligne les 150 ans de la mort du compositeur avec un coffret de quatre CD qui en brossent un portrait très complet, grâce à un généreux bouquet d’œuvres rares ou carrément inédites. 

Sur le CD 1, on retrouve Djamileh, un opéra en un acte qui trouve difficilement sa place au répertoire de nos jours, en raison notamment de son sujet d’un exotisme un peu dépassé. L’œuvre, qui contient de très belles pages subtilement orchestrées, a été peu enregistrée, ce qui fait qu’on accueille cette nouvelle version avec plaisir. 

Le CD 2 permet de découvrir une étonnante « ode-symphonie », Vasco de Gama. On voit parfois passer ce titre à cause du magnifique boléro « La marguerite a fermé sa corolle », resté au répertoire des sopranos et des ténors, mais le reste de la partition est aussi digne d’intérêt. 

Un inédit absolu se retrouve sur le CD 3, une cantate intitulée Le retour de Virginie. Cet exercice préparatoire au Prix de Rome, écrit par un jeune ambitieux d’à peine 18 ans, surprend par son inspiration et son habileté. Le compositeur n’aura jamais l’occasion d’entendre ces pages très réussies. 

Il finira par remporter un an plus tard le fameux prix qui ouvrait toutes les portes avec une autre cantate, Clovis et Clothide, qu’on retrouve sur le CD 4. On connaît un peu mieux cette œuvre, enregistrée à quelques reprises, dont une mouture notable mettant en vedette Montserrat Caballé. La version proposée ici permet d’entendre notre Karina Gauvin, pleine de panache et forte d’un français bien plus idiomatique que celui de sa devancière. 

Pour compléter le portrait, on retrouve à la fin de trois des CD des mélodies que Bizet écrivait pour les salons. Parmi les interprètes qui se les partagent ici, on admire surtout le beau timbre de la mezzo Adèle Charvet, certains de ses collègues étant moins inspirés… D’autres pièces appartiennent à des genres peu fréquentés, comme ce chœur avec orchestre, Le golfe de Baïa, qui mériterait d’être exécuté parfois en concert.

Bizet, pianiste émérite qui aurait pu en faire carrière, a aussi écrit des morceaux pour piano d’une grande valeur, dont le plus connu est les Variations chromatiques – qui pourraient aussi bien s’appeler les variations énigmatiques ! Parmi les inédits, des compositions pour piano étonnantes écrites à partir de chœurs de Charles Gounod, ami et mentor de Bizet, se laissent écouter avec plaisir. 

D’ailleurs, tout ce Bizet « hors Carmen » mérite qu’on lui prête une oreille gourmande. Jamais banale, toujours débordante d’idées originales, la musique de ce musicien mort trop tôt (à l’âge de 36 ans) vibre pour toujours d’une éternelle jeunesse. 

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